Il a raison : fonction grammaticale de « raison » ?
Bonjour,
je me questionne sur la fonction grammaticale de « raison » dans « il a raison ».
Je sais que dans « il a peur » ou encore « il a froid » certains analysent « peur » et « froid » comme des attributs du sujet ou comme une locution verbale qu’on ne peut dissocier du verbe. Mais dans « il a raison » ? Je me sens embêté par ce « raison ».
Merci.
C’est une locution verbale dont on ne peut séparer les termes ni les analyser (ni COD ni attribut).
C’est comme avoir peur ou avoir faim.
Désolée de vous donner une réponse qui apparemment ne vous satisfera pas. Mais on n’y peut rien : « avoir raison » est une locution verbale.
On peut toujours essayer d’analyser « raison », mais cela n’a pas beaucoup d’intérêt. Dire qu’il s’agit d’un attribut c’est s’en référer uniquement au sens et oublier la construction grammaticale, ce qu’il faut éviter de faire.
Si on cherche un antonyme à « avoir raison« on trouve une autre locution : « avoir tort et un verbe : « se tromper » ce qui montre que la locution a la même fonction qu’un verbe : c’est une locution verbale.
Le TLF pour le verbe avoir : II Verbe copule de locutions verbales. Le verbe avoir représente l’élément verbal d’une locution exprimant une manière d’être momentanée, occasionnelle ou permanente.
La recherche de la fonction est en effet un peu artificielle dans ces locutions verbales mais on a bien affaire à une sorte d’attribut archaïque, le verbe avoir s’étant substitué en ancien français à être (vrai, raisonnable). Le latin n’avait pas de forme similaire.
Pour la même idée, l’anglais emploie d’ailleurs toujours le verbe être (he is right, hungry, afraid, etc.) ou un verbe attributif (I feel cold).
En effet, en anglais.
On a en français : il est dans le vrai et là on pourrait dire que « vrai » est attribut, mais ne pourrait-on pas dire aussi qu’il est complément de lieu ?
Il est affamé : ici : on a un vrai attribut ; mais il a faim peut être entendu comme : il connaît la faim.
Il a mal : il ressent de la douleur.
Je remarque qu’en fait, le français a le choix entre il est affamé et il a faim et entre il a mal et il souffre
Si nous nous en tenons à ce qu’exprime ou entend le locuteur contemporain, ne peut-on pas voir une trace de la notion d’attribution que porte le verbe « avoir ».
Il a mal – il a mal à la tête – il a récolté un mal de tête
il a faim ! il avait perdu l’appétit
Il a sommeil – il a perdu le sommeil
Je ne fais là que réfléchir en même temps que j’écris. Qu’en pensez-vous Chambaron ?E st-ce qu’il vous semble que je raisonne faux ?
Il faudrait une étude linguistique sérieuse (que je n’ai pas) pour observer l’apparition de ces formes avec avoir en ancien français. Cela semble s’être situé entre le XIe (puisque non transmis à l’anglo-normand) et le XIVe siècle (exemples courants en moyen français). On trouve encore « être en faim » en 1359.
De nos jours, on ne peut que constater des traces éparses (j’ai mal = je suis mal, avoir peine à = être en peine de) mais avoir+nom s’est définitivement fondu dans la langue commune.
Si on veut faire simple, on traite tous ces syntagmes de la même façon : ce sont des locutions verbales dont l’élément nominal n’est pas analysable.
Si on veut subtiliser l’analyse, on constatera – pour reprendre vos deux exemples – que malgré l’identité formelle (verbe avoir + substantif sans déterminant) avoir peur et avoir froid ne se comportent pas de la même façon et ne sont donc pas identiques. En effet, peur est moins lié au verbe que froid, puisque qu’on peut dire la peur que j’ai eue, avec peur = COD de avoir et donc accord du participe passé, puisque ce COD est placé avant l’auxiliaire, alors qu’on ne peut pas dire le froid que j’ai eu.
Ainsi, avoir froid sera considéré comme une locution verbale (> c’est l’ensemble verbe + nom qui prédique) dont les éléments font bloc et ne sont pas analysables, alors que avoir peur sera considéré comme une locution à verbe support (> c’est uniquement le substantif qui prédique, le verbe n’est là que comme support des marques de la personne et du temps) dont les éléments sont analysables.
Le fait que peur est prédicat, alors que froid ne l’est pas se révèle dans la possibilité pour le premier de former un groupe nominal, ce qui n ‘est pas le cas pour le second :
X / Il a eu tellement peur que ça l’a tétanisé > La peur de X / Sa peur l’a tétanisé.
X / Il a eu tellement froid que ça l’a tétanisé > Le froid de X / Son froid l’a tétanisé.
Si vous appliquez ces deux tests à avoir raison, vous constaterez qu’il s’agit d’une locution verbale :
Il a eu raison et cela lui a permis de remporter le concours.
La raison qu’il a eue lui a permis de remporter le concours.
Sa raison lui a permis de remporter le concours.
