Un arbre sans feuille
Bonjour,
J’ai appris à l’école qu’il fallait dire un ‘un arbre sans feuille’ car il n’y a pas de feuille, mais ChatGPT me soutient qu’il faut dire ‘un arbre sans feuilles’ car il faut ‘vérifier le résultat attendu’. N’ayant que modérément confiance en ses lumières, je m’en remets à vous. Un arbre sans aucune feuille. Un arbre dénué de toute feuille. Autre exemple. Une vendeuse sans client. Ici, on ne sait pas si ‘l’objet attendu’ est singulier ou pluriel.
Merci.
La règle est très bien expliquée ici.
La question à se poser est : s’il y en avait, y en aurait-il une ou plusieurs ? Ici, il n’y a pas de doute possible : s’il est feuillu, un arbre a forcément plusieurs feuilles, et une vendeuse n’a pas qu’un seul client (sauf contexte très spécifique). Donc : un arbre sans feuilles, une vendeuse sans clients. Mais : une histoire sans fin, un voyageur sans passeport, etc.
Nous avons dû avoir le même professeur car on m’a aussi enseigné (il y a un demi-siècle) de ne mettre un pluriel que lorsqu’il est strictement nécessité par le sens ou la grammaire (noms ne s’employant qu’au pluriel ou ayant un sens différent au pluriel). C’est d’ailleurs ce que dit le billet du Projet Voltaire qui l’oublie ensuite pour développer un autre principe, celui du « résultat attendu ». Cette dernière convention (récente) n’est hélas pas pertinente comme en attestent toutes les questions et réponses sur ce site : dans une immense majorité des cas, elle ne permet pas de lever le doute, sème la confusion et on finit immanquablement par « à vous de choisir ».
Ce principe est confirmé par la linguistique : ce sont les déterminants, et particulièrement les articles, qui marquent le nombre (singulier-pluriel) et le genre (masculin-féminin). Faute de les entendre (ou même si cela s’entend d’ailleurs), c’est le cas de base qui reste en place par défaut. Le pluriel et le féminin se marquent spécifiquement et uniquement si cela a un intérêt : Un arbre sans feuille (= sans une feuille, sans aucune feuille) mais un arbre sans ses feuilles, sans les feuilles.
Les deux solutions étant néanmoins acceptées par les ouvrages de grammaire, vous ne risquez rien à mettre un pluriel superflu mais vous pouvez vous éviter des migraines devant les nombreux cas de figure litigieux en appliquant un principe mieux raisonné.
L’argument du pluriel qui ne s’entend pas est tout de même très faible. Si dans Un monde sans animaux, on met animal au pluriel, ce n’est pas parce que le pluriel est audible, mais parce que le sens requiert un pluriel.
Donc soutenir que bien qu’on mette le pluriel dans Un monde sans animaux, on ne le mettrait pas dans Un monde sans hommes sous prétexte que « faute [d’]entendre [le pluriel], c’est le cas de base [i.e. le singulier] qui reste en place par défaut »* n’est pas recevable.
Alors évidemment, quand le pluriel n’est pas audible, les occurrences au singulier existent (même si elles restent minoritaires par rapport au pluriel), alors qu’elles sont très logiquement absentes lorsqu’il est audible.
* Le « (ou même si cela s’entend d’ailleurs) » a été rajouté après ma réponse ; donc Un monde sans animal ? Un visage sans œil ?
Merci pour vos réponses.
En effet, un visage sans yeux semble plus heureux qu’un visage sans œil, je l’avoue ! Quant à l’arbre sans feuilles, le pluriel me paraît plus harmonieux mais je me demandais si cette règle que j’avais apprise avait encore une valeur. Donc si je comprend bien, on ne marquera pas le féminin ou le pluriel sauf si le sens le justifie. Ma pauvre vendeuse restera donc sans client, et oui c’est ça de vivre dans un petit village de campagne!
Merci.

Sage décision. Personne ne pose de question sur l’accord lorsqu’il est évident. Le souci vient des cas bien plus nombreux où il n’y a pas de repère clair. Sinon les gens ne perdraient pas leur temps à poser la question sur ce site.

« On ne marquera pas […] le pluriel sauf si le sens le justifie », la formulation me semble peu heureuse, néanmoins, appliquons-la : dans Une vendeuse sans clients, le sens justifie le pluriel puisqu’on dit d’un magasin (d’une vendeuse) qu’il a des clients, et non un client. La forme Une vendeuse sans un client est marquée (en l’espèce par l’insistance) par rapport à la forme neutre Une vendeuse sans [des] clients. La forme Une vendeuse sans client n’est pas conforme à la logique.
Pour reprendre le cas de la tête, selon le sens, le singulier ou le pluriel s’impose, et en l’espèce, c’est le pluriel qui est le plus fréquent :
Une tête sans cheveux, sans sourcils, sans orbites, sans paupières, sans cils, sans yeux, sans nez, sans narines, sans bouche, sans lèvres, sans oreilles, sans cheveux, sans joues, sans pommettes, sans menton.
Et on voit que dans le cas où la chose est unique, la forme insistante n’est plus recevable :
Une tête sans un cheveu, sans une bouche, sans un nez, etc.
Je l’appliquerai désormais comme il se doit, grâce vous soit rendue.