Laissez-le y… laissez-l’y…

Répondu

Bonjour,
Doit-on écrire :
« Laissez-le y entrer… »
ou bien
« laissez-l’y entrer… » ?

Merci de votre éclairage.

Isil Érudit Demandé le 23 avril 2021 dans Question de langue

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6 réponse(s)
 
Meilleure réponse

On peut dire (avec liaison : laissez-les-zy) :
-> S’ils s’y trouvent bien (dans leur ignorance), laissez-les-y ; s’il s’y trouve bien (dans son lit), laissez-l’y.
Mais également (sans liaison : laissez-les hy) :
-> S’ils le souhaitent, laissez-les y venir (à la réunion) ; s’il le souhaite, laissez-le y venir (à la fête).
Votre question concerne cette différence d’emploi : laissez-l’y / laissez-le y…
La réponse serait très simple si vous conjuguiez le verbe regarder (points 2 et 3) ou le verbe faire (point 4), mais avec le verbe laisser (point 5), il faut développer un peu.

1. Quand les deux pronoms se rapportent au même verbe (un COD et un autre complément), on les associe (élisions, traits d’union à l’impératif).
-> Tu me le lis. Tu l’y invites. Tu les y laisses.
-> Lis-le-moi. Invite-l’y. Laisse-les-y.

2. Quand il y a deux verbes (un verbe de perception et un infinitif), que le verbe de perception a un pronom COD qui est agent de l’infinitif (vous le regardez jouer), et que l’autre pronom est un complément circonstanciel (regarder dans le jardin, ou jouer dans le jardin), on a le choix de combiner ces éléments avec des nuances : il est dans le jardin ; il joue ; il y joue ; regardez-le ; regardez-l’y) :
-> Regardez-le dans le jardin. Que fait-il ? Il joue. Regardez-l’y jouer.
-> Regardez-le jouer. Où ? Dans le jardin. Regardez-le y jouer.
On voit dans le second cas qu’il n’y a ni élision ni trait d’union, car on rattache le deuxième pronom à l’infinitif, et on ne peut pas le combiner avec le premier pronom qui lui se rattache au verbe conjugué.

3. Quand il y a deux verbes (un verbe de perception et un infinitif), que le verbe de perception a un pronom COD qui est agent de l’infinitif (vous le regardez jouer), et que l’autre pronom est un complément essentiel (aller à Paris, y aller, ou jouer au foot, y jouer), on n’a pas le choix, car le deuxième pronom se rapporte exclusivement à l’infinitif et les éléments : regardez-le ; il joue au foot ; il y joue… ne se combinent jamais en : regardez-l’y) :
-> Regardez-le. Que fait-il ? Il joue au foot. Regardez-le y jouer.
Le verbe « entrer » est un verbe de ce type qui appelle un complément essentiel, se rapportant obligatoirement à ce seul verbe, même s’il s’agit d’un lieu.
-> Regardez-le. Que fait-il ? Il entre dans la maison. Regardez-le y entrer.

4. Avec le verbe faire, le regroupement est au contraire obligatoire (avec un pronom datif pour l’agent quand il y a déjà un pronom accusatif pour le COD de l’infinitif, mais c’est une autre question). Ce regroupement reste obligatoire à l’impératif.
-> Vous le lui faites lire. Faites-le-lui lire.
-> Vous l’y faites entrer (et non vous le faites y entrer). Faites-l’y entrer (et non faites-le y entrer).
On explique cela en disant par exemple que « faire » est un auxiliaire.

5. Avec le verbe intermédiaire laisser, comme souvent, on peut considérer au choix :
* qu’on a bien deux verbes, dont le COD du premier est agent du second ;
* que le verbe laisser et l’infinitif forment un tout, et que laisser joue un rôle d’auxiliaire.
On peut donc choisir :
* Construire comme avec regarder :
-> Vous le regardez la lire (la lettre). Regardez-le la lire.
-> Vous le laissez la lire (la lettre). Laissez-le la lire.
-> Vous le regardez y entrer (dans la pièce). Regardez-le y entrer.
-> Vous le laissez y entrer (dans la pièce). Laissez-le y entrer.
* Construire comme avec faire :
-> Vous la lui faites lire (la lettre). Faites-la-lui lire.
-> Vous la lui laissez lire (la lettre). Laissez-la-lui lire.
-> Vous l’y faites entrer. Faites-l’y entrer.
-> Vous l’y laissez entrer. Laissez-l’y entrer.

Un critère sémantique (regardez l’accord de « laissé » et la place du « y ») :
* Si vous préférez construire « laisser » (au sens du constat de « vous les avez vues y entrer ») comme un verbe de perception introduisant un COD (sur le modèle « vous les avez laissées y entrer« ), alors écrivez « laissez-le y entrer« .
* Si vous préférez considérer « laisser » (au sens actif de « vous les y avez fait entrer », si vous êtes portier) comme un auxiliaire (sur le modèle « vous les y avez laissé entrer« ), alors écrivez « laissez-l’y entrer« .

Burno Membre actif Répondu le 24 avril 2021

« Lui » est le tonique COI. « le », le tonique COD.

le 24 avril 2021.

Si on ne fait pas l’élision à l’impératif, c’est que le pronom est tonique.
Tu me laisses y entrer —> laisse-moi y  entrer
Tu le laisses y entrer —> laisse-le y entrer /
Tu l’y invites —> invite-le à faire cela.

Tara Grand maître Répondu le 24 avril 2021

merci, vous m’avez expliqué mon explication

le 24 avril 2021.

😄

le 24 avril 2021.

L’ordre des pronoms : Laissez-le (y) entrer !
y et en doivent être positionnées en dernier.
Lui et leur en avant-dernier :

  • Donne-lemoi !
  • Achète-lalui !
joelle Grand maître Répondu le 23 avril 2021

Je sais cela, mais ce n’est pas ma question.
Je me posais la question sur l’écriture de l’une ou de l’autre des formes… doit-on faire l’élision ? Cela me fait bizarre à la lecture à voix haute.

Isil Érudit Répondu le 23 avril 2021

Pas d’élision…sans doute à cause de l’impératif. 
je l’y autorise : je l’autorise à faire cela, je l’y mets…Je vais l’y conduire.

le 23 avril 2021.

Ah, ouah ! Ça m’apprendra à poser des questions ! 😀

Blague à part, merci infiniment pour ces réponses. Je n’avais pas imaginé passer 10 minutes à lire minutieusement celles-ci !
Je savais que notre belle langue était riche en nuances, mais là, je suis bluffé.

Je retiens donc pour m’aider :
« Un critère sémantique (regardez l’accord de « laissé » et la place du « y ») :
* Si vous préférez construire « laisser » (au sens du constat de « vous les avez vues y entrer ») comme un verbe de perception introduisant un COD (sur le modèle « vous les avez laissées y entrer« ), alors écrivez « laissez-le y entrer« .
* Si vous préférez considérer « laisser » (au sens actif de « vous les y avez fait entrer », si vous êtes portier) comme un auxiliaire (sur le modèle « vous les y avez laissé entrer« ), alors écrivez « laissez-l’y entrer« . »

Dans le contexte du récit, l’ordre est donné à des policiers de laisser un suspect en fuite entrer « de lui-même » dans un parc afin de l’y prendre au piège… J’ai tendance à penser que, même si l’acte est indirect contrairement au portier, nous sommes dans l’action plutôt que dans la perception et qu’il me faudrait alors écrire ! « Laissez-l’y entrer ! » … soit dit en passant, c’est l’option que j’avais intuitivement prise avant de me torturer les méninges.

Merci encore à vous deux.

Isil Érudit Répondu le 24 avril 2021

Bonsoir à tous, je vous invite vivement à consulter ce document, découvert aujourd’hui et qui m’a captivé. 🙂

 

Les pronoms adverbiaux « en » et « y » :

Emplois et contraintes syntaxiques

Résumé

La complexité linguistique liée à l’emploi des pronoms adverbiaux en et y et des pronoms personnels compléments lui, elle, elles, eux, le, la, l’, les, est si évidente qu’elle nécessite une analyse exhaustive des différents emplois et des contraintes syntaxiques régissant le discours. En effet, les règles de la grammaire traditionnelle ne sont pas absolues et parfois contradictoires. Contrairement à ce l’on pense, ces règles n’explicitent pas de manière précise et évidente leur emploi, car elles sont fragiles et non stables. Cette instabilité est due, à notre avis, à l’évolution de la notion à travers les âges, d’une part et à l’usage que l’on en fait aujourd’hui, d’autre part. Il nous semble donc fondamental d’éclairer les zones d’ombre de ces difficultés pour une meilleure appréhension de ces faits de langue par nos apprenants.

 

https://gerflint.fr/Base/Algerie22/sissaoui.pdf

 

 

Palimpsieste Débutant Répondu le 29 juin 2021

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