Chacun de notre (son) côté / Voilà qui, voilà ce qui

Bonjour,

J’ai trois petites interrogations à vous soumettre :

1. Seuls pour écrire chacun de notre côté (chacun de son côté ?)2. La police questionne l’entourage. Voilà qui explique la présence de l’inspecteur sur place. OU : Voilà ce qui explique la présence de l’inspecteur sur place (?)

3. Je m’interrogeais sur ces deux années que Jean avait passées loin des siens et c’était sans compter sur la prégnance de ces instants de bonheur que nous avions vécus ensemble.  passées ou passé ?

Merci pour vos réponses.

Marisa Grand maître Demandé le 27 février 2020 dans Général

Bonjour. Je souhaitais savoir pour « chacun de son » : est-ce que le pronom est « chacun » où est-ce nous devons parler de groupe pronominal (« chacun de »). Merci

le 6 janvier 2023.

Pour vous améliorer en orthographe, testez les modules d’entraînement du Projet Voltaire :

6 réponse(s)
 

Bonsoir,

1.
Avec la 3e personne, les deux accords sont également possibles : sa, son, ses / leur, leurs.
Avec les 1re et 2e personnes, en principe l’accord doit se faire au pluriel, cependant dans un registre familier, l’accord au singulier est possible, particulièrement lorsque chacun est précédé d’une virgule.

Extrait du TLFi :

− Dans des phrases dont le sujet est de 1reou 2epers., les poss. sont obligatoirement du plur. : nous avons chacun nos papiers; agissez chacun selon votre conscience. Cependant, dans un style parlé, où chacun est souvent disjoint de ce qui précède par une virgule, on peut trouver son/sa/ses : Nous sommes de notre pays, chacun de son village, et tous français (Courier, Pamphlets pol.,Lettres au rédacteur du « Censeur », 1819-20, p. 30).Vous voyez que nous servons tous ici, chacun selon ses moyens (P. Bourget, Le Sens de la mort,1915, p. 47).Il nous faut travailler, nous, chacun de son côté (Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc,1910, p. 31).Nous débrouiller ensuite chacun de son côté (Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 747).

2.
Les deux constructions sont possibles. Sans antécédent : voilà qui ; avec un antécédent neutre : voilà ce qui, toujours extrait du TLFi :

B. −
 [P. oppos. à voici; rappelle ce dont il vient d’être question]
[…]
2. [Introd. un commentaire]
[…]
b)[Suivi d’une prop. sub. rel.]
− [Avec antécédent neutre] Voilà ce qui s’appelle… Voilà ce que j’appelle avoir de la conduite (Chênedollé, Journal, 1805, p. 10).
− [Sans antécédent] Voilà qui est bon. Est-ce fini? Allez, messieurs, la paix soit avec vous (Musset, Lorenzaccio, 1834, ii, 4, p. 149).

3.
En l’espèce, passer est transitif direct, par conséquent ces deux années est COD de passer. Puisque que mis pour ces deux années est antéposé, on fait l’accord > passées.

 

phil-en-trope Grand maître Répondu le 27 février 2020

Merci, mis-en-trope, d’avoir pris du temps pour me répondre.
Pour le 3., j’ai du mal à bien saisir, car, sur la BDL, on explique qu’avec un verbe exprimant une durée, le participe passé du verbe passer est invariable : les deux années qu’il a vécu en Egypte et qu’il a passé au Caire ont été formidables. Un participant a établi une différence :  si le temps donné est une période, il y a accord (ex. la semaine qu’ils ont passée ensemble était une belle semaine), mais s’il s’agit d’une durée, il n’y aurait pas d’accord (ex. la semaine qu’ils ont passé ensemble n’a pas suffi à les réconcilier, sept jours c’est trop court). Dans mon exemple : ces deux années que Jean avait passé(es) loin des siens, s’agit-il d’une période ou d’une durée ?

Marisa Grand maître Répondu le 27 février 2020

Je t’en prie Marisa. 🙂

Cette règle ne concerne que les verbes intransitifs, d’ailleurs à la fin de l’article de la BDL consacré à ce sujet, on peut lire :

« L’expression de grandeurs ou de mesures peut même être complément direct de verbes comme ajoutercalculercouperenleverpasserprendre et supprimer. L’accord du participe passé se fait donc avec le complément s’il est placé avant. [les mises en valeur sont de moi.]

Exemples :
[…]
– Les deux jours que nous avons passés à écrire ce rapport ont été pénibles. »

le 27 février 2020.

Merci, mis-en-trope pour votre réponse. J’ai bien du mal avec le verbe passer !! Sur Internet, en voulant approfondir la question 3 [site : https://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/1133079-orthographe-les-pieges-a-eviter-dans-vos-documents/1133089-l-accord-du-participe-passe-apres-avoir] , je viens de trouver cet exemple : Les quatre heures que j’ai passé dans la circulation. Il n’y a pas d’accord ici car c’est un complément circonstanciel de temps sans préposition et non un COD, ce qui vient en contradiction avec votre exemple : les deux jours que nous avons passés à écrire ce rapport. ??? De plus, cette remarque qui suit d’un participant au Projet Voltaire sur la durée et la période avec le verbe Passer (que j’ai mentionnée plus haut), est-elle erronée?  Si le temps donné est une période, il y a accord (ex. la semaine qu’ils ont passée ensemble était une belle semaine), mais s’il s’agit d’une durée, il n’y aurait pas d’accord (ex. la semaine qu’ils ont passé ensemble n’a pas suffi à les réconcilier, sept jours c’est trop court).  Je me sens plutôt perdue avec le sujet… Si vous avez un peu de temps dans les jours à venir pour m’éclairer davantage, cela ne sera pas de refus. Merci d’avance.

Marisa Grand maître Répondu le 28 février 2020

Avec des phrases du type : Il a vécu / passé trois en Allemagne, syntaxiquement, c’est basique : dans ces emplois, vivre étant intransitif, s’il est accompagné d’un complément, par définition, ce complément ne peut pas être COD.

Parallèlement, dans ces emplois, passer étant transitif direct, s’il est accompagné d’un complément, par définition, ce complément est un COD.

 

Sémantiquement, quand le verbe est intransitif, la mesure porte directement sur le procès. Alors qu’elle porte sur l’objet quand le verbe est transitif.

En effet, la notion de temps est incluse dans vivre, elle fait partie du sens de vivre.
Par conséquent, si on quantifie/mesure ce temps vécu, on quantifie directement vivre.

A contrario, la notion de temps n’est pas incluse dans passer. Pour que passer acquiert ce sens temporel, il faut lui adjoindre un complément : passer du temps (une, deux, dix journée(s) ; un, trois, six week-end(s);  des années, etc.) qui est un COD, et la mesure porte bien sur ce COD et non directement sur passer.

Un dernier petit « truc » qui permet d’opposer vivre et passer : pendant ne peut introduire un COD ; en revanche, il introduit un complément circonstanciel. Ainsi, peut-on dire :

J’ai vécu pendant 3 ans en Allemagne.
3 ans est un CC.
(Même si ce CC peut aussi se construire directement, c’est-à-dire avec les prépositions temporelles (durant, pendant) sous-entendues.)

Mais, on ne peut dire :
*J’ai passé pendant 3 ans en Allemagne.
3 ans n’est pas un CC.

 

La remarque période vs durée ne vaut pas pour passer, puisque ce verbe est transitif et que donc le PP s’accorde dans tous les cas.

Pour vivre, qui peut en effet avoir des emplois transitifs, ce qui est pertinent, ce n’est pas tant l’opposition période vs durée – qui me parait plutôt fumeuse (pardon pour son auteur) -, étant donné qu’une période, c’est une durée, que l’opposition quantitatif vs qualitatif.

Vivre + quantitatif (la mesure porte sur le verbe), vivre = intransitif et signifie Avoir une vie qui s’étend sur une certaine période, avoir une vie d’une certaine durée.
>>> PP invariable.
Il a vécu trois ans en Allemagne, ces trois ans ont passé vite.
Les 3 ans qu’il a vécu en Allemagne ont passé vite.
Il a vécu 3 ans durant en Allemagne.

Vivre + qualitatif (la mesure porte sur le complément), vivre = transitif et signifie Mener sa vie d’une certaine manière, dans certaines conditions; traverser (une période de son existence).
>>> PP variable.
Il a vécu des / 3 années merveilleuses en Allemagne, ces années ont passé vite.
Les années merveilleuses / Les 3 années merveilleuses qu’il a vécues en Allemagne ont passé vite.
Il a vécu de merveilleuses années en Allemagne (ces merveilleuses années ont duré 3 ans : c’est le COD qui est quantifié).

 

Edit : je vois que Barde a laissé un commentaire que je n’ai pas encore lu.

Bien, nous ne sommes pas tout à fait d’accord. Disons qu’il faut se méfier des questions en combien ? et quoi ?.

Dans J’ai acheté trois bonbons, trois bonbons est incontestablement COD, pourtant on peut aussi bien avoir :

Qu’ai-je acheté ?  Des bonbons / Trois bonbons.
La question porte sur la nature de l’objet.

Combien de bonbons ai-je achetés ?  Trois.
La question porte sur la quantité de l’objet ; mais trois bonbons reste COD.

le 28 février 2020.

Nos réponses et commentaires se sont croisés mais je vois qu’on aborde finalement les mêmes sujets. Nous devrions nous mettre d’accord sur une réponse unique qui aborderait tous les aspects de la question de Marisa et l’éventuelle spécificité du verbe « passer », que je place ici entre « coûter » (+ compl. d’objet ou compl. essentiel) et vivre (+ compl. d’objet ou compl. circ.), sachant que j’ai fait l’impasse sur la question d’attribut ou épithète détachée (vivre dix ans heureux, passer dix ans heureux, le premier focalisant sur l’attribut en ajoutant un cc, le deuxième focalisant sur le temps en ajoutant une épithète). Je vous laisse la rédiger si elle intègre mes idées (pour les valider ou les contester, peu importe), puis je supprimerai ma réponse. Ne répondez pas dans l’heure, répondez dans la semaine.

le 28 février 2020.

Grosse flemme, je laisse à Marisa – et aux autres éventuels lecteurs – le soin de faire sa/leur propre synthèse.

le 28 février 2020.

Sur la mesure et les bonbons.
Il ne s’agit pas de considérer un nombre, mais une mesure, avec une unité de mesure.
Le bonbon est un objet, mais pas a priori une unité de mesure :
— les trois bonbons que j’ai achetés m’ont suffi comme repas (on insiste bien sur le nombre, mais pas sur l’unité de mesure)
Mais si dans la cour de récréation on paye en bonbons :
— les trois bonbons que j’ai payé mon orange ne représentent pas une grosse somme
(payé quoi : cod une orange, payé combien : cm trois bonbons)
— les trois bonbons que j’ai payé pour avoir une orange ne représentent pas une grosse somme
(pas de cod apparent, mais le complément de mesure reste bien visible)
Et même avec le verbe acheter, ça passe :
— les trois bonbons que j’ai acheté mon orange ne représentent pas une grosse somme
(forme litigieuse mais courante : j’ai acheté mon journal un euro)
Le bonbon peut être une friandise ou une unité mesure (de prix).
L’année peut être une période ou une unité de mesure (de durée).

le 29 février 2020.

Oui, et ?
Bien sûr que dans J’ai acheté mon orange trois bonbons, trois bonbons n’est pas COD.
Mais si on rajoute des compléments, si on change les verbes, l’analyse aussi change.
Il faut analyser toutes choses égales par ailleurs, sinon on risque fort le contresens.

Dans Jean a passé deux années loin de ses amis, deux années est COD, parce que dans cette construction, passer est transitif direct et demande un COD (ce que tu as d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises dans ton développement précédent), et ce, quelle que soit la façon dont on pose la question :

1. Qu’a-t-il fait de tout ce temps ? (Question qui en passant ne porte sur aucun composant de la phrase.)
2. Combien de temps avait-il été éloigné ?
     Combien d’années a-t-il passées loin de ses amis ?
3. Qu’a-t-il passé loin de ses amis ?  (Le week-end, une année, deux années).
De même que dans Jean a acheté trois bonbons, trois bonbons reste COD, et ce, quelle que soit la façon dont on pose la question :

1.Qu’a-t-il fait de ces (trois) bonbons ? (Question ne portant sur aucun constituant de la phrase, mais c’est pour garder le parallèle avec la phrase ci-dessus.)
2. Combien de bonbons a-t-il achetés ?
3. Qu’a-t-il acheté ?

Et ces trois bonbons comme mode de paiement peuvent très bien être COD, par exemple avec les verbes dépenser, débourser :

Les trois bonbons / Les trois euros que Jean a dépensés/déboursés pour acheter une orange…

Même si on pose une question avec combien : Combien a-t-il dépensé / déboursé ?, parce que dépenser et débourser sont des verbes transitifs directs qui demandent un COD.

 

Quant à :

(1) Les trois bonbons que j’ai payé mon orange ne représentent pas une grosse somme.
(2) Les trois bonbons que j’ai payé pour avoir une orange ne représentent pas une grosse somme.

Personnellement, je n’analyse pas ces deux phrases de la même façon. Payer ne construit pas ses compléments toujours de la même façon.

En (1), J’ai payé mon orange trois bonbons / 1 euro, on a :
Payer quelque chose (CV – COD) telle somme (CV de mesure – ?)*

En (2), J’ai payé trois bonbons / 1 euro pour mon orange, on a :
Payer telle somme (CV de mesure – COD) pour quelque chose (CV – COI ?)

De là, on accorde logiquement :

(1) Les trois bonbons que j’ai payé mon orange ne représentent pas une grosse somme.
(2) Les trois bonbons que j’ai payés pour mon orange ne représentent pas une grosse somme.

 

Qu’a-t-on démontré ? Pas grand-chose, ah si !, une chose importante : il faut se méfier des questions en combien ? et que/quoi ?
Et aussi que la notion de mesure est essentiellement sémantique, et très peu syntaxique.

 

 

* Avec CV = complément de verbe.
Et le point d’interrogation pour dire que je ne sais pas comment la grammaire traditionnelle analyse ce complément : CC ou COI ?

le 29 février 2020.

Idées pour la question 3 (je commence avec la règle de mis-en-trope selon laquelle on accorde avec le cod, je conclue avec la règle du complément essentiel de mesure, de durée, qui pourrait demander l’invariabilité) :

On sait que « que » ne représente pas forcément un cod, mais parfois un cc.

Intransitif :
— Les deux jours que nous avons voyagé sont ceux que que nous avons préférés.
Évidemment, dans « voyager deux jours », « deux jours » n’est pas cod mais signifie « pendant deux jours », et on n’accorde pas.
Transitif :
— Les deux jours que nous avons préférés sont ceux pendant lesquels nous avons voyagé.
Évidemment, dans « préférer deux jours », on a préféré deux jours et non préféré pendant deux jours, « deux jours » est cod, et on accorde.

Certains verbes peuvent être utilisés transitivement ou intransitivement.
Avec un verbe comme « courir », c’est assez facile à distinguer.
Transitif courir : courir le marathon, courir deux marathons…
— Les deux marathons que nous avons courus ; on accorde parce que « les deux marathons » est un cod.
Intransitif courir : je cours = je me déplace en courant.
— Les deux jours que nous avons couru ; « que » signifie « pendant lesquels », et on n’accorde pas parce que « les deux jours que » n’est pas cod.
Si on réussit à mettre un autre mot que « que », comme « pendant lesquels », ce n’est pas un cod.
Même chose avec « vivre ». J’ai vécu une aventure = L’aventure que j’ai vécue.
— Les dix ans que j’ai vécu cette aventure.
C’est simple ici parce que le cod « aventure » est bien visible, et « les dix ans » ne peut être qu’un cc.
Mais si au lieu de « vivre une aventure », on écrit « vivre en Bretagne », « en Bretagne » étant un complément obligatoire pour le sens, mais pas un cod, il y a de quoi réfléchir. On peut écrire :
— Les dix ans que j’ai vécus en Bretagne furent une merveilleuse période.
— Les dix ans que j’ai vécu en Bretagne, j’étais très heureux.

Le verbe « passer » se comporte-t-il comme le verbe « vivre » ?
On peut vivre tout court (je vis), mais on ne peut pas passer tout court (je passe). Quand il est question d’une époque, vivre peut s’accompagner ou se passer d’un cc de temps (j’ai vécu dix ans ici ou j’ai vécu ici), mais « passer » appelle a priori un cod obligatoire (j’ai passé dix ans ici, j’ai passé ici ne suffit pas, j’ai passé quoi ?). Qui oserait dire qu’un complément de temps non supprimable est un cc ? Donc « dix ans » est un cod et on accorde.
C’est je pense la règle exposée par mis-en-trope.

Si « passer est transitif direct », comme le disent les dictionnaires, son complément ne peut être qu’un cod, et comme il s’agit d’un complément obligatoire, ce ne peut pas être un cc de temps signifiant « pendant lesquelles » (le cc est supprimable).
Si une construction du type « les deux jours que j’ai passé mon temps à chercher une solution » était valide, alors on n’accorderait pas : « les deux jours » serait un cc et « mon temps » serait le cod.
Mais non, dans cette phrase, ce n’est pas seulement qu’on peut remplacer « que » par « pendant lesquels », mais c’est qu’il faut obligatoirement le faire. On est devant un complément obligatoire.

Mais alors, pourquoi trouve-t-on tant d’articles et de réponses qui font la nuance, dans ce cas ?

L’explication du journal du net me convaincrait si on pouvait identifier un cod ailleurs.
— Les quatre heures que j’ai passé dans la circulation.
« Les quatre heures que » est cc, admettons. Mais où est le cod alors ?
Y aurait-il des constructions intransitives de « passer » ? (oui il y en a, mais leurs sens ne sont pas celui de votre question, oublions). On peut vivre ou courir, sans vivre quelque chose ou courir quelque chose, mais peut-on passer, sans passer quelque chose ?
La meilleure réponse pour défendre l’invariabilité est que le complément obligatoire de « passer » n’est pas un complément d’objet mais un complément de mesure.
— Les deux euros que m’a coûté ce muscadet (complément de mesure)
— Les ennuis que m’a coûtés ce muscadet (complément d’objet)
— Les dix ans que la chose a duré (complément de mesure)
— Les dix ans que j’ai passé (complément de mesure)
— Les dix ans que j’ai passés (complément d’objet)
Mais alors il faut qualifier clairement « dix ans » de complément de mesure. Et l’auteur des « quatre heures que j’ai passé dans un embouteillage » fait une grosse erreur en qualifiant les « quatre heures » de complément circonstanciel.
L’auteur doit se mettre d’accord avec lui-même :
* Il y a un cod ailleurs et « quatre heures » peut bien être un cc.
* Il n’y a pas de cod, et « quatre heures » est un complément de mesure.
Le « complément obligatoire de mesure de temps », qu’on me dise que ce n’est pas un cod, je pourrais l’admettre, mais si on nous dit en même temps que c’est un complément circonstanciel non obligatoire, c’est totalement contradictoire.
L’auteur a fait une erreur.

Le participant qui met en parallèle période et durée dit une chose qui me semble très cohérente, mais il aurait dû préciser clairement que la période est complément d’objet, et que la durée est complément essentiel de mesure.
— A-t-il passé du bon temps ? Oui, les deux heures qu’il a passées ici étaient formidables.
— Combien de temps a-t-il passé ici ? Deux heures. Les deux heures qu’il a passé ici ont suffi à…
Dans cette logique, souvent défendue, vous pouvez écrire :
— Les deux jours que nous avons passés à écrire ce rapport ont été deux jours difficiles.
— Les deux jours que nous avons passé à écrire ce rapport sont finalement une durée plus courte que prévue.

Il nous faut maintenant trouver dans un livre, formellement, l’idée que « passer », comme « coûter », peut introduire parfois un complément essentiel de mesure, et parfois un complément d’objet direct.

Le cours du Projet Voltaire en parle-t-il ?

Je suis persuadé que mes exemples vous ont fait approcher la question, mais il serait bon de trouver une démonstration de grammairien qui non seulement expose des exemples pour les deux constructions possibles, mais également prenne la peine de donner des noms selon les cas aux fonctions de ces compléments de temps : quand sont-ils complément d’objet, complément de mesure, ou complément circonstanciel.

Pour votre exemple :
a) — Je m’interrogeais sur ces deux années que Jean avait passé(es) loin des siens.
Ma réponse :
— Qu’avait-il fait de tout ce temps ? Je m’interrogeais sur ces deux années que Jean avait passées loin des siens.
— Combien de temps avait-il été éloigné ? Je m’interrogeais sur ces deux années que Jean avait passé loin des siens. Je m’interrogeais sur cette durée, sur ces deux longues années que Jean prétendait avoir passé loin des siens.
b) — ces instants de bonheur que nous avions vécus ensemble
Ma réponse :
Pluriel obligatoire : « ces instants de bonheur » n’est pas une durée mais la réalité, le contenu de ces instants de bonheur : c’est un cod et non un complément essentiel de durée  (vivre une aventure et non vivre dix ans).

Barde Érudit Répondu le 28 février 2020

Je viens remercier mis-en-trope pour son développement du sujet 3. et Barde pour son long exposé ! Je pense que toutes ces explications vont intéresser bien d’autres participants que moi…

Marisa Grand maître Répondu le 28 février 2020

Réponses à plusieurs interventions de @mis-en-trope

A) Les bonbons

a) J’ai répondu à la question sur les bonbons parce que vous avez fait une objection sur le nombre de bonbons en pensant apparemment que je me posais la question « quoi » ou « combien », question que ne me suis jamais posée : un ou trois bonbons, une ou trois années peuvent être des compléments d’objet, que la question soit quoi ou combien. J’espère que vous ne me soupçonnez pas de penser que dans « manger trois bonbons » il y a un complément de mesure. Je suis limite en grammaire, mais pas à ce point-là.
Je pense que votre « oui, et ? » répond davantage à votre objection hors sujet qu’à ma réponse à votre objection.

b) Je ne sais que penser de votre phrase :
— Combien d’années a-t-il passé loin de ses amis ?
Vous voulez me montrer que vous êtes d’accord avec moi, que « combien d’années » n’est pas un cod mais un complément de mesure dont l’unité est l’année, en n’accordant pas ? Ou c’est juste une erreur d’écriture (malgré tout révélatrice) ?

c) Les trois bonbons-unités cod avec un verbe comme dépenser, c’est vrai, je m’étais déjà fait la réflexion sans formaliser la réponse (même si j’ai une idée sur le sujet).

B) Le verbe payer

OK. « Payer » était un mauvais exemple. Ce verbe a la particularité de pouvoir avoir pour complément un objet ou un prix. Et même quand il s’agit d’un prix seul, ce prix est un cod et non un complément de mesure.
— Les dix euros que j’ai payés.
— Les trois livres que j’ai payés.
C’est quand on a les deux compléments potentiellement cod qu’on décide que le cod-objet reste cod et que le cod-prix devient complément de mesure.
— Les dix euros que j’ai payé ces trois livres.
— Les dix livres que j’ai payés trois euros.
Ce verbe est exceptionnel.

C) Votre argumentation sur le fond

En alignant ainsi des présupposés en introduction (vivre est intransitif, passer est transitif), vous résolvez facilement la question. Trop facilement.

a) Vivre est intransitif.
OK, je vois ce que voulez dire. Quand il y a un complément qui ressemble à un cod, ce n’est pas forcément un cod.
Vous ne condamnez quand même pas « l’expérience qu’il a vécue… la vie qu’il a vécue était une belle vie… (parce que malgré tout il existe une construction transitive que vous n’avez pas mentionnée).
Mais vous condamnez « il était heureux toutes ces années qu’il a vécues en Allemagne » (moi aussi).
Condamnez-vous de même « les années qu’il a vécues en Allemagne l’ont transformé » ?
Vous vous êtes parfois demandé s’il y avait une nuance entre le contenu des années, leur richesse, les événements, et le simple complément de temps. N’avez-vous pas tranché trop vite en qualifiant ci-dessus cette nuance de fumeuse ?
Pouvez-vous résoudre cette question autrement que par l’abrupt « vivre est intransitif ? ».
Pourquoi condamner directement « les trois années qu’il a vécues en Allemagne » sans vouloir entendre la suite de la phrase ?
Dans la question de Marisa, partagez-vous avec moi l’idée que vivre est transitif et qu’il faut écrire « ces instants de bonheur que nous avions vécus ensemble » ? Et qu’une absence d’accord reviendrait à un bête « ces instants pendant lesquels nous avions vécu ensemble », avec la simple notion de temps et non de moments vécus ? Si oui, il ne faut pas argumenter par ce sec « vivre est intransitif ».
Je suis certain que « ces moments » n’est pas un complément circonstanciel.
Je pense que c’est un complément d’objet.
Je peux réfléchir à la notion de complément interne (vivre une vie).
Je peux réfléchir à la notion de complément essentiel de quelque chose mais pas d’objet.
N’hésitez pas à m’instruire.

b) Pour ce qui est de la notion de complément d’objet, j’ai cru comprendre qu’on n’avait pas tranché. Au départ, cette notion était sémantique et nécessitait qu’il y ait un objet sur lequel agisse un sujet. Mais de plus en plus c’est devenu une notion syntaxique qui représente « ce qui suit le verbe ». Ne condamnez-vous pas un peu vite la notion sémantique qui est souvent la mienne pour identifier un cod ?
Je vais passer un an et demi en Allemagne : « un an et demi » n’est pas sémantiquement cod (il n’existe pas « un an et demi » sur lequel je vais agir). C’est ce que j’appellerais, à peu près, complément obligatoire essentiel de durée.
Maintenant, si pour vous, tout ce qui suit le verbe « passer » est par obligation un cod, ce n’est qu’une approche syntaxique, et « un an et demi » est un cod. Je n’aime pas cette approche, mais je reconnais que vous avez dit clairement que c’était celle que que vous défendiez (en disant que l’approche de mesure n’était que sémantique et non syntaxique).
Il paraît que c’est Marot qui a inventé l’accord du participe passé avec avoir. Je vous fiche mon billet qu’il l’a fait selon une approche sémantique. Existe-t-il un an et demi qui va être passé par moi ? Non, donc Marot n’aurait pas accordé.

c) Passer est transitif.
Sur l’utilisation actuelle du verbe passer, j’admets que vous avez hélas raison concernant la construction que vous privilégiez au détriment du sens.
Mais permettez-moi ces réflexions.
* Mise à la voix passive : on peut dire cette expérience a été vécue, ou cette année a été passée, ce sont bien des cod.
* Pronominalisation : on peut dire cette expérience, je l’ai vécue, ou cette année, je l’ai passée, ce sont bien des cod.
* Oui mais uniquement pour parler de la chose, de l’année avec ses événements, de l’expérience…
Car on ne peut pas parler ainsi de la durée. Ce qui donnerait :
— L’an et demi (durée) a été passé… Sonne faux
— Cet an et demi, je l’ai passé à… Sonne faux
L’an et demi n’est pas un un objet mais une durée.

D) Alors ?

Pour nous mettre d’accord, il faut que l’un d’entre nous déroge à une de ses règles.
* Soit j’admets qu’on ne peut pas mettre un complément de durée devant « passé » (l’an et demi que j’ai passé), puisque « passer » est transitif un point c’est tout.
* Soit vous admettez que « passer » peut admettre non seulement un cod (représentant les instants passés) mais aussi parfois un complément de durée qui n’est pas cod.

@Marisa, si vous avez posé la question, c’est que vous avez conscience de ces nuances possibles et que vous demandez que ce soit tranché formellement. Ça nous prendra un an s’il le faut (« un an » est-il cod de « prendra » ?), mais on vous répondra.

Barde Érudit Répondu le 1 mars 2020

A) Les bonbons
a)
J’avais cru comprendre que tu utilisais le « truc » des questions en combien et que pour décider de la transitivité (Qu’a-t-il fait de tout ce temps ? – qui encore une fois n’interroge en rien les constituants de la phrase, donc je ne vois pas ce que ça peut indiquer sur la nature et la fonction de ces différentes constituants et en l’espèce du complément qui suit le verbe, mais bon) ou de l’intransitivité (Combien de temps a-t-il été éloigné ?) du verbe passer.

Avec mon exemple des bonbons, où la fonction COD de trois bonbons n’était pas douteuse, je voulais montrer que les questions en combien et que n’étaient pas pertinentes pour décider de la fonction du complément.

Apparemment, je t’ai pas mal entendu, mais alors je ne vois pas ce que tu veux montrer avec ces deux questions.

b) Je ne sais que penser de votre phrase :
— Combien d’années a-t-il passé loin de ses amis ?

C’est une coquille, c’est corrigé.

C) Votre argumentation sur le fond

En alignant ainsi des présupposés en introduction (vivre est intransitif, passer est transitif), vous résolvez facilement la question. Trop facilement.

Je t’invite à relire le paragraphe Sémantiquement de mon premier commentaire à la première réponse-question de Marisa.

On peut dire les choses encore autrement : si c’est le procès qui est qualifié par le complément, celui-ci a valeur d’adverbe :
Le paquet pèse X kg > Il pèse lourd, léger.
Je chausse du X > Je chausse grand / petit.
J’ai marché (pendant) X km > J’ai marché loin / (pendant) longtemps.
Le film dure 3 heures > Le film dure longtemps.
Il a vécu (pendant) 99 ans > Il a vécu (pendant) longtemps.
J’ai vécu (pendant) X ans dans un couvent > J’ai (pendant) longtemps vécu dans un couvent / J’ai vécu brièvement dans un couvent.
J’ai passé X ans dans un couvent > *J’ai longtemps passé dans un couvent / *J’ai passé brièvement dans un couvent.
*J’ai passé pendant X ans dans un couvent.
Je vis depuis 30 ans / longtemps dans un couvent.
*Je passe depuis 30 ans / longtemps dans un couvent.

Ces verbes sont soit attributifs (peser, chausser, durer), soit construisent un complément qui me semble très proche d’un objet interne (marcher, vivre).

Bref, la transitivité / intransitivité des verbes ne tombe pas des nues, je ne la décrète ni ne la présuppose, elle est déterminée par le sens du verbe.
Cela dit, ces notions ne sont pas intangibles, ou du moins leur extension, c’est ainsi que des verbes classés intransitifs par la grammaire traditionnelle sont classés transitifs par la nouvelle grammaire.
Pour cette dernière, les compléments essentiels de mesure sont des compléments de verbe, ce qui ne renseigne ni sur la transitivité du verbe ni sur la fonction des compléments, puisque sont compléments de verbe : les COD, COI, compléments d’agent, attributs, et compléments essentiels (de lieu, de manière, de mesure).

a)
Toujours dans ce premier commentaire, voir Vivre + quantitatif (intransitif) et Vivre + qualitatif (transitif).

b)
Ça fait belle lurette que cette idée que le COD est un objet sur lequel le sujet agit n’a plus cours (de même que celle d’un sujet toujours agissant – à la voix active s’entend).

Je fais un gâteau (l’objet n’existe pas encore, comment agir sur un objet inexistant ? À comparer avec Je coupe un gâteau).
Je traverse la frontière / J’escalade la montagne (l’objet est un lieu sur lequel le procès s’accomplit, mais il n’y a pas à proprement dit action sur cet objet).
Je survole la ville / Je précède le cortège (l’objet sert de point de repère au procès).
J’aime le chocolat (l’objet est la source, la cause, le stimulus de l’affect éprouvé par le sujet ; quant au sujet, il ne fait pas l’action d’aimer : ce n’est pas un agent, c’est un expérienceur).
Etc.

Dans passer + durée, l’objet du verbe est le temps (passer du temps) et la durée est la quantification de l’objet, pas celle du procès : J’ai passé (un temps qui a duré) 30 ans dans un couvent.
(Avec vivre, cette notion de temps est incluse dans le sens du verbe, ce n’est pas le cas pour passer.)

c)
Avec année, ça passe sans problème :
Cette année et demie a été passée…
Cette année et demie, je l’ai passée…

le 1 mars 2020.

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