Se réveiller (grammaire)
(Question juste en-dessous.)
Vous pourriez m’expliquer ce qu’est un « anticausatif » et ce que ça change sur les fonctions. J’admets demander ça en toute flemme de me reperdre sur des articles à la nomenclature bien compliquée et qui n’ont pas été rédigées pour que, moi, je les lise… La plupart de ces revues ne prennent pas le temps d’expliquer tous ces termes, comme si c’était évident (probablement que ça l’est pour ses lecteurs et leur quadruple doctorat en français, mais pas pour moi justement.)
Si le déplacement d’ « agacé » est étrange, en quoi est-il essentiel dans la construction ? Si on le retire on perd en précision, mais le sens n’est pas vraiment modifié ? Oui on ne sait pas l’état dans lequel je me réveille, mais on sait que je suis réveillé.
Anticausatif
Commençons par définir ce qu’est un verbe causatif.
C’est un verbe où quelqu’un (l’agent) provoque un changement d’état ou une action chez quelqu’un/qq chose d’autre (le patient).
Promener est un verbe causatif : Il promène son chien > Il fait que son chien sort + se déplace.
Réveiller est un verbe causatif : Il réveille son chien > Il fait que son chien sort du sommeil.
Se promener est un verbe autocausatif, puisque dans Il se promène, il est la cause intentionnelle de sa promenade.
Se réveiller est un verbe anticausatif, puisque dans Il se réveille, il est la cause non intentionnelle de son réveil.
Attribut
Si un attribut n’est pas supprimable, c’est bien sûr pour une question de sens, mais aussi (et surtout) pour une question de valence : les verbes attributifs construisent obligatoirement un complément (dont la fonction est attribut).
Si vous prêtez bien attention à la valence de se réveiller, vous constatez qu’hors les cas où il est progressif (Laisse-le tranquille, il se réveille = Il est en train de se réveiller) ou résultatif (ça y est !, il s’est réveillé ≃ il est réveillé), ce verbe demande un complément. Si je dis : Je me suis réveillé, c’est bancal ; si je dis, Je me suis réveillé à 7 heures / de bonne humeur / par terre / en sursaut / en nage / d’un coup / difficilement, etc., c’est complet.
On pourrait toutefois avoir une épithète détachée, avec un sens différent de l’adjectif attribut (avec agacé, j’ai du mal, mais je me fourvoie possiblement) :
Frigorifié, je me réveille > Je me réveille parce que je suis frigorifié > Le froid me réveille.
? Agacé, je me réveille > ?Je me réveille parce que je suis agacé > L’agacement me réveille. (Pourquoi pas ?)
Merci pour les explications !
Toujours un plaisir de vous lire.
En revanche, je ne comprends pas l’analyse proposée dans la préparation au Certificat Voltaire. Va savoir comment « se réveiller » est réfléchi. Marie réveille Marie ? Son « âme » sort de son corps et envoie une grosse baffe à son enveloppe corporel sur sa propre décision ? Comme on le fait tous évidemment. lol
Le problème c’est que tous les compléments que vous proposez à « Je me suis réveillé » me semblent être des fonctions secondaires (CC) : ils apportent une information, une précision, un endroit, une heure, un état mais ils ne sont pas essentiels. « Je me suis réveillé » est en soi d’ores et déjà complet. Tu t’es réveillé ? Oui, je me suis réveillé. Pouf.
Je me suis réveillé en nage = Je me suis réveillé et je suis en nage. Donc en nage attribut du sujet bam on en parle plus.
Sauf que je peux totalement retirer cette information sans perdre en sens. Tout ceci me fait grimacer.
C’est toujours un plaisir d’apporter des réponses à une personne que l’on sent vraiment intéressée et motivée ! 🙂
Ou, si Marie est d’humeur plus clémente, elle décroche sa bouche pour aller la coller à l’une de ses oreilles pour s’y susurrer des mots doux Allez ! ma poulette, c’est l’heure de te réveiller, il est temps, tu as fait un gros dodo…
« Je me suis réveillé » est en soi d’ores et déjà complet. Tu t’es réveillé ? Oui, je me suis réveillé.
En toute honnêteté, diriez-vous vraiment cela ? Je ne pense pas, vous diriez plutôt :
Tu es réveillé ? Oui, je suis réveillé / Oui, je le suis.
Et avec la forme pronominale :
Tu t’es réveillé à quelle heure ? Tu t’es réveillé il y a longtemps ? Tu t’es réveillé de mauvais poil, on dirait ! etc.
Bref, ce verbe exige un complément (aux exceptions près que j’ai précédemment indiquées).
Cependant, admettons que ce ne soit pas le cas, que faire de cet attribut supprimable ? Je propose une réponse peut-être un peu facile, tout à fait ad hoc : l’attribut n’est pas supprimable dans les constructions à verbes essentiellement attributifs, mais avec des verbes occasionnellement attributifs il peut l’être. Exemple :
Il est parti agacé.
Agacé est incontestablement ici attribut du sujet, pourtant partir peut se construire sans complément obligatoire.
(Vous noterez cependant que partir s’emploie absolument uniquement quand il est progressif ou résultatif, sinon il est complémenté ; exactement comme pour se réveiller.)
Cependant, admettons que ce ne soit pas le cas, que faire de cet attribut supprimable ? Je propose une réponse peut-être un peu facile, tout à fait ad hoc : l’attribut n’est pas supprimable dans les constructions à verbes essentiellement attributifs, mais avec des verbes occasionnellement attributifs il peut l’être. Exemple :
Il est parti agacé.
Je comprends mieux. Sans votre commentaire au-dessus, j’étais reparti pour le même monologue : « Il est parti agacé ? Eh bien, je peux retirer agacé ! »
Il faudra que je prenne un peu de temps pour revoir les attributs du sujet et ces cas-ci.
Ahah sacrée Marie, évitons de la confier au Projet Voltaire sinon il risquerait de nous la tuer !
« Marie, agrippe-toi à la bouée ! Non pas toi-même ! La bouée ! Idiote ! »
Ah ah ah !!
Pas peu fier de ma boutade : on a pas fini de rigoler avec Marie.
Ahah
Pour les raisons que vous exposez, se réveiller est bien un verbe pronominal autonome (avec l’idée d’avoir un sens autonome du sens transitif ou réfléchi).*
Pour l’adjectif ou participe qui suit, c’est selon moi un attribut du sujet. On dirait de la même manière je me sens fatigué ou je suis épuisé avec des verbes attributifs bien connus Je ne vois pas trop l’intérêt d’aller chercher des complications ailleurs…
* PS On ne peut selon moi qualifier de sens identiques celui de retrouver un état de conscience (passif) et celui d’exercer une action pour réveiller quelqu’un (actif). On passe du premier au second avec le verbe faire (factitif) : Je me fais réveiller par quelqu’un. De la même manière, on ne peut classer Je m’endors facilement (passif) comme je m’endors à coups de somnifères (réfléchi).
Je ne vois pas trop l’intérêt d’aller chercher des complications ailleurs…
Nous sommes d’accord Chambaron. Je le fais pour l’aspect du jeu. Évidemment que ceci est totalement inutile : il n’y a pas besoin d’aller aussi loin pour savoir écrire correctement. Mais étant toujours étudiant, j’aimerais aller aussi loin que je le peux dans les connaissances et la compréhension avec l’aide que je peux trouver.
Je suis prêt à défendre que « Je me sens fatigué » est constitué d’un C.O.D et d’un attribut du C.O.D !
Sentir n’est pas à prendre dans son sens olfactive (je sens sa puissance, par exemple) : Marie se sent fatiguée -> Marie sent Marie fatiguée. C’est bien elle qui se sent elle-même dans cet état de fatigue. Fatigué ne peut se raccrocher au sujet -> Marie le sent fatigué.
Et si j’ai tort, qu’on vienne me corriger : je suis là pour ça ahah.
@Pseudo, Je partage votre analyse.
Il n’y a pas de mise en cause de votre question . Mais il y a déjà suffisamment de complexités « naturelles » dans la langue pour ne pas en ajouter lorsque les réponses simples suffisent…
Tant qu’il y a du sens, je tente de comprendre — même si ça revient à compliquer le tout.
Et au pire, ça me permettra dans 10 ans de dire pourquoi telle ou telle chose est absolument stupide, mais il faut d’abord que je comprenne, et que je comprenne bien : il y a encore de la route à faire.
Si une partie de grammaire ressemblait à « J’avance de deux pas, je fais trois au dé, ma souris mange ton chat, je prends 500 euros à la banque, UNO : j’ai gagné » je serais le premier à quitter la table.
(Bon, c’est pas loin d’être ça sur certains cas ahah.)


Max
Bonjour on bonsoir,
J’ai un souci de compréhension.
« Je me réveille agacé. »
J’analyse ce dernier comme ceci :
Je : sujet
me réveiller : verbe pronominal autonome (Je ne peut réveiller lui-même, il ne peut être réveillé que par quelque chose ou quelqu’un. On peut réveiller quelqu’un, mais dire « je me réveille » a un autre sens : sortir d’un état de sommeil / de torpeur de manière involontaire. Il ne me semble ni être antipassif ou autocausatif, je pense donc qu’il s’agit logiquement d’un verbe pronominal autonome à cause du sens légèrement différent de sa forme non pronominalisée.)
agacé : épithète détachée
Un attribut du sujet ne peut être retiré sans rendre la phrase totalement incompréhensible ou en changeant totalement son sens. Il est également impossible de le déplacer. Pourtant, « Énervé, je me réveille » / « Je me réveille ».
On peut mouvoir l’adjectif et le supprimer. On perd en précision, mais non pas en sens il me semble. Je suis donc tenté de dire que « agacé » est un épithète détachée qualifiant le pronom sujet « Je » sans pour autant être indispensable.
Le problème, c’est que j’ai vu dans un exemple très similaire que « agacé » (ou autre adjectif) était classé comme un attribut du sujet — ce qui m’échappe. Quelle analyse vous dit qu’il s’agit d’un attribut du sujet et non d’un épithète détachée ?
Merci.
Max
(*une épithète et non un)
Max
(*me réveille : verbe […])