verbes pronominaux

Bonjour,

Je trouve dans une traduction de Willa Cather (Mon  ennemi mortel) deux phrases contenant des verbes pronominaux dont l’accord me paraît suspect.

Pourriez-vous me donner votre avis :

« Cette jeune femme s’était acquise l’admiration d’hommes de lettres »

S’acquérir est-il un verbe pronominal autonome ? J’ai un doute, mais si c’est le cas, alors l’accord se fait bien avec le sujet, au féminin. S’il ne s’agit pas d’un verbe pronominal autonome, le COD est l’admiration d’hommes de lettres, et il est placé après le verbe. De ce fait, pas d’accord.

Autre phrase, autre doute : « Il l’avait envoyé chercher » (en parlant de Myra, une femme).

J’aurais écrit : « Il l’avait envoyée chercher », puisque c’est bien Myra qu’on cherche.
(Petit aparté, car je vis en Alsace depuis des années, : les Alsaciens disent qu’ils cherchent quelqu’un et non qu’ils vont chercher quelqu’un, ce qui me fait toujours sourire. )

Merci de vos réponses.
Amicalement,
Karine

karine Aubry Érudit Demandé le 5 janvier 2025 dans Accords

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3 réponse(s)
 

1. Il ne s’agit en effet pas d’un pronominal autonome car le verbe conserve strictement le même sens. Il n’y a donc pas lieu d’accorder. Le pronom est d’ailleurs ici un peu indu car on n’acquiert pas quelque chose à  quelqu’un mais pour lui. Il s’agit là plutôt de ce qu’on nomme un datif éthique (de renforcement). On pourrait sans problème le supprimer :  « Cette jeune femme avait acquis l’admiration d’hommes de lettres. »
2. Dans envoyer chercher, envoyer a une fonction de semi-auxiliaire et ne s’accorde donc pas (cf. elle l’a fait chercher).

Chambaron Grand maître Répondu le 5 janvier 2025

Envoyer est moins qu’à moitié grammaticalisé comme semi-auxiliaire. Il a gardé un contenu sémantique propre.
Envoyer n’a pas, comme faire, deux sens différents :
Je le/lui fais traverser la rue / je le fais très soigneusement
Je l’envoie chercher / je l’envoie au troisième étage

>> On voit que faire ne peut se superposer parfaitement à envoyer. Dans le cas de faire semi-auxiliaire, l’agent peut être le ou lui. Lui est impossible avec envoyer.

J‘opterais donc pour l »accord, le pronom LE n’étant pas agent mais bien COD : Je l’ai envoyée chercher

Tara Grand maître Répondu le 6 janvier 2025

Le changement éventuel de sens n’est qu’un aspect annexe d’un semi-auxiliaire qui sert fondamentalement (auxiliaire  = aider à) à conjuguer un autre verbe à l’infinitif.  L’invariabilité devrait être la règle quels que soient le sujet ou le C.O.D.  Mais on continue de fendre les cheveux en quatre pour savoir qui fait l’action ou à chercher des sous-entendus.
Ici : « Ta fille n’est pas là : :je l’ai envoyé chercher. » (fille est C.O.D. de chercher, pas de envoyer) à comparer à « Ta fille ne fait rien : je l’ai envoyée chercher le pain. » (fille est bien C.O.D de envoyer).

le 6 janvier 2025.

Comme l’a dit karine Aubry, dans la phrase « Il l’avait envoyé chercher », c’est Myra qu’on cherche, mais ce n’est pas Myra qui cherche. On envoie quelqu’un chercher Myra, mais on n’envoie pas Myra chercher quelqu’un. Ainsi, puisqu’on aime fendre les cheveux en quatre, l’, mis pour Myra, est COD de chercher, mais pas d’envoyer. Semi-auxiliaire ou pas, le participe passé envoyé restera donc toujours invariable dans ce cas.

Chambaron, si le changement de sens n’est qu’un aspect annexe d’un semi-auxiliaire, qu’est-ce qui fait qu’envoyer est ici semi-auxiliaire svp ? Plus largement, comment détecter à coup sûr un semi-auxiliaire ? Car d’après ce que je lis, c’est justement le changement de sens qui permet de trancher, alors je suis perdu. Ma question porte bien sur la règle, et pas sur ce que devrait être la règle, même si je partage votre avis sur l’extrême complexité de tout cela.

AntM Grand maître Répondu le 6 janvier 2025

Il ne s’agit pas de règle mais de définition du semi-auxiliaire sur laquelle  les grammaires ne sont pas toujours d’accord. Une fois enlevés les deux seuls auxiliaires purs que sont être et avoir, beaucoup de verbes peuvent s’employer pour infléchir le sens d’autres verbes, employés à l’infinitif. C’est le cas typique du factitif faire (je la  fais réussir) mais la liste est longue et non close à mon sens. On peut avoir une construction directe (je vais partir, je pense rester, etc.) ou indirecte (je finis de peindre, j’apprends à lire, etc.). Il ne s’agit donc pas de nature du verbe mais d’emploi (de fonction) ce qui explique que le  sens du verbe de base soit en général conservé, mais au service de l’autre verbe et non des compléments. Cela débouche logiquement sur l’invariabilité du participe.
Pour la première partie de votre réponse, nous sommes d’accord mais la phrase sans contexte est néanmoins ambigüe : on peut envoyer quelqu’un chercher sans complément, au sens de faire des recherches.
NB Un cas souvent soumis est la phrase : Les chemises que j’ai donné(es) à repasser. L’analyse par le semi-auxiliaire permet de détecter que donner n’est pas à accorder puisqu’il modifie le verbe repasser. Mais on écrira : Les chemises que j’ai données au repassage.

le 6 janvier 2025.

Je vous remercie pour votre réponse. J’ai l’impression de bien comprendre ce que vous dites, néanmoins je n’arrive pas à voir ce qui fait qu’un verbe va être considéré ou non comme semi-auxiliaire dans tel ou tel contexte. En l’occurrence, je ne vois pas ce qui fait qu’envoyer est semi-auxiliaire ici, ou encore donner dans votre exemple (je ne perçois pas la différence de fonction entre donner à repasser et donner au repassage). Navré, je ne veux pas monopoliser ce fil de discussion… Avez-vous une lecture à me conseiller sur le sujet ? J’ai bien lu le Grevisse, mais ça ne m’aide pas beaucoup.

le 6 janvier 2025.

La différence essentielle, c’est l’emploi avec un autre verbe à l’infinitif (avec lequel il fait périphrase indissociable) ou avec un complément nominal (remplaçable ou amovible). C’est plutôt une simple question de catégorie, sans grande incidence sémantique.
En fait, on ne s’en préoccuperait même pas sans le souci (factice et fondamentalement inutile) de l’accord du participe passé.
Exemple avec différence audible : 
– Les pommes qu’il a [mis à chauffer] au four ;
– Les pommes qu’il a mises [au four, dans le four, à thermostat 8].

le 6 janvier 2025.

Merci beaucoup pour vos éclaircissements. Je pense que je comprends (j’espère !).
Pouvez-vous me confirmer que :
– si c’est Myra qu’on cherche (régionalisme alsacien) : il l’avait envoyé chercher, ici envoyé est semi-auxiliaire, donc invariable ;
– si c’est Myra qui cherche : il l’avait envoyée chercher (= il avait envoyé Myra chercher [qqn/qqch]), ici envoyer n’est pas semi-auxiliaire, il garde bien sa fonction de verbe à part entière (et donc on accorde puisque l’ est bien COD antéposé du PP). Ai-je bien tout compris ?

le 6 janvier 2025.

Oui, on peut résumer comme cela.

le 7 janvier 2025.

En l’espèce, il me semble que l’on est plus face à une structure du type entendre + infinitif – où les deux verbes sont pleins, avec en 1) ellipse du COD du verbe conjugué / de l’agent du verbe infinitif – qu’à une structure avec semi-auxiliaire.

1)
a – J’ai entendu chanter la chanson > La chanson, je l’ai entendu chanter (pas d’accord du participe, parce que chanson est COD de chanter et non de entendre).
b – J’ai envoyé chercher Myra > Myra, je l’ai envoyé chercher (même analyse que supra).

2)
a – J’ai entendu les enfants chanter la chanson > Je les ai entendus chanter la chanson (accord du participe au masculin pluriel avec son COD antéposé : les = enfants).
b – J’ai envoyé les enfants chercher Myra > Je les ai envoyés chercher Myra (même analyse que supra).

Qui est entendu ? Qui est envoyé ? Les enfants.

 

(Cela dit, cette analyse vaut pour laisser – mais non pour faire – et pourtant laisser est proposé invariable par les rectifications orthographiques.)

le 7 janvier 2025.

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