Euphonie subjonctif imparfait, subjonctif présent, conditionnel passé etc

Salut à tous,

J’ai lu deux trois trucs sur ce sujet, mais j’ai décidé de m’inscrire quand même.

Quand j’écris, je prends la liberté de faire coexister volontairement le subjonctif imparfait et le subjonctif présent (et le conditionnel passé deuxième forme et première forme, etc). Est-ce acceptable ? (Pour le tout public, pas le puriste qui voudra absolument le subjonctif imparfait dans un récit au passé.)

Exemple Maupassant bel ami : Il parlait avec une conviction contagieuse, comme s’il avait plaidé une cause, sa cause, comme s’il eût dit : « Ce n’est pas avec moi qu’on aurait à craindre de pareils dangers.
Essayez pour voir. »

Ou

« Il fallait que je mange, pour que les videurs me laissent entrer. Et, avant que je n’ouvrisse la bouche, ils me dirent :. »

Ou

« Il l’eût dit autrement s’il le pouvait, et, en parlant, il l’aurait regardée avec des yeux emplis de tendresse »

Les exemples sont nombreux pour le cas 1 et 3, donc pas de problème, mais pour le cas 2 c’est plus problématique.

Carmelo85 Débutant Demandé le 30 avril 2023 dans Question de langue

Pour vous améliorer en orthographe, testez les modules d’entraînement du Projet Voltaire :

4 réponse(s)
 

Je ne sais pas ce que vous appelez « acceptable ».
Mon avis est qu’il faut toujours veiller à la cohérence des choix.  Un autre exemple :
Est-il judicieux d’alterner, pour une même réalité, les « nous » et les « on » : nous sommes sortis très tôt parce qu’on voulait profiter de la fraîcheur.
Peut-on passer du passé simple au passé composé : il prit son chapeau et son manteau, ouvrit la porte, puis il est sorti sans faire de bruit.
Etc.
Évidemment, pour un effet de style, pour reproduire les erreurs de langage d’un narrateur… cela peut se justifier. Sinon, ce n’est que maladresse (même si on s’appelle Maupassant).
Si je choisis le subjonctif présent pour remplacer le passé (ce qui ne pose pas problème, le subjonctif n’ayant pas besoin de marquer le passé), si je choisis une forme de conditionnel (1e ou 2e forme), je me tiens à mes choix car quel serait l’intérêt de passer de l’un à l’autre ?

Vous parlez d’euphonie. Je ne suis pas convaincue. Aucune gêne à entendre :
« Il fallait que je mange, pour que les videurs me laissent entrer. Et, avant que je n’ouvre la bouche, ils me dirent :. »
Et
« Il l’aurait dit autrement s’il le pouvait, et, en parlant, il l’aurait regardée avec des yeux emplis de tendresse »
Ici je me permets une remarque : s’il l’avait pu me paraît plus juste (concordance)

Tara Grand maître Répondu le 30 avril 2023

Bonjour,

Je n’ai pas de réponse technique à vous apporter, mais c’est bien toute l’hypocrisie de l’emploi du subjonctif imparfait dans les textes modernes. On l’emploie pour faire distingué,  pour se faire distinguer par le jury du Goncourt, mais seulement quand on trouve que ça ne sonne pas trop bizarre à l’oreille : « Il fallait que je mangeasse, pour que les videurs me laissassent entrer. Et, avant que je n’ouvrisse la bouche, ils me dirent :. »

Bruno974 Grand maître Répondu le 30 avril 2023

C’est intéressant d’avoir posé une question très très très très générale, mais il y a plusieurs niveaux d’interprétation à toutes les utilisations d’un temps et d’un mode. Parfois, des temps ou des modes sont en concurrence pour une raison de sens, et rien ne nous empêche alors des utilisations différentes dans un même texte. Je ne vois aucune possibilité de répondre sérieusement sans décomposer la question en une multitude de cas. Comme vous concluez sur vos exemples 1 et 3, avec un subjonctif plus-que-parfait ayant la même valeur qu’un indicatif plus-que-parfait, puis avec un subjonctif plus-que-parfait ayant la même valeur qu’un conditionnel passé, en affirmant (un peu vite) qu’il n’y a pas de problème dans ces cas, je me limite au cas 2, sur l’imparfait du subjonctif.

Vous avez rédigé très vite un exemple ridicule au hasard, mais pourriez-vous travailler sur un texte que vous estimez bien rédigé dans un récit au passé simple ?
On peut utiliser l’imparfait du subjonctif :
— Bien qu’il fût déjà tard, je pris la décision de lui téléphoner.
On peut utiliser le présent du subjonctif :
— Je lui téléphonai car je voulais qu’il soit présent le lendemain.
On peut utiliser les deux à la fois :
— Bien qu’il fût déjà tard, je pris la décision de lui téléphoner pour lui dire que je voulais qu’il soit présent le lendemain.
Peut-on inverser les deux temps ? non :
— Bien qu’il soit déjà tard, je pris la décision de lui téléphoner pour lui dire que je voulais qu’il fût présent le lendemain.
Vous voyez là qu’il existe manifestement de bonnes raisons pour appliquer la concordance des temps, comme il existe peut-être dans certaines situations de bonnes raisons pour ne pas appliquer la concordance des temps. Il est en tout cas certain que des raisons sémantiques penchent pour l’abandon de certaines concordances artificielles et pour le maintien de certaines concordances utiles à la compréhension. On peut par exemple dire que dans une subordonnée non complétive, la concordance des temps porte un sens relativement important, même au subjonctif, qu’on peut souhaiter conserver, mais que cette précision n’a pas de sens particulier dans une complétive.
Cette phrase est ainsi bien construite :
— Il fallait que je vienne avant qu’il fût mort.
Je vous engage à réécrire votre phrase sur les videurs, contextualisée, bien claire pour le lecteur, tant quant à la situation décrite que sur la chronologie (j’étais affamé, il fallait alors que je mange rapidement… puis on me servit… et je commençai à manger… mais avant que je fusse rassasié… ils dirent…), et elle sera potentiellement défendable.

Par contre, non, il n’y a pas de raison euphonique à la disparition ou à la conservation du subjonctif imparfait : une tasse, de l’acier, un cilice, une pince, une nation… aucun de ces sons finaux n’est ridicule ou périmé. Les vieux sons et les sons modernes, ça n’existe pas. Quand pour une raison que vous pensez euphonique, vous conjuguez deux verbes de deux façons différentes, vérifiez, en inversant les conjugaisons, qu’il n’y a pas une raison sémantique derrière ce choix. Quand des mots sonnent bien, quand on accorde à l’oreille (vendeur de journal ou vendeur de journaux), ce n’est jamais une question d’euphonie, c’est toujours une question de sens. Choisir à l’oreille, c’est choisir selon notre compréhension.

CParlotte Grand maître Répondu le 30 avril 2023

Bonjour,
Les réponses de Tara et de CParlotte fournissent des éléments d’appréciation très intéressants sur le sujet. Je ne partage cependant pas leurs points de vue ni sur la maladresse de Maupassant, ni sur l’équité sonore.
Maupassant emploie à bon escient trois temps différents, au plus juste du sens recherché, d’abord, en tant que narrateur, le plus-que parfait (avait plaidé) pour marquer une sorte d’antériorité permanente de « sa cause », puis le subjonctif plus-que-parfait (eût dit) pour renforcer le caractère fictif de la citation, enfin le conditionnel (aurait) dans les propos imaginés du personnage qui s’exprimerait d’une manière plus spontanée. Cette diversité rompt la monotonie tout en assurant la précision du propos.
Les suggestions de CParlotte ramènent quant à elles l’emploi « défendable » du subjonctif imparfait à des formes du verbe être et non à la panoplie générale des verbes. En quoi l’exemple de Carmelo85 devrait être bouleversé pour devenir plus acceptable ? Qui aujourd’hui écrirait  : « Avant même que nous comprissions la situation, les forces de l’ordre nous apostrophèrent afin que nous reculassions. »  mais on laissera passer « Avant même que la situation nous fût présentée, les forces de l’ordre nous apostrophèrent afin de nous faire reculer. »   La ségrégation sonore – ne parlons pas d’euphonie –  qui discrimine la plupart des verbes autres que quelques uns (être, faire, etc.) semble bel et bien une réalité.

Bruno974 Grand maître Répondu le 1 mai 2023

Pour ne plus vous poser cette question ni tant d'autres,
découvrez les modules d’entraînement en orthographe et en expression du Projet Voltaire :

Votre réponse
Question orthographe est un service proposé par Woonoz, l'éditeur du Projet Voltaire et du Certificat Voltaire.