RE: J’ai « très » faim.
Bonjour,
« J’ai grand faim » et « j’ai grand soif »… de très jolies expressions, mais sont-elles encore réellement usitées en 2024 ?
Hormis de la part des puristes, nous entendons beaucoup plus souvent » J’ai très faim » ou « j’ai très soif » (Il y a d’autres manières d’exprimer cette faim ou cette soif intense, mais j’emploie ici l’adverbe très de manière volontaire).
Définition de l’Académie française :
« Beaucoup, au plus haut point ; il marque le superlatif absolu et ne s’emploie que devant un adjectif, un participe pris adjectivement ou un adverbe. Un homme très bon. Il est très connu. Très bien. Très fort. Très peu. Il a agi très sagement »
Logiquement, l’adverbe « très » ne doit donc pas être employé s’il précède un nom d’après la définition de l’Académie française.
Cependant, Le Robert ne semble plus être tout à fait en harmonie avec cet usage catégorique.
En effet, Le Robert indique et distingue : » familier très faim, littéraire grand-faim ».
Larousse indique quant à lui : » Très s’emploie aujourd’hui couramment dans certaines locutions verbales avec un nom sans article, comme : avoir faim, envie, besoin, mal, peur, sommeil : j’ai eu très peur ; cela m’a fait très plaisir ; il est très en retard. »
Bien que plus toute jeunette et appréciant l’expression « avoir grand faim », j’emploie plus volontiers aujourd’hui « j’ai très faim ».
La question que je me pose cependant est celle-ci.
Pensez-vous que cela serait relevé comme étant incorrect lors d’un examen ? (Certificat Voltaire et/ou Certificat Robert)
Merci d’avance pour vos retours.
Cocojade
Question intéressante et inédite ici (il me semble).
L’usage de très comme adjectif (et non seulement comme adverbe) est antérieur aux classifications et préconisations des grammairiens du XVIIe siècle, dont l’Académie française. En fin de message, on trouvera par exemple des attestations médiévales avec « très ami ».
L’Académie lui a fait la chasse mais avec un succès limité puisque toutes ces expressions que vous citez avec Larousse se sont maintenues à l’oral ou même parfois à l’écrit (exemple de ce très-envie en 1732). C’est donc finalement une forme d’archaïsme que l’on utilise et non une dérive familière moderne.
Le plus amusant est que les substituts proposés par l’Académie (grand faim, grand soif, etc.) sont eux-mêmes des archaïsmes dans lesquels l’adjectif grand ne s’accorde pas en genre.
NB À ma connaissance, cette difficulté ne fait pas partie des embuches des différentes certifications.
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Extrait du DMF (très) : …il ne semble pas que .I. homme puisse estre tres amy a pluseurs pour ce que il ne puet pas amer pluseurs. (ORESME, E.A., c.1370, 490). Et celui qui oeuvre selon entendement et qui met sa cure en entendement par speculacion, il semble estre tres bien disposé, et tres ami ou tres amé de Dieu. (ORESME, E.A., c.1370, 529). Joseph, tres amy chier… (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 124).
Tres amy-ami / Très ami n’est pas comparable à très faim (soif, sommeil, peur et les autres). Dans ce cas, ami – dépourvu de déterminant et en fonction d’attribut – est quasi-adjectival, ce que précise d’ailleurs la notice du DMF 
et ce qu’on retrouve à l’entrée ami du Tlfi.
Cet emploi n’est ni critiqué ni donné familier, contrairement à celui où très est associé à une locution verbale.
Dès lors votre conclusion : C’est donc finalement une forme d’archaïsme que l’on utilise et non une dérive familière moderne me parait – pour l’heure, du moins – un peu hâtive.
(Quant à très, il ne devient pas adjectif, mais reste bien évidemment adverbe, même dans ce cas atypique.)
Bonjour Marcel 🙂
Cela m’allait pourtant parfaitement « C’est donc finalement une forme d’archaïsme que l’on utilise et non une dérive familière moderne «
@Cocojade : ne vous inquiétez pas, cet individu, si vous ne l’avez pas encore remarqué, a l’art de semer le doute et la confusion sur le dos des autres. Vous n’aurez jamais rien de clair ni de positif de sa part.
Bonjour Cocojade, bonjour Chambaron, 🙂
La formule est sans doute séduisante, mais manifestement elle est infondée.
Cela dit, si elle vous plait, faites-la vôtre. 🙂
