RE: COD ou Complément circonstanciel de mesure/quantité ?
Bonjour,
Je ne comprends pas l’accord du participe passé suivant :
Les 3 kilos de carottes que j’ai pesés m’ont paru lourds.
Les différents accords de la phrase indiquent bien que l’on parle des 3 kilos et non pas des carottes à proprement parler.
En ce sens, si « les 3 kilos » est considéré COD, étant placé avant le verbe, l’accord du PP me semblerait effectivement correct.
Mais … « Les 3 kilos » indiquent clairement une quantité/mesure précise, et le verbe peser n’est pas ici employé au sens figuré
Dans ce cas, « les 3 kilos » n’est-il pas plutôt à considérer comme complément circonstanciel de quantité/mesure ?
Et, si oui, pourquoi l’accord ne se fait-il pas selon la règle (et l’exemple) ci-dessous, s’il vous plaît ?
Merci d’avance
Les participes passés « coûté, valu, pesé, marché, couru, vécu, dormi, régné, duré… » sont invariables avec un complément circonstanciel de mesure. Le complément circonstanciel n’est pas l’objet direct. Il ne répond pas aux questions « quoi ? » ou « qui ? » mais à la question « combien?« .
Les six mille francs que ce buffet m’a coûté.
Ce buffet a coûté combien? oui
Ce buffet a coûté quoi ? non
Pour déterminer si ce qui suit le verbe est un complément circonstanciel ou essentiel (de mesure) ou un complément d’objet, il faut vraiment oublier (au moins un temps) la notion (sémantique) de mesure et s’intéresser uniquement à la construction du verbe. Prenons donc le verbe peser dans deux constructions différentes :
J’ai pesé trois kilos de carottes (et ça m’a paru lourd).
Chaque carotte pèse environ 100 grammes (et ça me parait lourd).
Dans le premier cas, peser est transitif direct : quelqu’un pèse quelque chose = il y a un agent (ici je) qui effectue l’action de peser obligatoirement quelque chose = le patient (ici les carottes, qui sont dans une quantité de 3 kilos). On voit donc bien que ce procès exige deux actants : celui qui pèse et ce qui est pesé.
Les trois kilos font office de déterminant, comme on dirait J’ai pesé des / quelques / une / la / cinq / trois kilos de carotte(s) (et ça m’a paru lourd).
Dans le deuxième cas, peser est intransitif : quelqu’un/quelque chose n’est pas en train d’effectuer l’action de peser autre chose. Ici, ce qu’indique le verbe, c’est une caractéristique du sujet (en fait, on est à la limite d’une construction attributive). On voit bien que ce procès exige un seul actant : celui dont on indique le poids.
Bonjour Marcel1,
J’ai eu un peu de mal à comprendre, mais je crois avoir retenu.
Cas1 : GN = Une chose + son poids (déterminant de la chose) + une action réalisée par un autre intervenant, celui qui pèse la chose (ici GN incluant le déterminant à savoir le poids)
Auquel cas la chose + son poids déterminant) n’est pas un CCM mais le COD de l’action de l’intervenant (et l’accord se fait en ce sens, avec « l’ensemble » du GN. De fait, si la question porte sur « l’ensemble » du groupe nominal, elle se traduit par quoi et non pas par combien.
Le groupe nominal est genré masculin pluriel « LES TROIS KILOS de carottes »
Donc : les trois kilos de carottes que j’ai pesés
Un autre exemple serait donc: La cinquantaine de carottes que j’ai pesée (cela me fait tout de même un peu étrange que l’accord ne se fasse pas avec carottes)
Cas 2 -il est relaté le poids lié à une chose sans l’intervention (action) d’une tierce personne sur celle-ci (et effectivement, cela ressemble franchement à une construction attributive)
Les 3 kilos (Complément circonstanciel de mesure) que ces carottes ont pesé
Ai-je compris s’il vous plaît Marcel ?
re…
Il y a un élément qui me gêne Marcel1
Lorsque nous faisons l’accord du PP avec le groupe nominal COD, ne le fait-on pas avec le genre/nombre du… substantif ?
Bonjour Cocojade,
Pour votre premier commentaire, oui, c’est bien ça. Cependant, dans ce cas, les choses sont assez simples, puisqu’on a deux entités concrètes bien différenciées : celui qui fait l’action de peser (= l’agent), et la chose qui est pesée (= le patient). Il est des cas où les choses sont plus subtiles. Ainsi dans :Le gréviste de la faim a perdu 15 kilos
on n’a pas deux entités concrètes bien distinctes. On a une entité concrète (le gréviste – qui n’est pas agent) et une valeur abstraite qui caractérise le sujet (qui n’est pas patient = les kilos perdus par le gréviste), on est donc très proche de peser intransitif. Pourtant dans le cas présent, 15 kilos est COD et non CM. Pourquoi, à votre avis ?
Pour votre second commentaire, l’accord du participe passé peut se faire aussi bien avec kilos qu’avec carottes.
Bonjour Marcel1,
Honnêtement, je ne suis pas assez calée pour répondre à votre question. Je ne peux qu’extrapoler.
Peut-être que 15 kilos est COD par ce que la phrase peut être mise à la voie passive ? (ce qui n’est pas possible avec les verbes intransitifs)15 kilos ont été perdus par le gréviste de la faim
Que 15 kilos devient donc ici sujet ? Que ce sujet est donc à considérer comme un GN dans son ensemble (cela aurait pu être 15 ou 20 ou 30 kilos ç’eut été idem) et donc non pas en CM ?
Peut-être encore parce qu’ici il n’y a pas d’agent ? (Juste un « subissant » à savoir le gréviste… Qui ne fait donc pas une action)
J’espère que vous allez me donner réponse à votre colle 😉
À mon avis, le recours aux manipulations (n’est pas forcément utile et) ne devrait venir qu’après avoir passé l’étape de la construction du verbe. D’ailleurs, certaines manipulations ne sont pas déterminantes, précisément la mise au passif de notre cas me semble à la limite de l’acceptabilité. En tout cas sous cette forme 15 kilos ont été perdus pas le gréviste de la faim. Ça passe peut-être mieux sans l’expression de l’agent : Ces 15 kilos ont été perdus rapidement. Et que dire de cette passivation d’un verbe sans conteste transitif ?
La clé qui est dans l’armoire de l’entrée ouvre la porte du garage > ??? La porte du garage est ouverte par la clé qui est dans l’armoire de l’entrée.
Et a contrario, que dire de la passivation avec ce complément de mesure, qui me parait au moins aussi acceptable que nos kilos perdus par le gréviste de la faim, sinon plus ?
30 kilomètres ont été courus par le joggeur / Ces 30 kilomètres ont été courus rapidement.
Et donc, si on s’intéresse aux constructions des verbes peser et perdre, on constate que le verbe peser comprend dans son sens la notion de poids (peser = avoir pour poids), alors que le verbe perdre, pour acquérir ce sens doit obligatoirement être complété par un complément (construit directement, donc COD) : on perd du poids, dans la formulation perdre X kilos, en fait, le noyau est sous-entendu, et seul le déterminant est exprimé :
perdre 15 kilos = perdre 15 kilos [de poids], et on retrouve la même construction qu’avec nos carottes précédemment pesées, mais pour lesquelles le noyau ne peut être sous-entendu : peser 15 kilos de carottes.
Et (re) donc, alors que ce qui suit le verbe perdre, c’est le quantifieur + le complément d’objet direct sous-entendu, ce qui suit le verbe peser, c’est juste le quantifieur. Il est obligatoire, puisque toute chose possédant un poids, ça n’aurait guère de sens (pragmatiquement) de dire seulement X pèse, ça n’a de sens que si on précise la quantité de poids que X pèse (ou qu’on en donne une évaluation qualitative : peser lourd, par exemple).
