Verbes défectifs et rôle du verbe faire

Répondu

Bonjour,

En voulant écrire le verbe frire à l’imparfait, je n’ai pas trouvé comment le faire. J’ai ainsi su qu’il appartenait au groupe des verbes défectifs (sauf erreur)

Après vérification, l’action de frire quelque chose au passé, temps simples, voix active, n’existe pas dans la conjugaison du verbe frire.

Les choix qui se rapprochent le plus de cette action réalisée (voix active) au passé, n’existent que parmi les temps composés. (avec l’auxiliaire avoir)

Le seul temps se rapprochant le plus de l’imparfait (que je souhaitais exprimer) était le
plus que parfait : j’avais frit.

Or, pour moi, ce n’était pas pareil, alors, j’ai choisi d’écrire : je faisais frire (les cèpes uniquement dans de l’huile d’olive, c’était cela mon secret) parce que j’ai trouvé que cela correspondait mieux.

Nous sommes bien d’accord sur le fait que je n’ai pas utilisé l’auxiliaire avoir, mais le verbe faire pour construire ma phrase à l’imparfait.

Pourriez-vous me dire le rôle du verbe faire dans cette construction s’il vous plaît ?

Merci d’avance

Cocojade Grand maître Demandé le 20 décembre 2023 dans Conjugaison

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Pour comparer le comparable, il faudrait opposer J’avais frit les cèpes… à J’avais fait frire les cèpes, où vous voyez que le temps est dans les deux cas le plus-que-parfait, alors que dans Je faisais frire les cèpes, on a un imparfait qui seul a la valeur d’habitude / ou d’action en cours qui semble être la notion que vous souhaitez signifier présentement. Donc ici l’utilisation de faire permet la conjugaison à l’imparfait, temps pour lequel frire est défectif.

Lorsque le temps n’est pas défectif, comme c’est le cas pour le P-q-P, l’utilisation du factitif introduit-elle une nuance ? Peut-être existe-t-elle, mais personnellement, je ne la perçois pas vraiment, peut-être le factitif accentue-t-il le rôle agentif du sujet (bof) ?

Le rôle classique du factitif est d’introduire un nouvel actant qui cause le procès.
Les enfants mangent = un actant.
Je fais manger les enfants = deux actants.

Dans les deux cas, les enfants mangent, mais dans un cas ils mangent de leur propre chef, tandis que dans l’autre, c’est un tiers qui cause cette action (la causation peut être moins directe : J’ai fait manger les enfants dans le jardin, ici la causation porte non sur le procès mais sur le lieu de la prise de nourriture – en fait la phrase est ambiguë, la causation peut également porter sur la prise de nourriture).

Dans le cas de frire / faire frire, les choses sont différentes, puisque la causation existe déjà sans le factitif :
Le poisson frit / a frit / avait frit dans la poêle.
Je fris / J’ai frit / J’avais frit le poisson dans le poêle >>> Je suis la cause du poisson qui frit dans la poêle, par conséquent :
Je fris / J’ai frit / J’avais frit le poisson dans le poêle = Je fais frire / J’ai fait frire / J’avais fait frire le poisson dans la poêle.

Dans le cas présent, il semble bien que faire n’ait qu’un rôle de support temporel.

marcel1 Grand maître Répondu le 20 décembre 2023

Temporitif donc ?

le 20 décembre 2023.

J’imagine que ça se veut drôle, admettons ;  sinon, c’est finalement le rôle des auxiliaires (ceux qui ne le sont pas qu’à moitié) que de porter les marques de temps et de personnes, donc en l’espèce, faire perd son sens causatif pour ne conserver que son rôle de support temporel (modal, de personnes).

le 20 décembre 2023.

Oui, veuillez excuser mon commentaire qui est parti en cours de frappe. La suite donc
…😊
C’est exactement le rôle d’un auxiliaire (même semi) que de donner une valeur temporelle, ajouté a un participe ou un infinitif. D’ailleurs on conjugue dans un mode et à un temps.
Aller permet d’installer un futur proche par exemple.

le 20 décembre 2023.

Ce qui donne comme réponse simple à la question de Cocojade : son rôle consiste à être un semi-auxiliaire.
Et tout est dit.

le 21 décembre 2023.

Hmmm, c’est tout de même passer à côté du grand intérêt de ce verbe où la forme avec l’auxiliaire avoir et celle avec l’auxiliaire factitif sont synonymes + un semi-auxiliaire n’est généralement pas vide sémantiquement contrairement aux auxiliaires être et avoir ; or ici, il le devient quasiment puisque la forme avec avoir est sémantiquement factitive à défaut de l’être syntaxiquement. Autant de choses qui passent un peu sous la trappe avec votre (certes juste mais) lapidaire réponse.

le 21 décembre 2023.

Pauvre verbe frire qui ne ne fait plus rire sauf avec quelques personnes et juste pour quelques temps. Pour rigoler, préférez donc le verbe rissoler qui lui n’est pas défectueux et consomme en général moins de gras, c’est meilleur pour la ligne comme pour la planète.

Avec le verbe faire, on peut tout faire ! C’est un précieux auxiliaire, qualifiable de factitif, une sacrée tautologie ! Si l’on peut faire frire, c’est que le verbe frire, à l’origine transitif : Je fris l’ognon, peut devenir intransitif : L’ognon frit,  finalement un verbe réversible car c’est effectivement mieux de frire des deux côtés. Dans le deuxième cas, l’intransitivité crée un sens passif que l’on peut à nouveau retourner avec l’auxiliaire faire sans changer le sens initial : Je fais frire l’ognon = Je fris l’ognon.  Mais cela devient plus compliqué au pluriel : Je fris les ognons > Les ognons… Oups ! sont en train de frire > Je suis en train de faire frire les ognons, surtout s’il y a plusieurs personnes en cuisine : Nous sommes en train de frire les ognons/ nous faisons frire les ognons/ nous sommes en train de faire frire les ognons > Les ognons crament. Je vous le disais plus haut : rissolez  ! C’est également réversible.

Sinon, passez aux Anglais. Ils nous ont piqué la moitié du vocabulaire sans se faire tant de nœuds à la cervelle : We fried the onions ! Really, they freed the fries.

Bruno974 Grand maître Répondu le 20 décembre 2023

Très en forme Bruno, c’est brillant !, mais sinon voyez-vous une différence entre les deux formes ? Autrement dit, quel est son rôle, pour reprendre la question de Cocojoade, particulièrement dans le cas où le verbe n’est pas défectif, donc avec par exemple celui que vous donnez :
Je rissolais les cèpes /Je faisais rissolais les cèpes uniquement à l’huile d’olive.
J’avais l’habitude de rissoler les cèpes / de faire rissoler les cèpes uniquement à l’huile d’olive.

(Hormis le fait que la forme avec faire est vraisemblablement plus usitée.)

le 20 décembre 2023.

Je me suis plongé dans la Grammaire méthodique du français pour trouver des réponses :

1°) [IX.2.3 Les auxiliaires aspectuels, modaux et causatifs/Les auxiliaires causatifs] Le verbe faire est sans hésitation ni nuance un auxiliaire causatif. Dans la phrase Marcel fait rissoler les cèpes, le sujet de faire (Marcel) est la cause du procès exprimé par la structure infinitive (rissoler les cèpes).

2°) [XIV.7.5 Autres formes du passif et VIII.4.5 Les verbes à retournement] Les verbes frire, rissoler, mais aussi pourrir, casser, démarrer, etc. sont des verbes réversibles qui admettent une construction transitive et une construction intransitive de sens passif.  Dans ce deuxième cas, l’actant initial est généralement effacé mais peut être rappelé par un complément d’agent : Les cèpes rissolent (sous l’action de Marcel). Lorsqu’on applique la construction avec faire auxiliaire causatif à ce procès de sens passif, cela donne : Marcel fait rissoler les cèpes  (sous l’action de Marcel). Comme l’agent du procès passif est le même que l’agent du procès causatif, la phrase a exactement la même valeur signifiante que la construction transitive de sens actif : Marcel rissole les cèpes.

L’ouvrage donne comme exemple : Le vent casse les branches / Les branches cassent sous l’effet du vent / Le vent fait casser les branches.

Avec des verbes réversibles courants, il n’y a donc aucune utilité ou nécessité à utiliser l’auxiliaire causatif faire, simplement une liberté. Il y a juste des habitudes de langage plus ou moins ancrées. Avec un verbe à la fois réversible et défectif comme frire, c’est le seul moyen de contourner les carences de conjugaison, ici par exemple l’imparfait et le pluriel : Marcel et Cocojade faisaient frire les cèpes

le 21 décembre 2023.

Je suis surpris que Riegel analyse frire comme de sens passif dans sa forme intransitive.

Le poisson a frit dans la poêle = voix active, sens moyen = confusion des rôles de patient et d’agent.
(Parce que bien sûr que le poisson ne s’est pas mis tout seul dans la poêle, mais une fois qu’il y a été mis, c’est bien lui qui frit (« agent/cause » > il frit, rissole, cuit, brûle, refroidit, etc. tout seul) et c’est bien lui qui est le siège du procès (« patient »)).

Le poisson a été frit (par le cuisinier) = voix passive, sens passif (agent sémantiquement impliqué, son expression est facultative) ; et donc maintenant,

le poisson est frit = construction attributive, sens résultatif.

Le poisson se frit à l’huile d’olive = voix pronominale, sens passif (l’agent est sémantiquement impliqué, mais son expression grammaticale est interdite > Le poisson se frit par le cuisinier).

le 21 décembre 2023.

@ Bruno

Votre déroulé est excellent ! 🙂
Mais… la petite cuisinière que je suis voit une différence entre rissoler et frire.

Frire sous-entend une notion de « puissance de feu » ainsi qu’une action un peu rapide, énergique… là où rissoler aurait tendance à induire plus de douceur, de temps et de… délicatesse.

Alors certes, je pratique souvent « la fuite dans le remplacement » quand un mot me pose un problème d’accord (ou autre) et en ce sens, votre proposition tombe à pic, mais… en tant que cuisinière (et femme 😉 ), je ne me risquerai pas à amalgamer le sens de ces deux verbes.

Bon après-midi Bruno

le 22 décembre 2023.

@ Marcel

Votre notion d’agent et de patient sous-entendus selon ce qui est exprimé est très intéressante (et effectivement aucun poisson n’irait se faire frire tout seul comme un grand 😉 )

le 22 décembre 2023.

Bonjour,

Bonjour,

Faire est ici un semi-auxiliaire, comme par exemple aller dans « je vais regarder ce dessin ».

https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9S1142

Ouatitm Grand maître Répondu le 20 décembre 2023

Bonjour Ouatim.

Je vous remercie pour votre retour.
Votre exemple « je vais regarder »est parfait.
Faire comme aller peuvent jouer tous deux le rôle de semi-auxiliaires « temporels » dans le sens où sans eux, nous ne pourrions pas exprimer « précisément » une action dans le temps, telle que nous souhaitons la livrer.
Merci 🙂

le 22 décembre 2023.

Bonjour Marcel, Bruno et Ouatim.

Que dire ? (à part que je ne m’attendais pas à autant de réponses passionnées 😉 )
Vos divers retours me sont extrêmement intéressants et je vous en remercie !

J’ai posé cette question, car je voyais une nette différence entre « j’avais frit » et « je faisais frire ».
« J’avais frit … » indiquait à mes yeux un acte « ponctuel » (même si ayant eu lieu dans le passé) et ce n’est pas ce que je souhaitais dire.
« Je faisais frire » m’apparaissait mieux indiquer un acte du ressort de « l’habitude », dans le passé, ce que je voulais exprimer.

C’est de là qu’est née ma réflexion sur le rôle du verbe faire dans ma phrase, car sans lui, je ne pouvais pas construire l’imparfait que je souhaitais.
Il me semblait donc avoir un rôle quasi comparable à celui des auxiliaires être ou avoir dans ce cas précis.
J’écris la plupart du temps « à l’instinct », d’après des règles apprises il y a longtemps (voire très longtemps 😉 ) et j’ignore également beaucoup de choses. Pouvoir nommer le rôle du verbe faire m’a intéressée, d’où de ma question.

Ce que je « crois » comprendre de vos réponses (directement en lien avec ma question), c’est que, de fait, il existe des semi-auxiliaires. L’exemple de « je vais regarder » est parfait. En effet, à part utiliser le verbe aller, je ne vois pas comment mieux exprimer cette action précise (je regarderai n’est pas comparable).
Je comprends également que, dans ma phrase, le semi-auxiliaire faire, me sert de support « temporel », puisque lui seul me permet d’exprimer le temps précis que je souhaite, à savoir l’imparfait, ceci sans changer le sens précis de l’action ni sa voix (active/passive)

Si j’ai mal compris, dites-le-moi…
Merci d’avance

Cocojade Grand maître Répondu le 22 décembre 2023

« Je comprends également que, dans ma phrase, le semi-auxiliaire faire, me sert de support « temporel », puisque lui seul me permet d’exprimer le temps précis que je souhaite, à savoir l’imparfait, ceci sans changer le sens précis de l’action ni sa voix (active/passive) »
C’est exactement ça. 🙂

le 22 décembre 2023.

Hourra !

Merci Marcel 🙂

le 22 décembre 2023.

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