Majuscules au « Notre Père »

Bonsoir,
Je vois plusieurs écoles concernant les majuscules dans les textes religieux, ici sur le « Notre Père ».
Je lis parfois « que Ton Nom soit sanctifié » ou « que Ton Règne vienne ».
Et, d’autres fois, « que ton nom soit sanctifié ».
Existe-t-il une règle pour cela ?
Merci !

Laury20 Amateur éclairé Demandé le 26 janvier 2024 dans Général

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2 réponse(s)
 

A) Les noms

* Majuscules aux noms propres, en particulier à tous les noms de Dieu : Dieu, le Père, le Fils, l’Esprit Saint, la Trinité, le Tout-Puissant, l’Agneau… On les repère en particulier mais pas seulement à l’absence de déterminant, ou à l’article défini.
Selon les mêmes règles qu’ailleurs, on peut écrire « la trinité de Dieu » pour parler du fait que « Dieu est trois personnes » ; mais pour parler de ces trois personnes en une, on utilise la majuscule : « la Trinité ».
Par exception aux règles ordinaires, même utilisés dans leur sens générique ou relatif, quelques rares noms, sous la plume des chrétiens, gardent leur caractère de nom propre :
— Jésus s’adressa à son Père. Dieu nous a envoyé son Fils. Je crois en un seul Dieu.
C’est cela qui justifie la majuscule à « Père » dans « Notre Père qui…« .

* Les attributs, désignant pourtant le Père ou le Fils d’une certaine manière, ne prennent pas de majuscule, pas même dans les mots de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ».

* Mettre des majuscules aux jolis mots, c’est une fantaisie ancienne mais non justifiée : « pour la Gloire et la Louange de ton saint Nom et pour l’agrandissement de ton Règne«  (un livre de 1766). Il ne faut pas le faire.

* Pour des raisons vaguement théologiques (en fait rhétoriques ou didactiques à mon avis), qui n’ont globalement pas cours dans l’Église catholique actuelle, on a pu rencontrer des majuscules à Paradis, Cieux, Anges, Nom, Règne, ayant des sens absolus voire étant des noms propres. Ces majuscules sont en trop, elles sont inutiles. Un auteur peut justifier des majuscules çà et là, par exemple s’il considère que le mot « Paradis » est le nom du paradis des chrétiens, mais ce n’est pas une règle d’écriture, c’est un choix d’auteur.
On écrit ainsi sans majuscule : cieux, nom, règne, volonté, terre, ciel, parole… On peut écrire normalement : le saint nom de Jésus, le corps du Christ, Dieu tout-puissant, ta parole est vérité, le royaume que tu promets…
On voit que le degré de sacralité n’importe pas.
Quant à la majuscule spécifiante, par exemple très fréquente au mot Royaume, elle n’apporte rien tant que le mot n’est pas utilisé seul par un auteur, théologien ou romancier, qui déciderait que « le Royaume » est le nom propre qu’on utilise pour décrire un truc absolu (qu’il soit conceptuel ou imaginaire). Ainsi, dans le livre « Les Clés du Royaume », il faut une majuscule à « Royaume », mais pas dans « le royaume de Dieu appartient à ceux qui se lèvent tôt ».

* La Majuscule est conservée aussi quand les chrétiens se sont emparés d’un nom pour se l’approprier, procédé assez malhonnête, par exemple l’Écriture est l’unique livre inspiré par Dieu selon les chrétiens et donc prend une majuscule… un peu comme quand la droite en France se désigne comme « les Républicains », où il est très difficile de supprimer la majuscule.

* Le dernier nom du Notre Père, le mot « Mal« , est un concept qui ne devrait pas prendre de majuscule, en tout cas pas plus que les autres concepts absolus (le Bien et le Mal, l’Amour, la Vérité)… Il ne s’agit pas non plus du nom propre du diable, même si les deux notions sont proches. Je trouve étonnant que la CEF y mette une majuscule sur son site ; pour trancher, il faudrait connaître leur raison.

B) Adjectifs possessifs et pronoms

L’idée est simplement d’étendre la majuscule aux pronoms personnels (sujet, COI, COD, tonique) et aux déterminants possessifs quand ils représentent Dieu. Les pronoms relatifs ne sont pas concernés.
— Je loue Dieu, je Le loue car Il est grand, je Lui parle, j’en appelle à Lui, j’implore Son pardon.
Cette façon d’écrire est aujourd’hui rare. C’est une simple majuscule de déférence. Certes Dieu mérite sans doute plus que d’autres la déférence, mais il n’y a pas de raison particulièrement nécessaire à ces majuscules, qui ne sont qu’une extension à Dieu de codes plus ou moins avérés et de toute façon périmés de la société française. Si c’était une norme chrétienne, on pourrait l’accepter comme telle, et la respecter si on le souhaite, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit plutôt pour les utilisateurs actuels de ces codes de rattacher les textes religieux à des normes françaises, parfois à des idéologies françaises, en particulier le monarchisme. Ces majuscules étaient d’un usage naturel chez certaines personnes à certaines époques. Certains auteurs chrétiens comme Péguy, certains curés, écrivaient ainsi, mais il n’y a pas beaucoup de bonnes raisons pour les imiter. Ce n’est ni une pratique actuelle dans l’Église catholique francophone, ni une préconisation justifiée.
Les textes publiés en français par le Vatican n’utilisent pas ce système de majuscules.
Ce maniérisme a encore un peu cours dans certaines communautés, mais sans raison éditoriale ni religieuse. C’est aujourd’hui principalement un marqueur social qui prétend être un signe de déférence, mais qui consiste en fait à lier étroitement l’écriture conforme à l’ordre social souhaité par certains traditionalistes et autres monarchistes, à l’expression de la foi chrétienne. Cela est bien constaté sur certains réseaux sociaux, où on croise par dérision des majuscules aux pronoms désignant Macron (que ferions-nous sans Lui ?). Un chrétien qui ne pense pas que sa religion est un ordre social n’utilise généralement pas ces majuscules, tout en respectant évidemment l’écriture de ceux qui n’y voient qu’un usage traditionnel.

C) Ce sont des considérations indépendantes.

Si j’ai développé un peu les points A et B, c’était surtout pour arriver ici.

* Il n’existe aucun « principe général typographique » consistant à majusculer « les pronoms, adjectifs et autres mots qui précèdent immédiatement » des noms majusculés. C’est une pure invention de Chambaron. On écrit « mon Dieu », « saint Antoine », « le Danemark », « le petit Jésus », « votre Altesse »…

* Ce n’est en aucun cas la majuscule à « Règne » qui entraîne une majuscule à « Ton ». Ce sont des choses différentes. On a pu écrire « ton Règne » (voir point A). On a pu écrire « Ton règne » (voir point B). Ce sont deux choix totalement indépendants l’un de l’autre.
La majuscule à « Père » n’entraîne pas davantage une majuscule à « Notre » : « tournons-nous vers notre Père« .

D) Que faire ?

S’il y a comme vous le pensez plusieurs écoles, à laquelle souhaitez-vous vous rattacher ?
— Si c’est pour participer à une paroisse catholique non traditionaliste en France, référez-vous à ce que propose en ligne la Conférence des évêques de France : https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/prier/prieres/ ;
— Les textes protestants sont encore plus détachés des vieilleries typographiques françaises ;
— Certains traditionalistes français ont leurs propres codes.

CParlotte Grand maître Répondu le 27 janvier 2024

Il y a les principes de base de la typographie et quelques rares exceptions que l’on peut qualifier d’historiques.
Dans les textes chrétiens, en effet, il y a eu une école qui affectait la majuscule à tout ce qui désigne ou  émane directement de la personne divine, qui appartient en propre à une des personnes de la Sainte(-)Trinité ainsi qu’à la Vierge Marie (deux exemples desdites majuscules).
Conformément au principe général typographique, les pronoms, adjectifs et autres mots qui précèdent immédiatement sont eux aussi majusculés (ici Ton ou Notre). Cela explique les exemples que vous donnez.
Par contraste, ce qui n’est « que » consacré par le culte ou lié indirectement n’a pas de majuscule :  le saint sépulcre, la sainte hostie, etc.
À défaut d’être fondée, cette distinction permet de rapidement savoir ce que l’on doit majusculer ou non, et cela de manière cohérente sans passer par les innombrables références qui sont en désaccord au cas par cas.
NB Si je connais un peu le sujet de ces patenôtres, c’est que comme relecteur-correcteur j’ai déjà eu plusieurs fois le cas et que je l’ai réglé comme cela avec différents éditeurs et auteurs.

Chambaron Grand maître Répondu le 27 janvier 2024

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