RE: Qu’en aurait pensé Prosper ?
Pour ceux qui viennent de participer (ou non) aux finales régionales des « Timbrés de l’orthographe », voici quelques questions directement inspirées de l’épreuve et de la dictée de Mérimée :
1. « Esclandre public » est-il un pléonasme condamnable ?
2. Effroi peut-il raisonnablement s’employer au pluriel ?
3. Comment accorderiez-vous les mots soulignés dans Les règles d’accord(s) et conjugaison(s) étudiées [ …] plus tôt.
4. La phrase Si votre belle-mère vous marche sur les brisées… vous semble-t-elle correctement construite ?
Sincère bravo à tous trois pour votre suivi sans faille(s) ! Vous sortîtes vos plus beaux tours et ce fut un plaisir…
Le texte officiel de la dictée étant maintenant dévoilé (la question 4 se réfère au QCM complémentaire), nous pouvons tous réfléchir à notre aise à l’insoutenable légèreté de la chose écrite, voire relire l’Ecclésiaste… Plus prosaïquement, sourions de ces moments un peu irréels qui nous replongent à chaque fois dans les siècles si chahutés de notre histoire linguistique.
Et demain, calendes d’avril, jour du poisson…
Bonjour Chambaron,
Vous évoquez les calendes… Voici comment certains journalistes les interprètent !
Le Monde (le journal) avait naguère évoqué le « cheval de Troyes » dans un papier très sérieux, et ce cheval était digne d’entrer à toute vapeur dans les anthologies de coquilles. Un titre récent du site Internet d’information économique E24! fait mieux encore. Il nous apprend que l’introduction en Bourse de Facebook « est reportée aux calandres grecques ». Que faut-il comprendre ? que cette introduction n’aura jamais lieu car il n’y a pas d’industrie automobile grecque ? Ou que ce site a été victime d’un programme malveillant appelé « cheval de Troie » dans le jargon informatique : dans ce cas, on peut même parler de « cheval destroy » (Didier Daeninckx) destiné à brouiller le message : ici, en l’occurrence, en remplaçant « calende » (terme relevant du calendrier) par « calandre » (qui relève de l’automobile).
Dans le calendrier romain, les calendes correspondaient au premier jour de chaque mois, celui de la nouvelle Lune, à l’époque où le calendrier romain n’était pas encore solaire (calendrier Julien) mais lunaire.
En revanche dans le calendrier grec, il n’y avait pas de calendes, donc remettre ou renvoyer aux calendes grecques, c’est choisir de réaliser une action à une date qui n’existe pas. En d’autres termes ne jamais la faire. Cette expression équivaut à« renvoyer à la Saint Glinglin ».
Et puisque j’y suis je vais continuer dans un autre domaine,
J’ai écrit : « Le Monde…» en fait j’aurais dû écrire : « Le Le Monde…»
De même on dit j’irai pour j’y irai.
Ce phénomène qui ressortit à la phonétique (et qui n’est pas sans ressemblance avec l’élision) et qui consiste à n’exprimer qu’une fois des sons ou des groupes de sons identiques (ou partiellement identiques) qui se suivent immédiatement, est appelée haplologie.
Dans la langue parlée il est courant de dire:
« Tout le monde la déteste… mais personne n’ose lui dire !»
Selon la norme, il aurait fallu écrire: «Personne n’ose le lui dire.» Mais ce pronom disparaît à l’oral et même souvent à l’écrit, comme dans notre exemple, par le phénomène susdit.
Par haplologie, certains pronoms disparaissent d’une manière formelle, sans que pourtant la signification dont ils sont porteurs soit absente de la communication, nous apprend le Bon Usage. Les pronoms le, la, les s’effacent donc souvent devant lui, leur. Et cela depuis fort longtemps. Nous faisons tous chaque jour de l’haplologie sans le savoir.
Deux exemples fréquents d’haplologie donnés par les grammaires sont «jusqu’à présent» pour «jusqu’à à présent» et «tragicomique» pour «tragico-comique».
Dans certaines constructions, on devrait avoir deux que successifs, l’un qui fait partie de la proposition, l’autre qui est soit un terme corrélatif soit le que accompagnant le sujet redondant et postposé dont ce tient la place devant le verbe, soit le que faisant partie de la locution négative ne…que. Par haplologie ces deux que se réduisent à un seul.
C’est aimable, ce que Lydie t’écrit là.
Je souffre trop d’avoir suivi vos mauvais conseils pour désirer autre chose QUE le Ciel juge bon de vous punir.(J. Green)
Je puis avoir des illusions. Je ne demanderais pas mieux QU’on m’en dépouille. (G. Bernanos)
Ref: Le bon usage – Grevisse.
Wouah ! quel commentaire recherché…
Mais rien de ce que vous dites ne m’était étranger. Avant-hier, le 31 mars, était bien la veille des calendes d’avril et l’haplologie – qui n’a rien à voir avec le sujet – m’a valu en d’autres lieux bien des escarmouches avec de zélés contradicteurs.
C’est le charme de ce site : un zeste de rationalité et trois grains d’ellébore…

czardas
Bonjour,
4-Aller, marcher sur les brisées de qqn. Entrer en concurrence, en rivalité avec quelqu’un, dans un domaine qui lui est propre.
Marcher sur les brisées de quelqu’un
L’expression désigne le fait d’empiéter sur le domaine de quelqu’un, avec l’idée que cela peut provoquer une certaine hostilité, en ce sens cette’expression est équivalente à : « Marcher sur les plates-bandes de quelqu’un.»
L’image – car c’en est une – vient directement de l’univers de la chasse. Les brisées sont des branches cassées disposées par les domestiques ou les chasseurs sur les traces de l’animal chassé, pour signaler le chemin pris par la bête.
Jean Bordes a donné la construction correcte.