C’est du vécu

Je voudrais mettre bon ordre dans l’accord du participe passé vécu selon que les années mentionnées précédemment représentent une mesure ou une expérience, car j’ai lu beaucoup d’analyses contradictoires, y compris sur ce forum. Confirmez-vous les accords suivants ?

« Les quatre-vingts ans qu’il a vécu, personne ne l’a jamais vu se départir de son sourire. »
« Les quatre-vingts ans qu’il a vécus ne lui ont jamais fait perdre le sourire.« 

Bruno974 Grand maître Demandé le 31 mars 2023 dans Accords

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3 réponse(s)
 

Merci Tara,
C’est justement votre contre-exemple qui sème chez moi le plus gros doute « Les deux années que Patrice a vécu /vécues (?) en Allemagne furent très enrichissantes. » Dès lors que la durée se trouve aussi être le sujet de la principale, ne faut-il pas considérer qu’il s’agit d’une expérience vécue, avec un emploi transitif de vivre (Patrice a vécu deux années très enrichissantes) alors que si le groupe est simplement apposé, vivre est alors employé de manière intransitive « Les deux années que Patrice a vécu en Allemagne,  il s’est beaucoup enrichi.« 

Bruno974 Grand maître Répondu le 31 mars 2023

Je pense que vous souhaitez faire cette distinction :
l’année qu’il a vécu à Brest était pluvieuse (cette période)
l’année qu’il a vécue à Brest était heureuse (cette expérience)
On voit donc que formellement ce n’est pas le fait que l’année soit le sujet du verbe suivant qui est décisif, mais c’est juste que la fin de la phrase peut éclairer sur l’intention, sur le sens voulu.
C’est une question de métonymie. Il arrive que le même mot, par métonymie, désigne un contenant et un contenu (tenir un verre, boire un verre). Ici il s’agirait de faire la distinction entre une durée et ce qui se passe pendant cette durée.
a) D’une part, une année peut désigner une période, une durée, et dans ce cas on a un complément circonstanciel : j’ai vécu une année à Brest, j’ai survécu une année à Brest, j’ai travaillé une année à Brest. –> L’année que j’ai vécu/survécu/travaillé à Brest.
b) D’autre part, parfois, une année désigne ce que vous appelez une expérience, mot assez bien trouvé pour parler du contenu, et dans ce cas on a un complément d’objet : j’ai vécu une année intéressante à Brest, j’ai subi une triste année à Brest, j’ai apprécié une belle année à Brest. –> L’année que j’ai vécue/subie/appréciée à Brest.
Il est évident que les constructions de type (b) sont valides, dès lors qu’on a accepté que le verbe vivre pouvait accepter un COD.
Ce sont les constructions de type (a) qui ont motivé votre question globale : existe-t-il vraiment des cas où on puisse placer autre chose qu’un COD devant « qu’il a vécu », par exemple un complément circonstanciel, et comment formaliser cela ?

La fin de votre intervention, à partir de « alors que si le groupe… » ne présente pas une opposition claire avec ce qui précède. Vous devriez séparer vos deux idées par un grand trait horizontal. Vous articulez mal deux idées différentes, qui se recoupent certainement, mais ne se partagent pas rigoureusement le terrain. Et vous ne devriez pas parler d’apposition pour décrire le fait de supprimer une préposition dans un complément circonstanciel (ces deux années = durant ces deux années).
Je pense que votre constat est qu’on peut dire :
— Durant ces années-là, il pleuvait
— Ces années-là, il pleuvait
— Durant le règne de Louis X, il pleuvait
mais pas : — Le règne de Louix X, il pleuvait
On pense ainsi montrer que l’absence de « durant » dans le complément de temps n’est acceptable que si ce complément est déjà temporel en lui-même, et donc que dans le cas particulier de « les années que j’ai vécu à Brest, il pleuvait » l’accord de « vécu » est impossible. Pourquoi pas. Mais la réciproque (si on peut mettre « durant » c’est qu’on parle d’une expérience, donc d’un COD et l’accord doit se faire) n’étant pas vraie (car on écrit « durant les années que j’ai vécu ou vécues à Brest », selon le sens et l’intention), vous ne réussirez pas à faire un critère de choix (accorder ou non « vécu ») de cette astuce (mettre ou non « durant ») dans une phrase englobant cette proposition.

Ce sont deux réflexions extrêmement intéressantes, qui mettent l’accent sur des obligations ou des impossibilités, qui permettent éventuellement de tester et réfuter une théorie, mais qui ne recouvrent pas l’ensemble de la question.

le 2 avril 2023.

Merci CParlotte pour cette analyse très judicieuse.

le 2 avril 2023.

Bonjour,

Votre phrase « Les quatre-vingts ans qu’il a vécu, personne ne l’a jamais vu se départir de son sourire. » ne  semble bancale.

L’élision de « pendant » ou de « durant » ou d’un préposition introduisant le complément de durée ne me semble pas possible dans ce cas.

Ouatitm Grand maître Répondu le 31 mars 2023

Les compléments de durée introduits sans préposition ne sont pourtant pas rares : « L’an passé, il ne s’est rien passé », « Lundi, c’était corvée de pluche toute la journée. »

le 31 mars 2023.

Pour être franche Bruno, je ne suis pas moi-même convaincue par ces distinctions qui se trouvent pourtant dans des sites sérieux -ici la BDL.
Plutôt que d’essayer de transmettre une réponse, j’aurais mieux fait de réfléchir et de suivre ma logique, ce qu’en général, je fais.
Je ne vois pas pourquoi la présence d’un nombre devrait changer les choses.
L’année qu’il a vécue a été très enrichissante.
Les deux années qu’il a vécues ont été très enrichissantes
—-
le complément de mesure est nettement repérable  : je regrette les dix euros que m’a coûté cet objet. mais : les dix euros que j’ai perdus

Vivre n’est jamais à mon sens un verbe qui commande un complément de mesure.
Les deux années qu’il a vécues/ les deux drames qu’il a vécus/les deux affronts qu’il a vécus… etc
J’efface mon premier message  qui à mon avis est erroné.

Tara Grand maître Répondu le 31 mars 2023

On s’en doute un peu que le complément de vivre, même s’il exprime une durée, n’est pas un complément de mesure. La question n’a jamais été de savoir si c’est un complément de mesure, mais de savoir dans quel cas c’est un complément d’objet, et dans quel cas c’est un complément de temps.

Complément de mesure :
— Il mesure deux mètres, il mesure combien, quelle est sa taille ? caractéristique, valeur intrinsèque
— Il pèse deux kilos, il pèse combien, quel est son poids ? caractéristique, valeur intrinsèque
— Il a vécu deux ans à Berlin, il a vécu combien ? quel est son… ? caractéristique ? valeur intrinsèque ? évidemment que ce complément ne mesure rien !

Complément de lieu :
— Il travaille à Berlin, il vit à Berlin

Complément de temps :
— Il travaille à Berlin depuis deux ans, il a vécu deux ans à Berlin, il a travaillé à Berlin pendant deux ans…

Complément d’objet :
— Il vit ses rêves, il a vécu de belles années à Berlin, il vivra d’autres aventures…

Dans « il a vécu à Berlin deux années, il a vécu heureux, il y a vécu heureux, il a vécu deux années, il a vécu heureux deux années, il a vécu cent ans« , jamais vous ne verrez un COD dans « deux années » ou dans « cent ans », si ?
Mais dès qu’on renverse la phrase, vous estimez que les années deviennent par magie un COD ?
— les deux années qu’il a vécues à Berlin ?
— les cent ans qu’il a vécus ?
Très bien, mais pourquoi ? Pourquoi est-il si naturel à votre avis que des compléments de temps se transforment en compléments d’objet quand on les déplace devant le verbe ? Je crois que c’est un peu la question posée.

le 2 avril 2023.

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