Place de l’adjectif

Bonsoir, peut-on écrire une humiliante fouille à nu ou faut-il préférer une fouille à nu humiliante ? Merci !

Mylene67 Érudit Demandé le 9 décembre 2023 dans Général

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2 réponse(s)
 

– La place de l’adjectif est parfois signifiante : exemple classique de : un grand homme et un homme grand.
– l’ adjectif court se place généralement avant le nom  quand il est seul : un beau chapeau et non un chapeau beau. Mais : un chapeau particulièrement beau.
– l’adjectif de sens abstrait se place avant le nom . Une pure invention (mais une eau pure)
– la place de l’adjectif peut n’être qu’une mise en relief.

Dans ce cas précis, s’ajoute un autre élément « à nu ». On a le choix entre
Une humiliante fouille à nu – une fouille humiliante, à nu (notez la virgule, nécessaire entre les deux qualifiant).
Le choix de la  place de l’adjectif sera ici essentiellement une question de rythme, mais il y a nuance.
– Post-posé, il est mis en relief parce que la virgule fait pause juste après lui. Il est donné comme la constatation d’un fait.
– Pré-posé, il est peut-être davantage teinté de subjectivité.

Tara Grand maître Répondu le 10 décembre 2023

Votre deuxième proposition est évidemment valide, c’est absurde de la repousser comme fait ci-dessus.

La plupart des adjectifs se placent après le nom ou la locution nominale : un compte-rendu positif, un fer à repasser rouillé, une prairie verte. Le fait de placer l’adjectif avant (un positif compte-rendu, un rouillé fer à repasser, une verte prairie) est généralement impossible, artificiel, grotesque, parfois littéraire.
L’adjectif « humiliant » ne fait pas partie des adjectifs qui se placent toujours avant le nom, ou qui changent de sens selon leur place… Il fait toutefois partie des adjectifs exprimant un jugement. À ce titre, s’il se place généralement après, il peut parfois se placer avant (une journée agréable, une agréable journée).
Que l’adjectif porte sur un simple nom ou sur une locution nominale ne change rien syntaxiquement.

(A) L’épithète objective ou qui reflète une opinion assumée, se place après le nom. C’est-à-dire que quand l’adjectif peut être facilement transformé en attribut, il vient presque obligatoirement après le nom :
— une journée agréable = c’était une journée agréable, j’ai trouvé cette journée agréable, une journée qui était agréable…
— des pratiques humiliantes = ces pratiques sont humiliantes, ce sont des pratiques humiliantes…
On écrit donc dans une phrase :
Il a subi une fouille à nu humiliante = la fouille a nu qu’il a subie était humiliante

(B) Quand l’épithète est antéposée sans nécessité évidente, cela peut être interprété de plusieurs façons :
a) un usage courant avec des adjectifs finalement assez vagues, une épithète en passant, une qualification attendue, sans grande portée :
— un magnifique chêne occupait le centre du parc, un formidable sportif s’est révélé…
mais il est artificiel et peu correct d’utiliser ainsi l’adjectif humiliant : un humiliant discours suivit mon éloge, on m’a rapporté d’humiliantes pratiques…
b) une figure de style prétendument littéraire mais généralement ridicule :
— de pourpres rideaux, et une humiliante demande
Dans un article moderne au ton journalistique, on évite autant l’information anecdotique en passant (a) que la mauvaise littérature (b).
Cependant, il existe dans la communication militante, et donc dans le journalisme, une pratique consistant à antéposer l’adjectif,
c) comme moyen rhétorique d’imposer une idée.
Si on dit « je travaille pour un cause juste« , un contradicteur peut répondre « non, votre cause n’est pas juste« . Mais si on dit « je travaille pour une juste cause« , ou « la juste cause pour laquelle je travaille« , ou « notre juste cause« , personne ne peut répondre « non« , et l’adjectif antéposé est difficilement réfutable.
On crée ainsi une apparence de simple épithète ne se prêtant pas à la contestation en plaçant l’adjectif avant. Ce sont des règles grammaticales soviétiques. Si on dit « il a été confronté à un contrôle de police inadmissible« , l’adjectif « inadmissible » se rapproche d’un attribut, l’ensemble signifiant « le contrôle de police auquel il a été confronté était inadmissible« , et l’interlocuteur peut contester, et répondre « non, ce contrôle n’était pas inadmissible« . Mais si on dit « il a été confronté à un inadmissible contrôle de police« , l’interlocuteur ne peut pas nier le mot « inadmissible« , car la phrase ne porte pas du tout sur cet adjectif, et en disant « non« , il dirait seulement qu’il n’y a pas eu de contrôle, cela rendant presque impossible de répondre.
Si vous écrivez votre texte pour LFI, vous pouvez donc tenter :
Les humiliantes fouilles à nu subies par les manifestants sont scandaleuses.
Ainsi, si quelqu’un ne repère pas le piège et répond « non, elles ne sont pas scandaleuses, elles sont nécessaires« , il reconnaîtra implicitement (le pronom « elles » ayant pour antécédent « les humiliantes fouilles à nu« ) qu’elles sont humiliantes, et ce sera un premier pas vers leur limitation.

Et donc en conclusion, si vous pensez qu’il y a une question de nuance à considérer selon le contexte et l’intention, il ne faut pas poser une question sans préciser le contexte et l’intention.

CParlotte Grand maître Répondu le 10 décembre 2023

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