Qu’en aurait pensé Prosper ?

Pour ceux qui viennent de participer (ou non) aux finales régionales des « Timbrés de l’orthographe », voici quelques questions directement inspirées de l’épreuve et de la dictée de Mérimée :
1. « Esclandre public » est-il un pléonasme condamnable ?
2. Effroi  peut-il raisonnablement s’employer au pluriel ?
3. Comment accorderiez-vous les mots soulignés dans Les règles d’accord(s) et conjugaison(s) étudiées [ …] plus tôt.
4. La phrase Si votre belle-mère vous marche sur les brisées… vous semble-t-elle correctement construite ?

Chambaron Grand maître Demandé le 30 mars 2015 dans Général

Bonjour,

4-Aller, marcher sur les brisées de qqn.  Entrer en concurrence, en rivalité avec quelqu’un, dans un domaine qui lui est propre.

Marcher sur les brisées de quelqu’un
L’expression désigne le fait d’empiéter sur le domaine de quelqu’un, avec l’idée que cela peut provoquer une certaine hostilité, en ce sens  cette’expression est équivalente à : « Marcher sur  les plates-bandes de quelqu’un.»
L’image – car c’en est une – vient directement de l’univers de la chasse. Les brisées sont des branches cassées disposées par les domestiques ou les chasseurs sur les traces de l’animal chassé, pour signaler le chemin pris par la bête.

Jean  Bordes a donné la construction correcte.

le 30 mars 2015.

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8 réponse(s)
 

Je me lance (sans filet) !
1. Esclandre public : c’est un pléonasme condamnable dans la langue usuelle. Toutefois, on pourrait le rencontrer en littérature pour marquer l’insistance.
2. Effroi : je ne l’ai jamais rencontré au pluriel, celui-ci  s’adapte mal à son emploi (il fut saisi d’effroi, ce hurlement jeta l’effroi, causer de l’effroi…).
3. Les règles d’accord et de conjugaison étudiées : on peut écrire faire les accords, faire des erreurs d’accords, on peut donc accepter les règles d’accords étudiées. En revanche je pense qu’il n’y a qu’une seule conjugaison (la conjugaison), donc j’écrirais les règles de conjugaison étudiées.
4. Si votre belle-mère… : je préfèrerais « si votre belle-mère marche sur vos brisées… ».

jean bordes Grand maître Répondu le 30 mars 2015

Bonsoir, merci pour ces difficultés, avez-vous un lien pour la dictée complète ?
Je regrette de ne pas avoir pu participer à Paris, malgré mon inscription validée…
Je suis d’accord avec Jean Bordes mais j’écrirais :
Les règles d’accords et (de) conjugaison étudiées.

joelle Grand maître Répondu le 30 mars 2015

Bonjour,
Voici  la dictée:

LE GUÊPIER DE MÉRIMÉE

À la cour de Napoléon III, Prosper Mérimée fut une sorte de phare de savoir et d’intelligence. Par une après-midi pluvieuse de 1857, pour distraire les beaux esprits assemblés au château, l’auteur de Carmen eut l’idée saugrenue de leur soumettre une dictée… Quelques lignes seulement, mais qui offraient une terrifiante concentration d’écueils parmi les plus imparables de l’orthographe française ! Cris, effrois, la plupart des courtisans se désistèrent : ils refusaient de se ridiculiser publiquement pour des participes passés trop complexes. (fin cadets) Pourtant, un petit groupe suivit l’empereur et l’impératrice, décidés à tenter l’épreuve pour ne pas paraître lâches aux yeux de leurs sujets. Réunis autour d’une grande table, dont l’usage fut pour l’occasion détourné de son service de la chère, les courageux participants aiguisèrent leur plume. Aucun d’entre eux ne bayait aux corneilles : il s’agissait plutôt de se remémorer, en un tournemain, règles d’accord et conjugaisons étudiées quelques décennies plus tôt. Mérimée commença à dicter lentement un texte où il était entre autres question d’arrhes réglées. À ces mots-là, non qu’elle voulût provoquer d’esclandre public, mais l’impératrice renâcla : — Monsieur, vous vous moquez de nous ! (fin juniors) Bientôt, les derniers mots de la dictée tombèrent. Quelle qu’eût été la difficulté du texte, Mérimée accorda à peine un tour de clepsydre aux concurrents pour se relire. Puis il ajusta ses bésicles dorées et se mit à corriger sur-le-champ… — Que de fautes ! Que de fautes ! ne cessait-il de répéter, comme s’il eût été atteint de psittacisme. Pour autant, la sentinelle du bien-dire se vit plusieurs fois obligée de se reporter au texte pour s’assurer d’une graphie correcte. Enfin, Mérimée proclama les résultats : — Le lauréat est le prince Richard de Metternich avec juste trois fautes ! Ainsi donc, le plus féru en orthographe et sémantique françaises était ce diplomate viennois, ambassadeur à Paris de l’empire d’Autriche. L’Empereur, dit-on, avait aligné quelque quarante-cinq fautes et l’impératrice quelque soixante-deux… Quant à Alexandre Dumas fils — qui avait quand même malmené l’orthographe à vingt-quatre reprises —, il se montra beau joueur et alla serrer la main du gagnant…

À quelle partie de ce texte se rapporte la phrase que j’ai notée en caractères gras ?

Je voudrais aussi ajouter que l’on dit: «  Donner des arrhes, recevoir des arrhes, verser des arrhes», j’avoue ne jamais avoir entendu dire «régler des arrhes» !
On règle une facture, une note d’hôtel…

 Le mot « arrhes » vient du latin arrha, qui signifie « gage ». Du XIIème au XVIIème siècle, il s’écrivait « erres« . Ce n’est qu’au début du XVIIIème siècle que l’on trouve la graphie actuelle du mot. Le mot latin est lui-même emprunté au grec arrhabôn d’origine sémitique (Proche-Orient).

Arrhes est un nom féminin pluriel qui ne s’emploie qu’au pluriel.
Du point de vue juridique arrhes, acompte, avance ne sont pas synonymes.

czardas Grand maître Répondu le 30 mars 2015

…le plus féru en orthographe et sémantique françaises était ce diplomate viennois, ambassadeur à Paris de l’empire…

Pourquoi dans sémantique française, française prend un « s »?

le 31 mars 2015.

Parce que « française » s’applique aussi à « orthographe ». Là aussi, possibilité de contestation, mais le sens milite tout de même plutôt pour le pluriel…

le 31 mars 2015.

Sincère bravo à tous trois pour votre suivi sans faille(s) ! Vous sortîtes vos plus beaux tours et ce fut un plaisir…

Le texte officiel de la dictée étant maintenant dévoilé (la question 4 se réfère au QCM complémentaire), nous pouvons tous réfléchir à notre aise à l’insoutenable légèreté de la chose écrite, voire relire l’Ecclésiaste…  Plus prosaïquement, sourions de ces moments un peu irréels qui nous replongent à chaque fois dans les siècles si chahutés de notre histoire linguistique.

Et demain, calendes d’avril, jour du poisson…

Chambaron Grand maître Répondu le 31 mars 2015

Bonjour Chambaron,

Vous évoquez les calendes… Voici comment certains journalistes les interprètent !

Le Monde (le journal) avait naguère évoqué le « cheval de Troyes » dans un papier très sérieux, et ce cheval était digne d’entrer à toute vapeur dans les anthologies de coquilles. Un titre récent du site Internet d’information économique E24! fait mieux encore. Il nous apprend que l’introduction en Bourse de Facebook « est reportée aux calandres grecques ». Que faut-il comprendre ? que cette introduction n’aura jamais lieu car il n’y a pas d’industrie automobile grecque ? Ou que ce site a été victime d’un programme malveillant appelé « cheval de Troie » dans le jargon informatique : dans ce cas, on peut même parler de « cheval destroy » (Didier Daeninckx) destiné à brouiller le message : ici, en l’occurrence, en remplaçant « calende » (terme relevant du calendrier) par « calandre » (qui relève de l’automobile).

Dans le calendrier romain, les calendes correspondaient au premier jour de chaque mois, celui de la nouvelle Lune, à l’époque où le calendrier romain n’était pas encore solaire (calendrier Julien) mais lunaire.
En revanche dans le calendrier grec, il n’y avait pas de calendes, donc remettre ou renvoyer aux calendes grecques, c’est choisir de réaliser une action à une date qui n’existe pas. En d’autres termes ne jamais la faire. Cette expression équivaut à« renvoyer à la Saint Glinglin ».

Et puisque j’y suis je vais continuer dans un autre domaine,

J’ai écrit : « Le Monde…» en fait j’aurais dû écrire : « Le Le Monde…»
De même on dit j’irai pour j’y irai.
Ce phénomène qui ressortit à la phonétique (et qui n’est pas sans ressemblance avec l’élision) et qui consiste à n’exprimer qu’une fois des sons ou des groupes de sons identiques (ou partiellement identiques) qui se suivent immédiatement, est appelée haplologie.

Dans la langue parlée il est courant de dire:
 

« Tout le monde la déteste… mais personne n’ose lui dire !»

Selon la norme, il aurait fallu écrire:  «Personne n’ose le lui dire.» Mais ce pronom disparaît à l’oral et même souvent à l’écrit, comme dans notre exemple, par le phénomène susdit.
Par haplologie, certains pronoms disparaissent d’une manière formelle, sans que pourtant la signification dont ils sont porteurs soit absente de la communication, nous apprend le Bon Usage. Les pronoms le, la, les s’effacent donc souvent devant lui, leur. Et cela depuis fort longtemps. Nous faisons tous chaque jour de l’haplologie sans le savoir.
 Deux exemples fréquents d’haplologie donnés par les grammaires sont «jusqu’à présent» pour «jusqu’à à présent» et «tragicomique» pour «tragico-comique».

Dans certaines constructions, on devrait avoir deux que successifs, l’un qui fait partie de la proposition, l’autre qui est soit un terme corrélatif soit le que accompagnant le sujet redondant et postposé dont ce tient la place devant le verbe, soit le que faisant partie de la locution négative ne…que. Par haplologie ces deux que se réduisent à un seul.

C’est aimable, ce que Lydie t’écrit là.

Je souffre trop d’avoir suivi vos mauvais conseils pour désirer autre chose QUE le Ciel juge bon de vous punir.(J. Green)

Je puis avoir des illusions. Je ne demanderais pas mieux QU’on m’en dépouille. (G. Bernanos)

Ref: Le bon usage – Grevisse.

le 31 mars 2015.

Wouah ! quel commentaire recherché…

Mais rien de ce que vous dites ne m’était étranger. Avant-hier, le 31 mars, était bien la veille des calendes d’avril et l’haplologie – qui n’a rien à voir avec le sujet – m’a valu en d’autres lieux bien des escarmouches avec de zélés contradicteurs.

C’est le charme de ce site : un zeste de rationalité et  trois grains d’ellébore…

le 2 avril 2015.

• Esclandre public : j’accepte mais je dirais que son emploi doit rester limité.
• Effrois : on peut penser qu’il y a eu autant d’effrois que de participants, cependant, dans la dictée on ne saurait tenir pour faux le singulier dont l’emploi est naturel.
• les règles d’accord et de conjugaisons : j’admets mal, après accord  au singulier, conjugaisons au pluriel ; là non plus on ne saurait tenir pour faux « les règles d’accord et de conjugaison » et même « les règles d’accords ».
Les deux choix proposés (effroi, accord et conjugaison) sont osés pour une dictée.

jean bordes Grand maître Répondu le 31 mars 2015

Je profite de ce sujet général portant sur cette dictée (à laquelle j’ai participé d’ailleurs) pour vous poser une question.

Pourquoi est-ce que le mot empereur, apparaissant pour la première fois en début de texte, prend une minuscule alors que le même mot, situé en fin de dictée, prend la majuscule ?

Les deux apparitions du mot font bien, sauf erreur de ma part, référence à une même personne à savoir, Napoléon III. Or, l’Académie française nous enseigne que le mot empereur ne prend la majuscule que lorsqu’il désigne Napoléon, fondateur de la lignée et décédé dans la célèbre île Sainte-Hélène. Il serait donc sensé, dans la dictée de Lorànt Deutsch, d’écrire systématiquement le mot empereur avec une minuscule. Quel est votre avis sur la question ?

En vous remerciant d’avance.

Maximus Amateur éclairé Répondu le 9 août 2015

Bonne remarque !

Il est vrai que l’usage de la capitale à « empereur » semble souvent réservé par les ouvrages de référence à Napoléon Ier. Il s’agit là – à mon sens – d’une déformation hugolienne qui a toujours rabaissé son descendant…

Il vaut mieux se fier à la règle générale selon laquelle on emploie a priori pour tous les titres (roi, prince, duc, et leur féminin) la minuscule, en particulier lorsqu’ils sont suivis d’un déterminant : Napoléon Ier, empereur des Français. On ne « sort » la capitale que lorsque le terme est employé de manière absolue, et sans ambigüité sur la personne par rapport au contexte. Si un récit s’attache à la vie du prince de Condé, on écrira « le Prince » pour le désigner et si l’on évoque la vie de F. Mitterand, on écrira « le Président » même s’il était le président de la République.

Dans la dictée, je pense que l’auteur veut faire ressortir cette nuance : au début, l’empereur et l’impératrice sont encore quelque peu « anonymes » et assimilés à la fonction impériale. Après la dictée et ses péripéties, Napoléon III incarne la fonction et le titre se personnalise. Dans cet esprit, il fallait aussi « capitaliser » Eugénie, l’Impératrice…

Simple hypothèse de ma part : apparemment, les capitales et l’orthographe des noms propres ne faisaient pas partie des fautes sanctionnées…

Chambaron Grand maître Répondu le 11 août 2015

Je serai toujours abasourdi de constater à quel point notre langue peut se montrer subtile. Je vous confirme que les majuscules et la graphie des noms propres n’ont pas été prises en compte dans la correction des copies. A mon grand dam cela dit car j’estime que l’orthographe est aussi une question de culture générale. Passe encore d’écorcher la graphie du prince de Metternich, somme toute plutôt méconnu du grand public, mais écrire, par exemple, Voltère au lieu de Voltaire ne constitue-il pas une faute condamnable ?

Maximus Amateur éclairé Répondu le 12 août 2015

Voltère est une graphie électrisante qui fait dresser les cheveux sur la tête, mais cela doit pourtant se rencontrer !

Comme correcteur, je dois affronter en permanence des difficultés inédites qui requièrent recherches et contrôles poussés : mots étrangers, répétitions, tournures, typographies peu courantes, problématiques de mise en pages, etc. L’orthographe de base ne représente que l’écume des questions à gérer…

le 13 août 2015.

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