L’adjectif « rose » s’accorde. Pourquoi ?
Bonjour,
L’adjectif « rose » s’accorde au pluriel avec le nom qu’il accompagne alors qu’il s’agit d’un nom (de fleur) à l’origine.
Pourquoi est-il une exception ? En connaissez-vous la raison ?
Merci
Laurence
S’agit-il vraiment d’une « exception » ?
Il y a en fait une cinquantaine d’adjectifs de couleur qui s’accordent régulièrement dont ceux qui sont présumés être des exceptions parce qu’on y reconnaitrait encore le nom d’un objet. Mais il ne sont historiquement qu’inspirés par ledit objet et ne définissent pas une nuance stable. Il s’agit plutôt d’une gamme de teintes. On sent bien la nuance entre incarnat (large donc variable) et chair (censé être précis donc invariable) qui viennent pourtant de la même racine. On peut aussi citer violette, à la fois féminin accordable de violet et invariable comme nom de fleur. Il ne complètent d’ailleurs que rarement une couleur de base à la différence des substantifs.
Le cas de rose est plus complexe parce qu’on pense que la couleur vient directement de la fleur. C’est une déformation moderne car pour l’essentiel les fleurs de ce nom dans l’histoire étaient de couleur vive (surtout blanches, jaunes ou rouges), rarement « roses » qui est longtemps resté une teinte ambigüe et mal perçue. Le choix de ce mot s’est donc fait sans référence directe à la fleur mais a désigné une teinte générique facilement identifiable qui n’avait pas de nom. Au Moyen Âge, cela était encore peu courant, la Renaissance l’a amplifié et l’Académie a ensuite confirmé cet usage.
À noter que certaines langues font la distinction : en allemand, la fleur (die Rose) est différente de la couleur (rosa) et l’anglais utilise pink, mot du XVIIIe siècle qui avait remplacé incarnation, lui-même apparu seulement au XIVe siècle avec ce sens.
NB Ces remarques sont tirées d’un ouvrage sur l’histoire des couleurs que j’ai lu il y a fort longtemps mais dont je n’ai plus immédiatement les références.

Merci beaucoup. très intéressant.

C’est en effet un sujet plein de surprises. L’autre cas typique est fauve, mot germanique (racine *falwaz, pâle, tacheté), adopté et adapté en français au Moyen Âge via la faucon nerie pour qualifier le plumage des rapaces. On le retrouve dans fauvette, gerfaut, falot et sans doute dans faucon. Tout cela a précédé de beaucoup les « fauves » de la savane africaine.
Quand les noms communs, employés comme adjectifs de couleur sont invariables. Ils ne prennent pas de «s» à la fin. Ainsi, on écrit «des châtaignes marron», «des feuilles orange». «On peut en effet considérer ces formes comme des ellipses», explique l’Académie française dans sa rubrique «Questions de langue». En effet, on peut dire «des châtaignes (de la couleur du) marron» ou «des feuilles (de la couleur de l’) orange».
Cependant, il existe des exceptions à cette règle: «rose», «mauve», «pourpre» et «écarlate», qui prennent un «s» au pluriel. Ils s’accordent avec le nom qualifié et deviennent ainsi de vrais adjectifs. De même, «fauve» et «incarnat», qui sont d’abord des adjectifs, sont aussi variables. On écrit donc: «des fauteuils pourpres» ou «des fleurs mauves».
Pourquoi les exceptions ? Existe-t-il une raison ? L’Académie française ne le précise pas, mais ce n’est pas la seule irrégularité en matière orthographique de notre belle langue.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me répondre.
Laurence