RE: Ennuyant versus ennuyeux
Bonjour,
J’ai entendu ceci :
Cela a l’air plus ennuyant que mes propres études
(le locuteur faisait référence aux études de droit d’une autre personne)
Cela m’a titillé l’oreille, car j’aurais préférentiellement employé l’adjectif ennuyeux.
Explications
Sauf erreur, dans la phrase, ennuyant n’est pas participe présent, mais a la qualité d’adjectif.
Au même titre qu’ennuyeux l’aurait été.
Nonobstant l’usage peut être un plus vieilli d’ennuyant, j’ai notion d’une différence entre les deux adjectifs.
Ennuyeux = tout le temps. Ex : je n’ai jamais rencontré personnalité plus ennuyeuse.
Ennuyant = occasionnel, passager. Ex : cet incident est ennuyant.
Pour résumer la nuance : Une personne peut être ennuyante, sans pour autant être une personne ennuyeuse.
La durée d’études est (logiquement) passagère dans une vie, mais ce que l’on appelle études dure en général plus d’une semaine. Je ne vois pas le caractère « occasionnel/passager » sur des études de droit.
Quel adjectif auriez-vous choisi s’il vous plaît ?
Merci par avance pour vos retours
De nos jours, en France, cet emploi de ennuyant est vieilli. De nos jours, dans d’autres endroits de la francophonie (Antilles, Belgique, Canada, apparemment), cet emploi est vivace, mais je ne sais pas s’il y a une nuance ou pas par rapport à ennuyeux.
En France, à une époque où cet emploi n’était pas encore vieilli, voici ce qu’en dit Littré :
ENNUYANT, ENNUYEUX. L’homme ennuyant est celui qui ennuie par occasion ; cela est accidentel ; l’homme ennuyeux est celui qui ennuie toujours ; cela est inhérent. Un homme ennuyant peut n’être aucunement ennuyeux. Mais le fait est que dans l’usage ces deux mots se confondent ; seulement, ennuyeux est plus usité qu’ennuyant.
Bref le premier étant plus usité – déjà à cette époque – que le second, celui-ci est tombé en désuétude ; mais déjà alors, vous voyez que la nuance semblait ne plus être sentie.
(Nuance qui peut s’expliquer par l’origine verbale de ennuyant : le verbe date le procès dans le temps (donc de façon limitée), alors que l’adjectif est censé donner une qualité – donc quelque chose de caractéristique, de non limité dans le temps – de la personne / chose qualifiée d’ennuyeuse. Mais ça, c’est la théorie, qui sans être dénuée de fondement, peut aussi être bien tempérée :
Hier, il a été bien ennuyant, d’ailleurs, il l’est tout le temps.
Qu’est-ce qu’il est ennuyeux, heureusement, il ne l’est pas tout le temps.
Enfin, sauf si la différence était vraiment fortement ressentie, auquel cas, on ne pourrait pas dire C’est un homme ennuyant, seulement C’est un homme ennuyeux. Mais c’est douteux, puisqu’on peut toujours apporter une restriction à une qualification censément intrinsèque : Il est intelligent, enfin la plupart du temps ; Il est beau, enfin, ça dépend des jours, etc.)
Edit – Et pour quand même répondre à votre question (!), si on fait la nuance, oui c’est vrai, que ennuyant ne convient pas bien en l’espèce, puisqu’a priori, le locuteur qualifie les études de droit de son ami – de façon non pas ponctuelle, mais intrinsèque -, qui lui semblent (par essence) ennuyeuses (plus que les siennes en tout cas).

Merci Marcel
Oui, je rejoins majoritairement vos propos.
J’ajouterai toutefois… une nuance 😉
Il existe des mots dont la vocation (ou l’intérêt) est d’apporter, à eux seuls, des nuances ou de légères différences.
Ces mots se suffisent à eux-mêmes et n’imposent pas de devoir recourir (obligatoirement) à un complément pour faire ressentir ce qui fait intrinsèquement partie… de leur propre subtilité.
Pour preuve, même s’il reconnait que l’usage d’ennuyeux est majoritaire, le Littré n’en relève pas moins une nuance entre ce dernier et ennuyant. (occasionnellement, ponctuellement/toujours, de manière habituelle)
Mon cheminement (qui n’est que le mien, il va de soi) est celui-ci
L’adjectif ennuyant a vieilli, c’est un fait, mais il fait encore partie du langage.
Tant que ce mot existe, la nuance qui lui a été liée/attribuée existe.
Tant que cet adjectif existera (à savoir non supprimé/banni de la langue française), il n’y a aucune raison que la subtilité qui lui est associée disparaisse.
Pour résumer, à mes yeux, c’est un package. Un mot avec sa nuance.
Je sais que pour beaucoup ces subtilités paraîtront obsolètes ou inutiles, mais, vous le savez, ce n’est pas mon cas.
Au contraire, j’aurais presque tendance à dire que c’est devenu un peu mon dada ces derniers temps 😉
(Pour tout vous dire, j’en ignore la raison)
Autant, je pense qu’un certain « dépoussiérage » ne serait pas inutile sur certaines règles de la langue française, autant je trouverais regrettable de se passer ou de supprimer des subtilités, que peuvent générer certains mots de notre langue. Ces dernières étant gage de richesse.
Ce serait, à mes yeux, et se priver d’une certaine forme de plaisir que procurent certains termes, et appauvrir le sens des… nuances.
Bonne fin d’après-midi Marcel
NB. c’est un sacerdoce que d’essayer d’employer des synonymes de « nuance »
Il y en a peu et la plupart n’ont pas forcément le même sens.

@ Marcel
Je viens juste de lire votre édit !!!! (je ne l’avais pas vu)
Merci d’avoir répondu de manière directe et concrète à la question que je me posais.