RE: Passer et participe passé

« Jamais il n’oubliera les deux années qu’il a passé à la caserne. »

Et pourquoi pas « passées » ? Qu’est-ce qu’il a passé ? Deux années. Donc ça devrait être ées. Alors pourquoi ne s’accorde-t-il pas ?

Merci d’avance.

Alice

Ladoudou Membre actif Demandé le 27 janvier 2015 dans Accords
11 Réponses

Après tous ces échanges, qui ne mènent malheureusement qu’à l’indécision, je vous propose de résumer la réponse sous la forme consensuelle suivante, quel que soit le verbe :
– si le complément peut répondre à la question « combien ? », c’est prioritairement un complément circonstanciel  ->->-> pas d’accord
– s’il ne le peut pas, c’est un COD, ->->-> accord

À la lecture de vos différentes réponses, cela me semble la règle la plus conforme et simple d’emploi. Si une quantité quelconque est affichée, elle est toujours prioritaire sémantiquement sur le transitif direct qui peut exister, malgré les apparences trompeuses : les deux années qu’il a passé  ou les années qu’il a passé. On ne « passe » pas des unités de temps comme un examen ou de la soupe, non ?

Les autres approches sèment un peu la confusion.

Chambaron Grand maître Répondu le 28 janvier 2015

> On ne « passe » pas des unités de temps comme un examen ou de la soupe, non ?

Mais si, justement ! 😉

Je reconnais votre mérite (et j’inclus ici les autres participants) à vouloir formuler une règle didactique et consensuelle, mais dans le cas présent, cela ne fonctionne simplement pas. Les dictionnaires sont unanimes : passer est ici dans son plein emploi transitif.

Avec les règles que vous donnez, on pourrait justifier, par exemple, Les deux heures que j’ai °pris pour aller manger, ou encore Combien de minutes a-t-il °perdu à cause de cet incident ?, parce que l’on répond dans les deux cas à la question « combien de temps ? ».

Les grammaires mettent parfois en garde contre les analyses grammaticales effectuées à grand renfort d’interrogatifs substituables. Il faut garder à l’esprit que quoi n’est pas forcément objet direct, ni combien complément circonstanciel (Combien t’a-t-il donné ?). Une méthode plus fiable (mais pas parfaite…) serait la transformation à la voix passive : il est possible d’écrire Les deux années ont été passées à la caserne, mais pas °Les deux années ont été durées, par exemple.

le 28 janvier 2015.

Merci Vlavv de pousser encore l’épée plus loin. Je n’arrive pas à être convaincu, et à dégager une règle visible. Or ce site a une vocation pédagogique, et nous ne pouvons exporter des indécisions en permanence. Trop de questions restent finalement en souffrance…

Soit on fige des listes en nombre fini, on les apprend par cœur et basta. Soit on fixe une règle pour gérer tous les cas.
Il y a clairement trois verbes qui ne sont par nature jamais transitifs : « durer », « marcher », « régner » (et qui n’acceptent d’ailleurs pas de passif). Pour les autres, je reste sur ma position. D’ailleurs écririez-vous : les deux heures que ça m’a pris  ou que ça m’a prises ?   Et pourtant les fonctions grammaticales sont les mêmes que dans votre exemple, sauf le sujet qui n’influe pas sur l’accord du participe.

J’ai trouvé de tout dans les références. La seule qui m’a fourni un embryon de règle est l’OQLF : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4221 (3e point)
Ils introduisent la notion de changement de sens du verbe en passant de l’intransitif (sens premier) au transitif (sens dérivé). Par exemple pour courir,  il est initialement intransitif (donc pas d’accord du participe). La notion de courir un « cent mètres » est dérivée, à travers la normalisation de la de compétition, et le verbe devient transitif (participe accordé).

Passer est un verbe complexe, mais relativement au temps, il est foncièrement intransitif. Le temps passe  comme l’attente dure . Dans ce esprit, il ne requerra donc pas l’accord du participe.

Pour sourire, une citation  ad hoc :

Passer des aveux est du pur charabia policier (…).
Passe-t-on des aveux comme on passe le sel à la table d’hôte?
Passe-t-on des aveux comme on passe capitaine;
comme on passe l’éponge sur une faute vénielle;
comme on passe la parole à plus bavard que soi;
comme passe un illustre moribond, passant du même coup à la postérité?
Le verbe a sans doute autant d’acceptions que faire; et ce n’est pas peu dire. Passons.
L. PIÉCHAUD, Questions de langage, 1953 dans DUPRÉ 1972.

le 29 janvier 2015.

En préambule, je précise que je n’essaye absolument pas de jouer le contestataire de service. 😉 Je suis juste très gêné de voir se dégager, sous couvert de simplicité et de pédagogie, des réponses qui contredisent directement les grammaires et les dictionnaires (l’un des rares cas sur lesquels ils sont d’accord, en plus !). Faut-il inventer un « nouveau français », plus simple, plus logique, qui aura trouvé son origine dans les débats de question-orthographe.fr ? Je suis presque sûr que l’idée fait frémir l’amoureux de la langue que vous êtes ! 😉

La règle, nous l’avons tous les deux donnée, elle est ici : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=1856

Extrait :

  • L’expression de grandeurs ou de mesures peut même être complément direct de verbes comme ajouter, calculer, couper, enlever, passer, prendre et supprimer. L’accord du participe passé se fait donc avec le complément s’il est placé avant.
    […]
    Exemple : Les deux jours que nous avons passés à écrire ce rapport ont été pénibles.

J’en profite pour rebondir sur votre remarque : « Passer est un verbe complexe, mais relativement au temps, il est foncièrement intransitif. Le temps passe comme l’attente dure . »

Je crois que c’est là le cœur de notre désaccord. Je cite le dictionnaire de l’Académie (les autres dicos disent la même chose) :
Passer
I. V. intr. […]
   B. Exprime une idée de durée. […]
1. En parlant du temps. S’écouler. Les heures passaient. […}
II. V. tr. […}
B. Exprime une idée de durée. […]
1. Laisser ou faire s’écouler. Passer une année à l’étranger, une heure à rêver.

Ici, nous sommes clairement dans le second cas.

Sur votre question : « D’ailleurs écririez-vous :les deux heures que ça m’a pris  ou que ça m’a prises ? »
J’écrirais que ça m’a prises, sans aucune hésitation. Dans ce cas, cependant, je suspecte que ce soit l’utilisation du démonstratif sujet ça qui vous gêne. 😉 On s’éloigne un peu de la question initiale, mais il y  a une intéressante discussion là-dessus sur ce forum : http://www.achyra.org/francais/viewtopic.php?t=4836 (notamment la citation de Girault-Duvivier par Jacques-André-Albert). Les deux heures qu’il m’a prises choquerait probablement moins.

Bon, et pour finir, j’espère que vous ne prenez pas mal notre discussion ! À relire mes interventions, j’ai l’impression de souvent arriver comme un cheveu sur la soupe pour vous contredire. C’est loin d’être une volonté d’acharnement de ma part ; au contraire, je lis toujours vos commentaires avec beaucoup d’attention et d’intérêt, et c’est pour cela que j’ai plus souvent tendance à vous répondre lorsqu’un détail me chiffonne. Pour tout vous avouer, après ma première intervention dans ce sujet, je m’attendais à ce que vous preniez mon parti. J’imagine que je n’ai pas été assez convaincant. 😉

le 29 janvier 2015.

Désolé si mes interventions vous ont donné cette impression ! Au contraire, j’apprécie votre travail de recherche, loin des copier-coller de réponses à la volée.
Mais j’ai du mal à gérer l’absence de consensus lorsque de bons arguments ne dégagent pas une position commune.

Je pense que cela doit aussi bien agacer nos académiciens lors de prises de positions communes pour un mot donné du dictionnaire. On va attendre leur prochaine définition de « quadrature du cercle » pour savoir s’ils incluent les questions de grammaire.

Avec mon salut le plus respectueux l

le 30 janvier 2015.
Votre réponse
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