RE: ce fut/furent
Bonjour,
Est-ce que les deux propositions sont correctes ? « La première chose qui attira mon regard fut/furent ses yeux. »
Merci
[A]. Réponse à votre question indépendamment du titre de la question, c’est-à-dire sans « ce » intercalé.
Aussi bien dans « le rouge est ma couleur préférée » que dans « ma couleur préférée est le rouge », le sujet est « le rouge » et l’attribut est « ma couleur préférée ». On peut par exemple identifier le sujet d’un verbe attributif en insistant sur le sujet avec la formule « c’est… qui » (ou parfois « ce sont… qui »). Dans les deux cas, on dira : « c’est le rouge qui est ma couleur préférée ». La phrase « c’est ma couleur préférée qui est le rouge » n’a pas de sens.
Avec la phrase « la première chose qui attira mon regard fut la couleur de ses yeux », on ne peut pas dire « c’est [la première chose qui attira mon regard] qui fut [la couleur de ses yeux] », mais on doit dire « c’est [la couleur de ses yeux] qui fut [la première chose qui attira mon regard] ». On voit bien quel [groupe nominal] qualifie l’autre.
Donc, [la couleur de ses yeux] est sans conteste le sujet de la phrase, et il y a une certaine logique à conjuguer le verbe selon son sujet.
Et, quand on met le sujet au pluriel, le sujet postposé reste un sujet postposé, on peut et on devrait donc écrire « la première chose qui attira mon regard furent ses yeux ». C’est une phrase syntaxiquement correcte et parfaite. La conjugaison selon l’attribut antéposé est cependant fréquente et on peut hélas également écrire « la première chose qui attira mon regard fut ses yeux ».
** — Voici deux exemples relevés par le Grevisse. Les classiques, et certains auteurs, conjuguent le verbe selon son sujet postposé : La véritable proie de l’injustice sont précisément ceux-là qui répondent a son défi (Bernanos). Mais c’est le plus souvent l’attribut antéposé qui détermine la conjugaison : Le seul inconvénient était les droits de douane à acquitter (Yourcenar). — **
[B]. Avec « ce », comme exprimé dans le titre de votre question.
B1. Quand « ce » reprend un sujet antéposé, « ce » est un pronom sujet neutre et il n’est pas normal de conjuguer au pluriel :
— Les choux sont des légumes. Les choux, c’est bon. Les choux, c’est des légumes. La ratatouille, c’est des légumes.
Il n’y aurait pas d’élégance particulière à vouloir conjuguer au pluriel, selon l’attribut postposé, bien au contraire, quand le sujet de la phrase est clairement le pronom « ce ».
B2. C’est seulement quand on a un attribut antéposé qu’il est logique de conjuguer le verbe avec le sujet postposé, car le pronom « ce » ne représente plus le sujet mais l’attribut.
— Les choux, c’est mon plat préféré. (quel est le sujet de la phrase ?)
— Mon équipe ? ce sont mes collaborateurs. (quel est le sujet de la phrase ?)
— La première chose qui attira mon regard ? ce sont ses yeux. (quel est le sujet de la phrase ?)
[C]. Avec ou sans « ce ».
Parmi les exemples ci-dessus certains peuvent heurter l’oreille. En fait, parfois, le quidam a du mal à identifier d’instinct le sujet. D’une part la syntaxe rigoureuse dit de conjuguer selon le sujet. D’autre part l’usage, qu’il soit populaire ou littéraire, va souvent vers la conjugaison selon le premier mot exprimé, qu’il soit sujet ou attribut, parfois au détriment de la syntaxe pure.
Le site que vous avez mis en lien en disant « j’ai trouvé » ne répond pas vraiment à votre question. Il tente péniblement d’expliquer la conjugaison, avec des « avant » et des « après », mais tant que le rédacteur de l’article n’aura pas compris qu’il faut croiser la notion de « avant/après » avec celle de « sujet/attribut », il ne donnera que des réponses très médiocres.
