« Se rappeler » doit être suivi d’un complément direct

Répondu

Laquelle de ces deux phrases est correcte ?
C’est souvent sans explication que notre cœur nous rappelle aux affres de la solitude.

Ou :

C’est souvent sans explication que notre cœur nous rappelle les affres de la solitude.


« Se rappeler
doit être suivi d’un complément direct », dit le dictionnaire de l’Académie.

Mais nous disons : « Se rappeler au bon souvenir, à l’attention de quelqu’un ».

alain1979 Maître Demandé le 4 octobre 2021 dans Question de langue

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(Se) rappeler est effectivement un verbe transitif (donc un verbe qui demande un complément d’objet direct).

Il peut également être bitransitif, c’est-à-dire construire deux complément d’objets, c’est le cas dans l’expression rappeler quelqu’un au bon souvenir de quelqu’un, qui peut également être pronominal : se rappeler au bon souvenir de quelqu’un, avec se qui est le COD.

Donc la phrase correcte est : C’est souvent sans explication que notre cœur nous rappelle les affres de la solitude. (Sauf que je ne suis pas certain que la phrase veuille dire grand-chose, mais je ne suis guère poète.)

phil-en-trope Grand maître Répondu le 4 octobre 2021

Grand merci pour votre explication, cher Phil-en-trope ! Je note.

le 4 octobre 2021.

De rien alain1979 ! 🙂
Mais attention, dans Se rappeler au bon souvenir de quelqu’un, le COD n’est pas au bon souvenir de quelqu’un, mais le pronom réfléchi se.

le 4 octobre 2021.

Alain,

On se rappelle quelque chose et on se souvient de quelque chose.

« Ma femme se rappelle à votre bon souvenir et à celui de Madame Gide, à laquelle veuillez me rappeler » (Claudeldans Claudel et GideCorresp., p. 122).

Le Bon usage actuel.

Prince (archive) Débutant Répondu le 4 octobre 2021

Alain,

On se rappelle quelque chose et on se souvient de quelque chose.

BDL :  Attention, c’est plus compliqué que cela.

« Se rappeler et se souvenir

Depuis longtemps, se rappeler et se souvenir sont deux verbes étroitement liés, qui se sont mutuellement influencés. Ainsi, souvenir n’était pas, à l’origine, un verbe pronominal (on disait alors : il me souvient de… tour aujourd’hui archaïque ou littéraire); il l’est devenu au XVIe siècle sous l’influence de se rappeler. Par ailleurs, on a pris l’habitude d’employer se rappeler avec la préposition de sur le modèle de se souvenir de.

Bien que ces verbes renvoient tous deux à une même notion, ils présentent quelques différences syntaxiques que la langue spontanée a tendance à oublier, semant ainsi une certaine confusion. Voyons un peu ce qui est considéré comme correct et ce qui l’est moins.

 

On se rappelle quelque chose, mais on se souvient de quelque chose.

Exemples :

– C’est avec nostalgie que je me rappelle les vacances de ma jeunesse. (et non : que je me rappelle des vacances)

– C’est avec nostalgie que je me souviens des vacances de ma jeunesse.

– Quand on l’a revu, il ne se rappelait même plus nos noms. (et non : il ne se rappelait même plus de nos noms)

– Quand on l’a revu, il ne se souvenait même plus de nos noms.

Comme le verbe se rappeler demande un complément direct, il ne peut par conséquent se construire avec le pronom en qui sous-entend un complément indirect (en = de quelque chose). Par contre, le verbe se souvenir peut, lui, se construire avec en. On dira donc je m’en souviens mais je me le rappelle.

Exemples :

– Elle se rappelle ce moment avec émotion. (et non : elle se rappelle de ce moment)

– Elle se le rappelle. (et non : elle s’en rappelle)

– Elle se souvient de ce moment avec émotion.

– Elle s’en souvient.

– Souvenez-vous-en.

– Souviens-t’en. (et non : souviens-toi-z-en; souviens-toi-z’en)

Pour la même raison, se rappeler s’emploiera avec que et non avec dont.

Exemples :

– C’est tout ce que je me rappelle. (et non : c’est tout ce dont je me rappelle)

– C’est tout ce dont je me souviens.

Touteois, se rappeler peut s’employer avec en ou dont lorsque ceux-ci sont des compléments du nom de l’objet direct.

Exemples :

– Un roman dont je ne me rappelle plus la conclusion. (la conclusion du roman)

– Un roman que je n’ai pas lu.

– Une histoire dont j’ai oublié le dénouement. (le dénouement de l’histoire)

– Une histoire que j’ai oubliée.

– J’ai adoré ce voyage, je m’en rappelle les moindres détails. (les détails de ce voyage)

On pourra de même employer de dans des constructions où le complément ne se rattache pas au verbe se rappeler mais à un autre verbe.

Exemple :

– Je me rappelle de quelle façon nous nous en sommes sortis. (de quelle façon se rattache au verbe se sortir et non à se rappeler)

Por compliquer un peu les choses, précisons que se rappeler peut, ou a pu, s’employer avec de dans certains cas, notamment lorsqu’il est suivi d’un infinitif présent qui exprime une action qu’il ne faut pas oublier d’accomplir; dans un tel contexte, on peut généralement remplacer se rappeler de par penser à.

Exemples :

– Il doit se rappeler de tout ranger avant le retour de ses parents.

– Rappelle-toi de me téléphoner dès que tu arriveras.

Il en va de même lorsque se rappeler est suivi d’un infinitif passé, bien que cet emploi avec la préposition soit aujourd’hui vieilli; dans l’usage moderne, on omet généralement la préposition.

Exemples :

– Je me rappelle lui avoir dit tout ce que je savais. (Je me rappelle de lui avoir dit… est un tour vieilli)

– Ils se rappelaient être passés par cette route il y a bien longtemps.

Il est à noter que le verbe se souvenir, qui s’emploie normalement avec de dans ce cas, s’emploie parfois, sous l’influence de se rappeler, sans préposition. Cet emploi n’est pas condamné, mais certains grammairiens trouvent préférable, dans la langue soignée, de recourir à la préposition.

Exemples :

– Je me souviens de lui avoir rendu les clés.

– Je me souviens lui avoir rendu les clés.

Enfin, lorsque le complément est un pronom personnel de la première ou de la deuxième personne, il est permis de transgresser la règle et d’employer la préposition de (je me rappelle de vous et non je me vous rappelle), même si certains grammairiens recommandent d’employer dans ce cas le verbe se souvenir.

Exemples :

– Je me rappelle très bien de lui. (ou : Je me souviens très bien de lui.)

– Quand je l’ai revue, elle ne se rappelait plus de moi. (ou : elle ne se souvenait plus de moi)

En conclusion, même si se rappeler de, sur le modèle de se souvenir de, est bien attesté depuis le XVIIIe siècle, autant chez les grands auteurs que dans la langue générale, les grammairiens, bien qu’ils soient unanimes à constater que cet emploi est très répandu, se montrent encore réticents à admettre cette construction, et force nous est de devoir encore nous plier à ces règles si nous voulons nous conformer à la norme grammaticale. »

 

Prince (archive) Débutant Répondu le 4 octobre 2021

Merci beaucoup pour votre réponse exhaustive, cher et fidèle Prince !

le 4 octobre 2021.
  • Se rappeler au bon souvenir, à l’attention de quelqu’un,

    formule de politesse adressée à quelqu’un pour qu’il transmette un message à une tierce personne.

Larousse

Tara Grand maître Répondu le 4 octobre 2021

Oui, chère Tara, en effet, j’avais bien vu dans le Larousse également. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que dans : « Se rappeler à l’attention de quelqu’un », « à l’attention de quelqu’un » n’est pas considéré comme COI mais comme COD.
Pourtant, la question pour trouver le COI n’est-elle pas : à qui ? à quoi ? Donc : « Se rappeler à qui/à quoi ? » : à l’attention de quelqu’un. J’y voyais donc là un COI. Mais d’après les explications données plus haut par Phil-en-trope, il semblerait que ce soit un COD.

le 4 octobre 2021.

Non, c’est bien un COI, le COD, c’est le pronom réfléchi.

le 4 octobre 2021.

Très bien cher Phil-en-trope ! Nous sommes d’accord ! C’est bien un COI !

(J’avais mal compris votre phrase : « (Se) rappeler peut également être bitransitif, c’est-à-dire construire deux complément d’objets »)

Encore merci !

le 4 octobre 2021.

De rien ! 🙂
Oui un verbe bitransitif construit deux compléments d’objet. La plupart du temps, il s’agit d’un COD et d’un COI (par exemple donner quelque chose à quelqu’un), plus rarement de deux COI (parler de quelque chose à quelqu’un), mais jamais de deux COD.

le 5 octobre 2021.

Je n’ai jamais vu une telle phrase dans une poème, Phil.

Je suis d’accord avec toi : notre X + y +  rappelle + complément direct

Prince (archive) Débutant Répondu le 4 octobre 2021

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