RE: Accords adéquats / prendre leur part de (à ?)

Répondu

Bonjour,

J’aimerais obtenir une confirmation de la bonne orthographe dans ces exemples :

1. L’avoir ainsi, au deuxième ou troisième rang, en face de moi, tel que nous avions été, à six années de là (rang est bien au singulier, et tel au singulier également ?)

2. C’est une des plus effroyables guerres civiles qu’on ait jamais connues (l’accord se fait avec guerres et non avec une ?)

3. Je doutais qu’ils aient le cœur à prendre leur part de toutes ces réjouissances (à toutes ces réjouissances ?)

Je vous remercie d’avance pour vos réponses.

Marisa Grand maître Demandé le 15 mars 2023 dans Général
5 Réponses

1.
Vous devez appliquer « tel que » à ce qui précède, à ce qui est qualifié, comparé… Ce qui suit est important pour le sens, mais n’emporte aucun accord : il est tel que nous le pensions, ils sont encore tels que je les avais connus, elle est telle que j’étais à son âge…
Dans votre phrase (qui n’en est pas une puisqu’il n’y a pas de verbe, on se demande pourquoi), ce qui précède, ce qui est comparé, c’est la proposition infinitive « l’avoir ainsi, au deuxième ou troisième rang, en face de moi » ? Ça ne donne pas envie d’y appliquer l’adjectif tel, et il est en tout cas certain qu’il n’y a là aucun pluriel, donc qu’on ne pourra en aucun cas écrire tels que.
En fait, tel semble utilisé ici comme attribut du COD, complété par une proposition (je choisis un féminin puisque vous ne donnez pas d’information sur ce sujet) : Je la vois telle qu’elle est.
Mais il faut que le complément en « que » ait un sens pouvant préciser cet attribut : Je la vois telle qu’elle était jadis. Je la vois telle qu’on me l’a décrite. Je la vois telle que vous étiez à son âge.
On peut éventuellement (mais lourdement), avec ou sans ellipses, comparer « elle » à « nous » : Je la vois habillée aujourd’hui telle que nous étions habillés jadis.
Mais ce qui est impossible avec votre ‘phrase’, c’est de dire que « elle face à moi » peut être comparé à « nous », car je n’ai moi-même jamais été face à moi.
Donc la construction avec l’attribut « tel » n’est pas possible. Peut-être voulez-vous comparer des situations, mais ça ne marche pas non plus. Décidez clairement de ce que vous allez qualifier et comparer (« elle » ? « elle en face de moi » ? la proposition « l’avoir en face de moi » ?), et si vous ne savez pas trop, virez le tout.

2.
Dans « une des choses que… », l’antécédent de « que » est « choses », au pluriel. Quand on a besoin du singulier, c’est que cette construction n’est pas adaptée (j’ajoute l’exemple de Bruno en parallèle) :
— cette guerre est une des pires qu’on ait connues, une des plus effroyables qu’on ait filmées sous cet angle
— cette guerre est la pire qu’on ait connue, la plus effroyable qu’on ait filmée sous cet angle…
Si on veut donner deux informations, on fait deux phrases :
— cette guerre est une des plus effroyables qu’on ait filmées + elle est la seule qu’on ait filmée sous cet angle
Les quatre interventions ci-dessus défendant, ne serait-ce que dans certains cas, la possibilité du singulier, sont fautives.

3.
Actuellement, on dissocie souvent clairement un sens originel concret, et un sens figuré évoquant l’action, le fait de participer à un événement :
prendre sa part de : ils ont pris leur part du butin, ils en ont pris leur part
prendre part à : ils ont pris part aux festivités, ils y ont pris part
Mais des constructions intermédiaires, plus difficiles à analyser, sont également correctes jusqu’à preuve du contraire :
prendre (sa) part à : ils ont pris (leur) part à ces événements
La littérature regorge de phrases avec des prendre sa part du festin ou prendre sa part au festin, à côté du moderne prendre part au festin. Lequel de ces sens est métaphorique? Lequel est concret ? Qui a participé, qui a pris une part ? Quel est sens est le bon ?
Ces constructions reflètent différents états d’évolution d’une expression.
Si quelqu’un choisit d’écrire prendre sa part de au lieu de prendre sa part à ou prendre part à, on n’y peut rien, cela offre encore l’apparence de la correction syntaxique, et il ne faut pas toujours faire la police des mots :
* prendre sa part d’une charge, d’un profit, d’une aventure :
— ces succès, ces échecs, nous en avons pris notre part, ils en ont pris leur part
* prendre part à un événement, participer :
— cette aventure, nous y avons pris part, ils y ont pris part
Pour moi, le mot « réjouissances », particulièrement au pluriel, désigne une fête, et on prend part à des réjouissances (prendre part à toutes ces réjouissances), mais si je trouvais au fil de mes lectures dans un Hugo un « après ce succès, nous fûmes heureux de prendre notre part des réjouissances« , je comprendrais très bien la phrase. C’est peut-être juste une question de style, non ? de grande ou moindre proximité entre nos mots propres et les mots communs ? Voulez-vous moderniser un texte ? supprimer les passés simples, les vieux mots et les vieilles tournures ? Faites comme vous voulez, mais quel intérêt peut-on trouver à tout aplatir ? Si l’auteur envisage un sentiment, une impression, une reconnaissance, des aventures, dans une dimension qui lui permet d’en prendre sa part plutôt que d’y prendre part, laissons-le parler comme il le souhaite.

CParlotte Grand maître Répondu le 16 mars 2023
Votre réponse
Question orthographe est un service proposé par Woonoz, l'éditeur du Projet Voltaire et du Certificat Voltaire.