Accord du participe passé des verbes pronominaux.

Bonjour,

L’accord du participe passé, certains le définissent comme « La torture de l’enfance, l’épouvantail de jeunes personnes, l’effroi des écoliers et des maîtres et le désespoir des étrangers.»
Les fautes d’accord sont légion et j’ai pu le constater sur ce site où j’ai découvert par hasard cette question :

Dans la phrase :

« Ils se sont aperçu qu’ils avaient oublié la clé.»

Puis-je comprendre que, « accidentellement pronominal », s’apercevoir  doit ici se comporter, en matière d’accord du participe passé, comme s’il était conjugué avec l’auxiliaire « avoir » : invariable parce que son complément d’objet direct est placé après lui  (C.O.D.= la phrase relative subordonnée  « qu’ils avaient oublié la clé ») ?

et voici la réponse :

Vous avez très bien compris.
On s’aperçoit de quelque chose, si bien que votre complétive est plutôt C.O.I et que le pronom se dans s’apercevoir peut s’analyser comme le C.O.D. placé avant.

Qu’en pensez-vous ?

czardas Grand maître Demandé le 30 octobre 2017 dans Accords

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6 réponse(s)
 

Ce n’est pas la première fois que la notion d’essentiellement pronominal met les meilleurs « dans la panade ».
À côté de verbes toujours essentiellement pronominaux  (n’ayant jamais de C.O.D. comme s’emparer) il existe des verbes essentiellement pronominaux dans un sens donné.
Dans « s’apercevoir de… « , le pronom n’est pas réfléchi, le sujet n’exerce pas l’action sur lui-même. Il est donc essentiellement pronominal dans le sens de « se rendre compte » ce qui n’a aucun rapport avec le fait d’apercevoir un objet ou quelqu’un avec les yeux. Cela explique que dans le sens de se rendre compte, l’accord du participe soit systématique.
On voit mieux la nuance avec « se servir » :
— Elle s’est servi (versé) une tasse de thé : pronominal avec pronom C.O.I.  et C.OD. post-posé. Pas d’accord.
— Elle s’est servie (a utilisé) du balai : « se servir » est essentiellement pronominal dans le sens d’utiliser, donc accord.

Chambaron Grand maître Répondu le 30 octobre 2017

J’ai compris récemment que le pronom dans certains verbes pronominaux, ceux qui posent problème,  ne représente rien et n’est pas analysable ; il est partie intégrante du verbe et en constitue le sens.

Ils se sont emparés de la ville. Le verbe s’emparer n’existe pas sans le SE.

Elle ne s’est aperçue de rien. Le verbe apercevoir (sans SE) a un autre sens.

Ce sont des verbes pronominaux subjectifs :

s’en aller, s’en retourner, se repentir, se passer, se souvenir, se plaindre, s’apercevoir, se douter, se promener, se tromper, s’enfuir, se taire, s’y prendre…

L’accord des part. passés des verbes pronom. subjectifs se fait AVEC LE SUJET :

Elles se sont aperçues de leur erreur. 

 

joelle Grand maître Répondu le 30 octobre 2017

Bien que connue, cette catégorie de verbes est mal identifiée dans les manuels de grammaire et cause des confusions difficiles à dissiper. Je découvre aussi cette appellation de « subjectif », mais il existe aussi celle d’indistinct (dans OQLF) voire « de sens lexicalisé » qui traduit leur origine de vieux français, figée dans un sens particulier.
Personnellement, je préfère parler de verbes « essentiellement pronominaux dans un sens précis » qui est plus pédagogique : on comprend que le participe doit s’accorder.

le 31 octobre 2017.

Bonjour Czardas.

Comme vous le dites, s’apercevoir n’est pas un verbe essentiellement pronominal, puisque le verbe apercevoir existe, mais un verbe occasionnellement pronominal.

L’accord du participe passé se fait selon le sens accordé au pronom réfléchi.

Si ce verbe est réfléchi ou réciproque, l’accord suit la règle de l’accord du participe passé construit avec l’auxiliaire avoir :
– réfléchi : elle s’est lavée
– réciproque : elles se sont battues

Mais quand le pronom n’a pas de fonction logique, l’accord se fait avec le sujet (sauf : se faire, se plaire, se déplaire, se complaire).
C’est ce qu’on observe avec s’apercevoir dans l’acception « se rendre compte ».

Il n’est ni réfléchi, ni réciproque et le pronom n’a aucune fonction logique (dans ce sens de « se rendre compte »)  : on n’aperçoit pas soi-même.
En revanche s’apercevoir a un sens réfléchi dans il s’est aperçu dans la glace ou réciproque dans ils se sont aperçus.

N’ayant aucune fonction logique (on appelle aussi ces verbes des verbes subjectifs), l’accord du participe passé se fait avec le sujet.

Ils se sont aperçus qu’ils avaient oublié la clé.

PhL Grand maître Répondu le 30 octobre 2017

Le pronom se est inanalysable. Il n’est ni COD ni COI.
Projet Voltaire et Grevisse sont très clairs sur ce point.

Projet Voltaire :

Un verbe pronominal est dit subjectif quand on ne peut pas analyser précisément la fonction du pronom personnel, ce dernier faisant partie intégrante du verbe : s’apercevoir de…, s’abstenir…, s’absenter. Certains de ces verbes admettent un emploi non pronominal (apercevoir…)

Le participe passé des verbes pronominaux dont le pronom n’est ni COD ni COI du verbe qu’il accompagne s’accorde avec le sujet :

Ces salariées se sont rapidement aperçues de leur erreur.
Les cambrioleurs se sont enfuis en emportant un énorme butin.

(Dominique Dumas, Le grand livre de l’orthographe, Certificat Voltaire).

Grevisse :

Les verbes pronominaux sont dits subjectifs lorsque le pronom complément n’a pas de fonction grammaticale précise. C’est un élément pour ainsi dire incorporé au verbe […]

Le pronom complément des verbes pronominaux subjectifs est plus ou moins inanalysable.

Certains de ces verbes ont aussi une construction non pronominale […]
Verbes pronominaux ne se construisant pas avec un objet direct.
s’apercevoir de (qq. ch. )…, s’enfuir…, etc.

(Le Bon usage, § 779). 

Plus loin, au § 953 :

Participe passé des verbes pronominaux.

Si le pronom conjoint est inanalysable , le participe passé s’accorde avec le sujet.

Pronominaux subjectifs.

Nous nous sommes aperçus de notre erreur.

Cela dit, je suis assez d’accord avec Chambaron en ce qui concerne l’expression « verbe proonominal subjetif ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

jean bordes Grand maître Répondu le 2 novembre 2017

Je ne suis pas versée dans les règles comme vous, Czardas, mais j’aurais automatiquement mis  » Ils se sont aperçus ».  Il me semble que dans le logiciel du « Projet Voltaire » il y a une astuce pour ceux qui ont de la peine à se rendre compte ou a comprendre comment cela marche. Si on peut mettre « je l’ai aperçue » (pour la clé),  on accorde. Ou est-ce que je me trompe ?

Zully Grand maître Répondu le 30 octobre 2017

Bonjour,
À l’instar de Philippe Bouvard, animateur inoxydable de l’émission « Les Grosses Têtes» je dirai « Bonne réponse collégiale » de nos experts.

J’espère que ce post sera lu souvent et avec profit par tous ceux qui aspirent à maîtriser l’accord du participe passé.

Je ne passerai pas sous silence l’intervention de Zully. Son instinct était le bon (aperçus). Elle sait maintenant qu’il n’y a aucune astuce, mais simplement une règle d’accord concernant les verbes essentiellement pronominaux.

Je vous remercie .

czardas Grand maître Répondu le 31 octobre 2017

Je vais fondre, Czardas ! En ce qui concerne l’astuce, je l’ai lue sur le site et l’ai rapportée simplement pour étoffer mon  instervention. Toutefois, j’ai maintenant « en poche » les règles si bien décrites et senties par vous tous de sorte que la prochaine fois ou une prochaine fois, je pourrai éclairer quelqu’un, voire moi-même, en pensant à vous.

Philippe Bouvard a joué un grand rôle. Je suis sensible au fait de se rappeler « les anciens » et ceux qui nous ont nourris. Parfois, je pense que nous sommes des pièces composites avec chacun son profil, à l’instar des explications ci-dessus.

le 31 octobre 2017.

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