RE: M’ont poussé ou me sont poussées ?
Bonjour !
Je suis tombée sur un os… « il me regarde comme si deux têtes m’étaient poussées ». J’ai tiqué en lisant ça, parce que j’aurais eu tendance à mettre « m’avaient poussé », mais à force de réfléchir à la question ça s’est emmêlé dans ma tête ! Qu’en pensez-vous ?
Si on quitte un peu la grammaire normative on peut essayer de comprendre pourquoi il est légitime d’hésiter entre comme si deux têtes m’étaient poussées et comme si deux têtes n’avaient poussé.
J’aurais choisi le premier énoncé.
L’emploi de l’un ou l’autre des auxiliaires n’est pas aussi systématique qu’on peut parfois le dire.
Ainsi on peut rencontrer :
– Selon que l’on veuille insister sur l’action ou sur le résultat : Il a passé devant chez moi – il est passé devant chez moi.
–> cette distinction tend à disparaître mais est encore active.
comme si deux têtes m’étaient poussées : l’action est finie
– La structure de l’énoncé : comme si deux têtes m’étaient poussées est construit comme comme si deux têtes m’étaient venues/sorties : me réfléchi + auxiliaire + participe passé—– la structure signifie : comme si deux têtes avaient poussé à moi
L’auxiliaire être est employé par analogie
Noter que comme si deux têtes m’avaient poussé change le sens : le pronom « me » de COI devient COD ! Il y a au moins ambiguïté.
Cette structure est rare. On peut citer : mes maux d’estomac me sont enfin passés, que l’on peut rencontrer

Bonjour Tara,
Je voudrais d’abord vous signaler mon désaccord sur votre interprétation du pronom m’. En aucun cas, le choix de l’auxiliaire n’influe sur son statut de COI : il n’est ni pronom réfléchi (le sujet n’est pas la même personne ) ni COD (ce n’est pas moi qui suis poussé). Deux têtes qui me poussent, ce sont bien deux têtes qui poussent « à moi » et non qui poussent « moi« .
Le seul argument éventuellement recevable est celui de la bivalence de certains verbes selon que l’on souhaite exprimer le déroulement ou le résultat. Il n’empêche que le dictionnaire de l’Académie française de manière constante depuis sa première édition ne connaît avec pousser même en emploi intransitif que l’auxiliaire avoir (les bleds ont poussé), et le TLFI ne mentionne pas non plus d’emploi de l’auxiliaire être. Je ne suis guère convaincu par les exemples de Chambaron, tous issus d’ouvrages d’agronomie. Ils commettent sans doute le même glissement analogique d’usage que celui « des deux têtes qui me sont poussées« .
Il faut peut-être considérer que l’usage est établi que l’on puisse aujourd’hui dire aussi bien une dent lui est poussée que une dent lui a poussé. La logique ne suffit cependant pas à considérer que cet usage était d’emblée normal. Ainsi on peut dire Des larmes lui ont jailli des yeux ou Des larmes lui sont jaillies des yeux, mais vous remarquerez que l’emploi de l’auxiliaire être pour jaillir est bien noté dans les premières éditions du dictionnaire de l’Académie. En revanche, on ne dit que : Des larmes lui ont ruisselé des yeux., jamais *Des larmes lui sont ruisselées des yeux. Pourtant, le même raisonnement aurait pu être appliqué.
Tara
Question très intéressante.