Accord de « fait » dans « se faire l’écho »

Dans cette expression, se faire l’écho, « l’écho » ne serait-il pas plutôt un attribut du sujet; « se faire » étant attributif occasionnel; autre exemple: ils se sont faits beaux pour sortir; elles se sont faites belles pour aller au bal.
N’est-ce pas la même chose. Merci beaucoup.

ROGER Débutant Demandé le 22 janvier 2015 dans Accords

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9 réponse(s)
 

Je ne suis pas vraiment d’accord avec l’explication du Projet Voltaire. Comme vous le dites, Roger, il est tout à fait possible d’analyser l’écho comme étant l’attribut du pronom réfléchi se, lequel est l’objet direct du participe. Cette position est notamment défendue par Grevisse. Les dictionnaires qui préconisent l’invariabilité de l’expression le font généralement en invoquant son caractère figé (BDL, Larousse), plutôt que sur la base d’une réelle analyse grammaticale. Le Robert ne donne que des exemples dans lesquels le participe est invariable, sans plus d’explications.

Grevisse présume que l’invariabilité est issue d’une confusion avec d’autres constructions similaires. On peut comparer, par exemple :
– Elle s’est faite la porte-parole de leurs revendications.
→ porte-parole est l’attribut de s’, complément direct de faite, mis pour elle : accord du participe passé
– Elle s’est fait le devoir de les remettre sur le droit chemin.
→ devoir 
est complément direct de fait : pas d’accord du participe passé

Vlavv Maître Répondu le 22 janvier 2015

Ce qui est inquiétant c’est qu’un « grand maître » ne reconnaisse pas dans se faire un verbe essentiellement attributif comme être, paraitre, devenir, etc. cité par la plupart des grammaires !
Ce qui est aussi inquiétant, c’est que Projet Voltaire, même s’il prend parti pour le non-accord, ne trouve pas meilleure justification que ce COD aberrant.

Nanou0 Maître Répondu le 7 août 2015

Dans l’expression « se faire l’écho », le participe passé est toujours invariable. Pourquoi ? Parce que le COD est « l’écho », après le verbe.

> Les médias se sont largement fait l’écho de ce scandale financier.
Source : Projet Voltaire
C’est un cas d’emploi pronominal (occasionnel) de sens réfléchi.
Les verbes d’état, seuls, acceptent un attribut.

joelle Grand maître Répondu le 22 janvier 2015

Beau sujet de réflexion…

De mon côté, je penche clairement du côté de l’accord : se faire  est dans ce cas précis un verbe d’état (comme devenir) et l’écho est donc attribut. On ne peut parler d’expression figée, puisqu’on peut à volonté se faire l’avocat du diable, le porte-parole d’une idée, etc.

Le TLFi explicite le cas :
III – B – 2. [L’attribut est un subst. non déterminé désignant un état de vie, une condition, une profession] Se faire avocat, moine, prêtre; cf. le Verbe s’est fait chair*. Les saints ont grand’peine, même en se faisant ermites, à ne pas emporter au fond leur petit démon secret (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 258).

Résultat : Elle s’est faite l’écho.

Chambaron Grand maître Répondu le 22 janvier 2015

Tout à fait ! Malheureusement, les exemples du TLF et de l’Académie ne permettent pas de trancher, puisque tous les exemples avec se faire l’écho sont au masculin singulier… 🙁

Je viens de rentrer à la maison, alors j’en profite pour donner l’avis d’autres grammairiens :
– Girodet : « Dans se faire l’écho de, le participe passé fait est toujours invariable. »
– Thomas : « Dans se faire l’écho de, le participe fait est invariable. »
– Grevisse, Lenoble-Pinson (Le français correct) : « Dans se faire l’écho de, le participe fait est variable, même si plus d’un dictionnaire le présente comme ne variant pas, sans doute par confusion avec se faire un devoir, un plaisir… »
– Hanse : « Se faire l’écho de est considéré par certains dictionnaires comme une expression plus ou moins figée où le participe est invariable […] Mais la logique et l’usage autorisent — et même recommandent — l’accord, comme on le ferait dans Elle s’est faite la protectrice des réfugiés […] Il arrive même qu’on écrive les échos lorsque le sujet est au pluriel […] Mais on laisse plutôt l’écho au singulier. »

Une question qui divise, donc… pour ma part, les deux derniers points de vue, plus argumentés, me convainquent davantage (malgré mon grand respect pour Girodet !). 🙂

le 22 janvier 2015.

Merci Vlavv,

Un schisme de plus dans la Communauté des contributeurs ! Nous vivrons avec, et il y a pire comme querelle…
Je reste sur ma position, même minoritaire : écho n’est pas COD et ne répond pas à la question « on se fait quoi ? « 

le 22 janvier 2015.

Difficile, en effet, de poser la question et d’y répondre, c’est un peu « gênant ».

le 23 janvier 2015.

Bonjour,

Dans le dictionnaire des difficultés de la langue française – Larousse, on peut lire : «  dans l’expression se faire l’écho de, le participe passé fait est invariable.»
Deux exemples sont proposés:
Ils se sont fait l’écho de ces calomnies (Hanse)
Ils se sont fait l’écho de la nouvelle.(Robert)

Accord
Se faire l’écho de (= répéter en propageant) est une expression figée.
recommandation
Dire ou écrire, sans accorder le participe passé : la presse s’est fait l’écho de cette rumeur plutôt que la presse s’est faite l’écho de cette rumeur.

Voici un lien : projet-voltaire
http://www.projet-voltaire.fr/blog/regle-orthographe/ils-se-sont-faits-lecho-ou-ils-se-sont-fait-lecho

czardas Grand maître Répondu le 22 janvier 2015

N’étant pas grammairien, je me garderai bien d’avoir un avis tranché sur la question, car je serai incapable de le justifier par ma propre réflexion.
Alors ? Eh bien, me voilà bîen embarassé. Je suis pris en tenaille entre « ma bible » le Grevisse et le Projet Voltaire (notamment en vue du Certificat Voltaire).
Pour conclure, je dirais qu’on devrait pouvoir accepter les deux graphies.

jean bordes Grand maître Répondu le 23 janvier 2015

J’aimerais revenir sur cette question, en mettant à l’épreuve les arguments avancés par les partisans de l’invariabilité.

Dans un premier temps, je citerai divers ouvrages de référence ayant traité de cette question, afin d’avoir une idée bien claire des thèses en présence.

Dans un second temps, je tenterai de confronter les diverses justifications proposées pour justifier l’invariabilité du participe aux objections soulevées par les grammairiens du camp adverse.

Pour les ouvrages ayant adopté un classement alphabétique, je n’ai pas pris la peine d’indiquer le numéro de la page. Il suffira de se rapporter à l’entrée écho de ces dictionnaires.

PARTIE 1 : HISTORIQUE

En vertu du code de la propriété intellectuelle, tous les dictionnaires et ouvrages de grammaire du XIXe siècle sont dorénavant entrés dans le domaine public. Un grand nombre d’entre eux sont consultables sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF.

Si la consultation des divers dictionnaires du XIXe siècle à l’entrée écho nous amène à constater qu’aucun d’entre eux ne traite de la question, une recherche par mot-clé nous permet de voir qu’un seul dictionnaire a — et par deux fois — employé cette expression.

Il s’agit du tout premier dictionnaire Larousse, le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle en 17 tomes (1866-1877) :

« Les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État se sont faits l’écho de ce bruit » (tome 2, p. 1356).

« La plupart de ses biographes se sont faits l’écho de ces plaintes » (tome 11, p. 59).

Comme on peut le voir, ce dictionnaire considère le participe passé comme variable. Cependant, étant donné que ces deux citations ne se trouvent pas à l’entrée écho mais dans deux biographies, il est compréhensible qu’il n’ait eu, comme nous le verrons, aucun impact sur ses successeurs, ces exemples étant noyés dans des milliers de pages à une époque où la recherche numérique n’existait pas.

Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour trouver un premier ouvrage prônant l’invariabilité. Jean Boisson dit dans Les Inexactitudes et Singularités de la langue française moderne (1930) :

« Se faire l’écho de, invariable : elles se sont fait l’écho de ces bavardages » (p. 45).

Bien que Jean Boisson soit avant tout un historien (il a d’ailleurs été primé par deux fois par l’Académie française pour des livres d’histoire), cet ouvrage jouit apparemment d’une certaine autorité au sein de la communauté des grammairiens, l’Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain (ouvrage collectif sous la direction de Fernand Keller publié en 1972) le citant à plusieurs reprises.

En 1949, le grammairien belge Joseph Hanse écrit dans son Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques :

« Se faire l’écho est une expression verbale où faire et écho restent normalement invariables. L’usage est d’écrire : Ils se sont fait l’écho de cette calomnie. Elle s’en est fait l’écho. »

En 1950, André Sève, enseignant (à ne pas confondre avec le prêtre assomptionniste du même nom), publie le dictionnaire Ortho vert (640 p.) avec la collaboration du linguiste Jean Perrot. Cette version de ce dictionnaire orthographique, plus complète que l’Ortho rouge (511 p.) et son résumé Ortho jaune (288 p.), parus respectivement en 1946 et 1947, prône l’invariabilité :

« Écho nm. Ils se sont fait l’écho. (Remarquer l’invariabilité du participe qui résulte du fait que l’expression est inanalysable.) »

Ces premières prises de position n’empêchèrent pas le linguiste français Albert Dauzat d’écrire dans Le Monde du 17 janvier 1951 :

« Une légende […] dont une revue hôtelière suisse s’est faite dernièrement l’écho » (cité dans Le Bon Usage, de la 12e, p. 1379, à la 16e édition, p. 1278).

Le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (première édition du Grand Robert), publié de 1953 à 1964 en 6 volumes (le deuxième tome, qui concerne notre expression, a paru en 1955), contient deux exemples où le participe passé reste invariable :

« Elle s’est fait l’écho, ils se sont fait l’écho de la nouvelle. »

Adolphe Victor Thomas, diplômé des sciences anthropologiques et chef des services de correction des dictionnaires Larousse, dit dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française (1956) :

« Dans l’expression se faire l’écho de, le participe fait est invariable. »

Notons qu’il se garde de justifier sa position. La phrase est reproduite telle quelle, sans explication, dans le deuxième tome du Grand Larousse de la langue française, paru en 1972. Ce n’est que bien plus tard, avec la publication en 1998 du Dictionnaire des difficultés du français d’aujourd’hui de Daniel Péchoin et Bernard Dauphin, que les éditions Larousse commenceront à invoquer l’idée d’une expression figée :

« Se faire l’écho de (= répéter en propageant) est une expression figée. Recommandation : Dire ou écrire, sans accorder le participe passé : la presse s’est fait l’écho de cette rumeur plutôt que la presse s’est faite l’écho de cette rumeur. »

René Georgin, agrégé de grammaire, dit dans ses Consultations de grammaire, de vocabulaire et de style (1964) :

« Il est vrai que dans le verbe se faire, qui entre dans différents gallicismes, l’accord du participe est parfois délicat. […] Ou bien faire a son sens fort et se une valeur de complément indirect (à soi). Le participe reste alors invariable : Ils se sont fait des ennemis ; elle s’est fait un plaisir de le recevoir. Ou bien se faire signifie devenir et le participe s’accordera avec se (ou avec le sujet, ce qui revient au même) : Elle s’est faite vieille ; elle s’est faite l’avocat des malheureux. […] On dira donc, suivant le sens : La presse s’est faite l’écho de ces bruits, mais : Elle s’est fait un devoir de tenir ses lecteurs au courant » (p. 164-165).

Deux ans plus tard, en 1966, René Georgin détaillera sa position dans Problèmes quotidiens de langage. Nous y reviendrons.

En 1969, Maurice Grevisse se prononça lui aussi en faveur de l’accord dans la 9e édition du Bon Usage (p. 753-754) :

« Quand le participe passé d’un verbe pronominal est suivi d’un attribut du pronom réfléchi, il s’accorde généralement avec ce pronom réfléchi1 : […] Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de certaines de ses confidences à ce sujet (A. Billy, dans le Figaro litt., 25 sept. 1967).

  1. On peut dire, si l’on veut, que, ce pronom réfléchi n’étant ni objet direct ni objet indirect, l’accord se fait avec le sujet. »

Et page 755 :

« Subsidiairement, on peut observer que le participe passé des verbes essentiellement pronominaux (c’est-à-dire qui n’existent que sous la forme pronominale) s’accorde toujours (s’arroger toutefois fait exception) : […] se faire l’écho, […] etc. »

La formulation restera inchangée jusqu’à la 11e édition du Bon Usage (1980), la dernière parue du vivant de Grevisse (p. 936).

En 1980, André Jouette, correcteur d’édition, publie Toute l’orthographe pratique (qui deviendra le Dictionnaire d’orthographe et d’expression écrite des Éditions Le Robert) :

« Écho [éko] n. m. (bruit répété) Elle s’est fait l’écho de racontars. »

En 1981, Jean Girodet, agrégé de grammaire, prend parti pour l’invariabilité dans son Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française :

« Dans se faire l’écho de, le participe passé fait est toujours invariable : Elles se sont fait l’écho de ces rumeurs. »

En 1983, Joseph Hanse publie son Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, dans lequel il rétracte la position qu’il défendait en 1949 :

« Se faire l’écho de est considéré par certains dictionnaires comme une expression plus ou moins figée où le participe est invariable. […] Mais la logique et l’usage autorisent — et même recommandent — l’accord, comme on le ferait dans Elle s’est faite la protectrice des réfugiés : Des rumeurs fantastiques dont Mme de Sévigné s’est faite l’écho (Funck-Brentano, F., Le drame des poisons). »

En 1986, dans la 12e édition du Bon Usage, André Goosse confirme la position de son prédécesseur Maurice Grevisse :

« Le participe suivi d’un attribut du pronom réfléchi s’accorde ordinairement avec ce pronom : […] Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de ses confidences à ce sujet (Billy, dans le Figaro litt., 25 sept. 1967). Une légende […] dont une revue hôtelière suisse s’est faite dernièrement l’écho (Dauzat, dans le Monde, 17 janv. 1951). […] Certains dict. considèrent (à tort) que dans … s’est fait l’écho, le participe doit rester invariable » (p. 1379).

En 1993, il revoit quelque peu la formulation dans la 13e édition (celle-ci restera identique dans les éditions ultérieures jusqu’à la 16e, sortie en 2016) pour tenter d’expliquer ce qui a induit en erreur bon nombre de lexicographes :

« Le participe suivi d’un attribut du pronom réfléchi s’accorde ordinairement avec ce pronom […]. Sans doute par confusion avec se faire un devoir (ou un plaisir, etc.), certains dict. considèrent que dans s’est fait l’écho le participe doit rester invariable. Si on suit la règle ordinaire, ce n’est pas exact : Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de ses confidences à ce sujet (Billy, dans le Figaro litt., 25 sept. 1967). Une légende […] dont une revue hôtelière suisse s’est faite dernièrement l’écho (Dauzat, dans le Monde, 17 janv. 1951). Comp. Ils se sont faits nos interprètes » (p. 1343-1344). »

En 1988, la linguiste québécoise Marie-Éva de Villers publie le Multidictionnaire des difficultés de la langue française, dans lequel on trouve :

« Se faire l’écho de : propager. Elles se sont fait l’écho de ces critiques. Dans cette expression, le participe passé fait est invariable. »

En 1999, le grammairien belge Marc Wilmet opte pour l’accord dans Le Participe passé autrement :

« Le PP des verbes pronominaux réfléchis ou réciproques s’accorde avec l’objet direct si celui-ci précède […], y compris quand le pronom réfléchi a un attribut : se faire l’écho de, etc. (exception : se faire fort de) » (p. 116).

La grammairienne Michèle Lenoble-Pinson, qui avait déjà soutenu cette position dans les deux rééditions du Français correct de Maurice Grevisse dont elle s’était chargée (5e édition en 1998 et 6e édition en 2009), en fait de même dans Dire et écrire le droit en français correct (2014) :

« Se faire l’écho d’une rumeur, d’une nouvelle, d’une opinion, d’une préoccupation, la répandre, en faire état. Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de ses confidences à ce sujet (Billy). Aux temps composés, le participe fait est variable. »

Enfin, le Projet Voltaire a publié sur son blog en 2013 :

« Dans l’expression se faire l’écho, le participe passé est toujours invariable. Pourquoi ? Parce que le COD est l’écho, après le verbe. »

Au terme de cet exposé, deux remarques s’imposent.

La première est que si les tenants de l’invariabilité sont en effet un peu plus nombreux, l’autre avis est loin d’être aussi minoritaire que l’on voudrait parfois bien le faire croire.

La seconde est qu’en dépit de leur nombre, rares sont ceux, parmi le premier groupe, à avoir tenté d’expliquer pourquoi le participe devait rester invariable. Je dénombre en tout et pour tout quatre justifications :

  1. Car l’expression est inanalysable (dictionnaire Ortho) ;
  2. Car l’écho est COD (Projet Voltaire) ;
  3. Car c’est l’usage (Hanse) ;
  4. Car il s’agit d’une expression figée (Larousse).

Examinons donc tour à tour ces quatre arguments.

Guillaume Amateur éclairé Répondu le 14 janvier 2018

PARTIE 2 : ANALYSE GRAMMATICALE

  1. L’expression n’est pas analysable (Ortho vert).

Dans Problèmes quotidiens du langage (p. 133), René Georgin avance la réponse suivante :

« De son côté le dictionnaire Ortho édicte qu’on doit écrire : Elle s’est faite l’interprète de, mais : elle s’est fait l’écho de. Il se garde de justifier cette décision arbitraire qui ne repose sur rien. Il note seulement que dans se faire l’écho, l’invariabilité du participe résulte du fait que l’expression est impossible à analyser. Mais se faire l’interprète et se faire l’écho sont deux expressions exactement parallèles. Dans l’une comme dans l’autre, se faire est un gallicisme où se n’est guère analysable (encore qu’on puisse le tenir pour le complément d’objet de faire). On dit de même : elle s’est faite vieille, ils se sont faits les avocats de cette cause. Dans ces locutions où se faire veut dire devenir, se présenter comme, jouer le rôle de, le participe du verbe pronominal s’accorde normalement avec se (ou avec le sujet, ce qui revient au même). […] C’est l’application de la règle générale d’accord du participe dans les verbes pronominaux. »

En effet, il est bien connu que lorsque se n’est pas analysable, comme dans les verbes essentiellement pronominaux, l’accord du participe passé doit se faire avec le sujet.

  1. L’écho est COD (Projet Voltaire).

Pour que l’écho soit COD, il faudrait que le pronom se soit COI. Le sens serait alors : « ils ont fait écho à eux-mêmes de cette nouvelle » (sens réfléchi) ou « ils ont fait écho les uns aux autres de cette nouvelle » (sens réciproque). Or, il n’échappera à personne que telle n’est pas la signification de l’expression, mais qu’elle veut plutôt dire : « Ils sont devenus l’écho de cette nouvelle. »

Lorsque se faire signifie devenir, il n’existe que deux analyses chez les grammairiens :

– Soit il s’agit d’une locution verbale où se n’est pas analysable, et dans lequel le nom ou l’adjectif qui suit doit être considéré comme un attribut du sujet. Aux temps composés, le participe passé s’accordera avec le sujet.

– Soit se est COD, et le nom ou adjectif qui suit le verbe est attribut du COD. Aux temps composés, le participe passé s’accordera avec le pronom se, qui renvoie au sujet, ce qui ne change donc rien à l’accord.

Cette dernière position se fonde sur le fait que la construction faire + COD + attribut du COD existe en français, comme en témoigne entre autres le Trésor de la langue française :

« 1. Faire qqn + subst. (attribut de l’obj.) non déterminé. Élever au rang de, donner le titre, la dignité de. Faire qqn héritier, chevalier de la Légion d’honneur. […]

  1. Faire qqn + adj. (attribut de l’obj.) […] Rendre, faire devenir. Faire qqn riche. »

Nous avons déjà vu plus haut que Maurice Grevisse, dans Le Bon Usage, cite les deux avis sans prendre position. Mais dans son Cours d’analyse grammaticale (p. 42), publié en 1969, il analyse de la façon suivante la citation de George Sand « à mesure que la brume se fait moins dense » :

« Dense, attribut de brume, si l’on considère en bloc se fait comme verbe, équivalent à devenir. Cette analyse vaut mieux que celle qui considérait se comme objet direct de fait — et dense comme attribut de cet objet direct. »

Quand cette première interprétation semble aussi avoir la préférence de René Georgin (voir plus haut), André Goosse opte quant à lui pour la seconde (Le Bon Usage, 16e édition, p. 1278) :

« Le participe suivi d’un attribut du pronom réfléchi s’accorde ordinairement avec ce pronom […]. Sans doute par confusion avec se faire un devoir (ou un plaisir, etc.), certains dict. considèrent que dans s’est fait l’écho le participe doit rester invariable. Si on suit la règle ordinaire, ce n’est pas exact. »

Dans son billet sur le blog du Projet Voltaire, Bruno Dewaele dresse un parallèle entre se faire l’écho de, se faire jour et se faire fort de.

Chaque cas est pourtant très différent des deux autres. Dans se faire fort de, l’invariabilité est due au fait qu’il s’agit d’une locution figée. Nous l’examinerons donc dans la 4e partie.

Dans se faire jour, jour, qui est COD, désigne une ouverture laissant passer la lumière, et l’expression signifie donc se créer une ouverture, d’abord au sens propre puis au sens figuré. Le COD étant placé après le verbe, l’absence d’accord n’est que l’application de la règle ordinaire.

  1. L’usage est que le participe passé reste invariable (Hanse).

Avant de soumettre à l’épreuve des faits la véridicité de cette assertion, remarquons en guise de préambule qu’il existe, selon la formule célèbre de Vaugelas, un bon et un mauvais usage.

Ainsi René Georgin, après avoir cité Joseph Hanse, objectait-il dans Problèmes quotidiens du langage (p. 133) :

« C’est peut-être l’usage, mais un usage qui ne s’explique pas. »

Mais est-ce vraiment l’usage ?

Les deux dictionnaires les plus populaires du XXe siècle (Larousse et Robert) s’étant prononcés en faveur de l’invariabilité, on peut logiquement s’attendre à ce que cela ait eu une grande influence sur leurs contemporains.

Considérons donc seulement les ouvrages du XIXe siècle, en prenant pour référence Gallica, dont la base de données pour cette période est plus riche que celles de Google Livres et de Frantext.

Extraire les exemples au féminin singulier de l’ensemble contenant ceux au masculin singulier, qui ne permettent de tirer aucune conclusion, demande un travail trop fastidieux. Je limiterai donc la recherche au pluriel :

– « se sont fait l’écho » : 184 résultats

– « se sont faits l’écho » et « se sont faites l’écho » : 169 + 22 = 191 résultats

L’usage était donc très indécis, ce qui explique sans doute que Joseph Hanse se soit finalement ravisé quelque trente années plus tard, en concédant que « la logique et l’usage autorisent — et même recommandent — l’accord ».

  1. Il s’agit d’une expression figée (Larousse)

Pour jauger la valeur de cet argument, examinons la locution se faire fort de, dans laquelle fort et le participe passé fait doivent tous deux rester invariables selon la grande majorité des grammairiens (à l’exception notable de Marguerite Buffet et d’Émile Littré).

En effet, les éditions Larousse estiment que la cause de l’invariabilité est la même pour les deux expressions. Thomas écrit dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française :

« L’expression se faire fort de […] s’est figée, et l’usage veut qu’on dise : Elle s’est fait fort d’obtenir la signature de son mari. »

Commençons par rappeler que se faire fort de a deux sens bien distincts et que seul l’un des deux est concerné ici. Girodet dit dans son Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française :

« Se faire fort de. Au sens de se vanter de, participe invariable : Ces filles se sont fait fort de nous battre. — Au sens de tirer sa force de, accord du participe avec le sujet : Ces nations se sont faites fortes de la faiblesse de leurs voisins. »

La cause ayant entraîné l’invariabilité dans ce premier sens de se faire fort de est-elle présente dans se faire l’écho de ? Voyons ce qu’en disent les grammairiens.

On trouve dans l’Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain :

« L’usage de la langue commune tend à imposer se faire fort de (ou plus rarement se porter fort pour) comme une locution verbale où fort est considéré comme un élément adverbial. En fait, l’écrivain ou le locuteur ne font pas l’analyse grammaticale de la locution. On ne sent pas fort comme un attribut du sujet. Il faut faire l’opposition entre l’énoncé : Ils se font forts ou elle se fait forte (ils deviennent forts ou elle devient forte) et la locution : ils se font fort de, où les éléments sont indécomposables avec la signification : ils garantissent que. »

Georges et Robert Le Bidois disent dans Syntaxe du français moderne (tome 2 p. 151) :

« Vaugelas déjà, dans ses Remarques, constatait, comme “un usage assez estrange, mais bien françoys”, qu’une femme dit, “tout de même qu’un homme, je me fais fort de cela, et non pas je me fais forte” ; et il opinait qu’“il faut dire aussi Ils se font fort de cela, et non pas ils se font forts”. Cet usage, assez ancien, on le voit, s’explique sans doute par le sens de la locution ; elle ne signifie pas se rendre fort ou forte mais se piquer de ; le peu que fort garde, dans ce tour, de son sens ou de sa valeur ordinaire est cause qu’on le laisse sans accord. »

André Goosse dit dans Le Bon Usage (16e édition, p. 425) :

« Fort reste invariable selon la tradition grammaticale dans les expressions se faire fort de et se porter fort pour (qui est plus rare). […] L’invariabilité en genre et en nombre a été prescrite par Vaugelas, avec cet argument que fort dans se faire fort est “mis comme adverbialement” (p. 324). On pourrait aussi dire qu’il s’agit de locutions figées, où il est difficile aujourd’hui de donner à fort une fonction distincte. »

Et d’ajouter (p. 1278) :

« Le partic. passé est invariable dans Elle s’est fait fort de, Ils se sont fait fort de. C’est une locution figée où fort aussi est invariable. »

Ne nous attardons pas sur l’avis que l’adjectif fort serait employé adverbialement. D’une part, si les adjectifs (comme fort) sont souvent utilisés comme adverbes (parler fort, etc.), cela ne saurait être le cas des substantifs accompagnés d’un article (comme l’écho). D’autre part, comme nous l’avons déjà mentionné, c’est le fait qu’il s’agirait d’une expression figée qui justifie l’invariabilité dans les deux cas selon les éditions Larousse.

Dans se faire l’écho de, l’écho garde son sens et sa valeur ordinaire et il est aisé de lui donner une fonction distincte : on le sent clairement comme un attribut (du sujet ou de l’objet). Le locuteur parvient à faire l’analyse grammaticale de la locution et à décomposer ses éléments constitutifs. Il existe d’ailleurs de très nombreuses expressions exactement parallèles où personne ne remet en question l’accord.

Aucune des raisons justifiant le figement de se faire fort de n’est donc présente dans se faire l’écho de.

Conclusion

Il apparaîtra à tous que je prends fait et cause pour l’accord. Mon objectif premier était de rendre accessibles à tous sur Internet les citations des grammairiens qui opinent en faveur de cet avis. C’est désormais chose faite.

Libre à vous, partisans de l’invariabilité, de rédiger une réfutation pour faire valoir vos arguments.

Guillaume Amateur éclairé Répondu le 14 janvier 2018

Bel esprit de synthèse…

le 14 janvier 2018.

Eh ben ! Depuis 2015 je n’ai pas changé. « Se faire » est un verbe attributif  et l’on doit accorder.
En trois ans, je suis juste devenu plus désabusé avec les positions académiques : capharnaüm et compagnie.
Comment enseigner une telle langue à de jeunes gens ou à des étrangers quand tant de sujets font encore débat ?

le 14 janvier 2018.

Joëlle, le sarcasme était-il vraiment nécessaire ? Peut-être le fait qu’il ne s’agit pas d’une synthèse, mais d’un traitement du sujet qui se veut exhaustif en rassemblant toutes les citations sur le sujet vous a-t-il échappé ?

Chambaron : pour enseigner, il faut tantôt faire des choix, tantôt se résoudre à mentionner les hésitations de l’usage. Discussion intéressante que, du reste, il ne me déplairait pas de poursuivre. Mon courriel est accessible sur mon profil, si le cœur vous en dit.

Guillaume Amateur éclairé Répondu le 14 janvier 2018

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