pourquoi certains participes présents ne donnent pas des adjectifs verbaux
Bonjour,
Il m’arrive d’utiliser (d’inventer ?) un adjectif verbal, mais si je l’accorde au féminin, Word me le souligne en rouge. Ex. : Le désespoir infini, l’angoisse submergeante.
Mais pourquoi cette interdiction ?
Je vous remercie de vos lumières.
Ce n’est pas affaire « d’interdiction » mais d’usage. En mille ans de langue française, on a vu passer de nombreuses formes qui ont eu des succès divers et les dictionnaires ne font qu’enregistrer au mieux ce qui se dit ou s’écrit à un moment donné.
Dans la même famille, émergent a prospéré mais immergent et submergent n’ont pas vécu. Mystère de la langue…
Il arrive que certains mots ne peuvent pas dériver d’autres mots, pourtant de la même famille. Vous avez dû remarquer certaines irrégularités dans la langue française, mais aussi dans d’autres langues.
L’angoisse qui me submerge, l’angoisse qui m’accable en me submergeant,
Selon le CNRTL, Submergeant, -ante, part. prés. en empl. adj.[Corresp. à supra B] Envahissant, dominant. Cette marée submergeante des mots (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921, p. 158).Une odeur submergeante, chavirante, qui vous avait cerné peu à peu, et que l’on avait d’abord flairée distraitement (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 141)..
Il est vrai que certains participes présents n’ont pas donné d’adjectifs verbaux reconnus par les autorités compétentes.
Pour certains verbes, leurs participes présents ne peuvent donner d’adjectifs ; c’est le cas par exemple, de faire> faisante, poser> posante, mettre > mettante, coudre> cousante, exprimer> exprimantes. C’est le sens qui interdit au verbe de donner un adjectif.
L’adjectif verbal est un participe présent employé comme adjectif qualificatif : un sujet brûlant ; une histoire plaisante ; des remarques cinglantes
L’adjectif qualificatif exprime une qualité de l’être ou de l’objet nommé.
Ce n’est pas le cas des formes ci-dessus.
Lorsque c’est possible, l’usage opère aussi une sélection ; mais on peut considérer l’ensemble des verbes qui pourraient avoir un participe présent employé comme adjectif mais qu’on ne trouve pas comme tels dans les dictionnaires, comme un des champs des possibles qui existent dans toute langue vivante. Le cas échéant, un locuteur de la langue française peut faire preuve d’audace et créer un néologisme, pourquoi pas ?

La différence entre participe présent, adjectifs verbal et qualificatif a été artificiellement introduite puis développée par l’Académie sans que rien ne l’y obligeât linguistiquement. Nombreuses sont d’ailleurs les locutions d’avant cette époque : toutes affaires cessantes, séance tenante, à mon corps défendant, partie prenante, chemin faisant, ce faisant, tambour battant, etc.
La nuance de sens a l’épaisseur d’un papier à cigarette mais les inconvénients ont proliféré : introduction d’un u aberrant phonétiquement (fatiguant-fatigant), altération du radical (communicant-communiquant), désinence aléatoire (engageant mais divergent), souci d’accord (ayant droit), confusion avec le substantif (résident et résidant) et finalement attribution d’un statut lexical particulier et inscription arbitraire dans un dictionnaire alors que tout verbe engendre naturellement ses dérivés participiaux. Que les gens s’en servent ou non est une autre affaire. A-t-on ainsi inutilement distingué dans des entrées séparées des centaines de participes passés ?
Comme l’ont suggéré de nombreux linguistes, revenir à la situation d’avant le XVIIe siècle serait une rationalisation bienvenue pour le français.
Bonjour, Joëlle,
Cela fait très longtemps que je ne vais plus sur Question orthographe.
Quel plaisir d’avoir une réponse éclairée de votre part.
Je note surtout ce que dit le CNRTL, outil auquel je n’aurais pas pensé.
Je vous remercie.
Avec plaisir !