RE: Ennuyant versus ennuyeux
Bonjour,
J’ai entendu ceci :
Cela a l’air plus ennuyant que mes propres études
(le locuteur faisait référence aux études de droit d’une autre personne)
Cela m’a titillé l’oreille, car j’aurais préférentiellement employé l’adjectif ennuyeux.
Explications
Sauf erreur, dans la phrase, ennuyant n’est pas participe présent, mais a la qualité d’adjectif.
Au même titre qu’ennuyeux l’aurait été.
Nonobstant l’usage peut être un plus vieilli d’ennuyant, j’ai notion d’une différence entre les deux adjectifs.
Ennuyeux = tout le temps. Ex : je n’ai jamais rencontré personnalité plus ennuyeuse.
Ennuyant = occasionnel, passager. Ex : cet incident est ennuyant.
Pour résumer la nuance : Une personne peut être ennuyante, sans pour autant être une personne ennuyeuse.
La durée d’études est (logiquement) passagère dans une vie, mais ce que l’on appelle études dure en général plus d’une semaine. Je ne vois pas le caractère « occasionnel/passager » sur des études de droit.
Quel adjectif auriez-vous choisi s’il vous plaît ?
Merci par avance pour vos retours
Sans entrer ici dans tous les détails de l’histoire du mot ennui, on peut constater qu’il a subi une évolution sémantique importante. Du grec et du latin (inodio, qui a donné odieux) il a conservé jusqu’au Moyen Âge le sens premier de douleur, de chagrin puis d’irritation répétée. Il a été exporté en Angleterre et est devenu annoy.
Il a ensuite évolué aussi vers le sens de lassitude, monotonie, lui aussi exporté sous forme de ennui en anglais, langue qui dispose donc de deux mots là où le français n’en a qu’un.
Les formes ennuyant et ennuyeux existaient déjà en moyen français (1350-1500) et ont un temps correspondu à chacun de ces sens. Mais le second s’est beaucoup plus développé, venant mordre sur le territoire du premier.
Personnellement, il m’arrive de continuer d’employer le disting(u)o : une forte contrariété est ennuyante, un cours fastidieux est ennuyeux. Dommage de perdre cette nuance.
PS Je découvre que les Québécois continuent de cultiver les deux mots avec cette différence de sens. Sans doute l’influence anglo-saxonne, pour une fois positive.
Bonsoir Chambarron
Votre « Sans entrer ici dans les détails de l’histoire du mot ennui » m’a été très intéressant.
C’est vrai que l’histoire explique souvent( pas toujours) le pourquoi/comment d’un mot. Ceci permettant également parfois de mettre en exergue des nuances que plus personne ne ressent, ne connait voire juge inutiles ou obsolètes.
Je ne fais pas partie (et je m’attache à ne pas en faire partie) des personnes qui considèrent les nuances inutiles. Je pense au contraire que ces dernières se doivent d’être (ou de demeurer) en langue française (comme dans la vie tout court)
Nous serons donc deux à continuer d’employer dans certains cas le/les nuances, vieillies ou pas.
Ravie de faire partie du club 🙂
Bonne soirée Chambarron
@Cocojade
Cependant, si je comprends tout bien, la nuance faite par Chambaron n’est pas la même que celle que vous faites (et qui est celle évoquée par Littré).
@ Marcel
Je ne comprends pas Marcel.
Je rejoins complètement la nuance expliquée par Littré
Ennuyant=passager, occasionnel
Ennuyeux = tout le temps, entièrement…
De ce que j’ai cru comprendre des propos de Chambarron, ce dernier indique sentir cette nuance et donne 2 exemples :
– Une forte contrariété est ennuyante. Je le rejoins, car une contrariété est logiquement passagère, occasionnelle (c’est à souhaiter 😉 )
– Un cours fastidieux est ennuyeux. Ce cours est fastidieux, ennuyeux… Il ne l’est pas occasionnellement, il l’est toujours.
Ceci étant précisé, je reconnais qu’à force de réfléchir sur le sujet, je finis peut-être par manquer de recul et peut-être même de compréhension… C’est possible. Si c’est le cas, vous pouvez m’indiquer à quel niveau je commencerais à faire une sorte de méli-mélo ?
Merci Marcel 🙂
C’est bien pour ça que j’ai pris cette précaution, je ne suis pas sûr de tout bien saisir ! 🙂
Il m’a semblé que la nuance faite par Chambaron était une nuance de sens : désagrément vs lassitude et non de nature : accidentelle vs essentielle.
Et quand vous dites d’une personne qu’elle est ennuyante, vous ne dites pas qu’elle est contrariante, me semble-t-il, mais simplement qu’elle provoque de la lassitude, cela de façon non pas intrinsèque – comme le ferait une personne ennuyeuse – mais ponctuelle (si donc on accepte la nuance).
(De toute façon, de nos jours – et ce n’est pas récent, récent* – les quatre termes : ennui / ennuyer / ennuyant / ennuyeux ont tous ce double sens désagrément-contrariété/lassitude.)
* Dans son dictionnaire – qui date du XVIIe, Furetière donne d’ailleurs pour ennuyant le seul sens de provoquant de la lassitude (à moins qu’il faille comprendre que le bal est contrariant ? Mais j’en doute, mais l’exemple avec Diogène, je crois que seul le sens lassitude est envisageable).
@ Marcel
« (De toute façon, de nos jours – et ce n’est pas récent, récent* – les quatre termes : ennui / ennuyer / ennuyant / ennuyeux ont tous ce double sens désagrément-contrariété/lassitude.) »
Bien résumé au final
… si ce n’est cette notion de durée que j’entrevois (Vade rétro Satana)
J’agite le drapeau blanc 😉
