RE: accord du participe passé
1. Passé
D’après ce que j’ai compris, avec les verbes exprimant une durée ou une quantité, le participe passé s’accorde ou non selon qu’il est COD ou complément circonstanciel.
Donc « passé » ne s’accorderait pas dans la proposition suivante :
Durant les deux années qu’il a passé en France, il ne s’est pas fait d’amis.
-> toutes les années peut être déplacer sans problème et il s’agit pour moi d’un complément circonstanciel de temps et non d’un COD (Il ne s’est pas fait d’amis pendant combien de temps ?)
Tandis qu’à l’inverse, j’accorderais volontiers passé dans cette phrase :
Depuis le temps, il avait oublié comment on cultivait la terre, et toutes les heures, toutes les journées qu’il avait passées dans les champs, le dos courbé, les genoux pliés, à veiller sur ses semis…
Car ici avec toutes, « les journées » ne peut à mon sens qu’être considéré comme complément circonstanciel.
Il avait oublié quoi ? -> deux choses : comment on cultivait la terre et toutes les journées passées à veiller…
C’est bien exact ?
2 Ils se sont tourné autour
J’ai pu trouver récemment dans un magazine (et ailleurs, à plusieurs reprises) un accord du participe qui me chiffonne. Jugez plutôt :
« (…) les deux collègues se sont tournés autour.
Pour moi, l’accord pluriel est indéniablement fautif, la question posée étant « ils ont tourné autour de qui ? »
Seulement voilà, à force de le voir partout, même dans la littérature, j’en viens à douter malgré tout.
Qu’en pensez-vous ?
Merci !
Merci à tous pour vos réponses, lesquelles confirment que j’ai soulevé deux points délicats, au vu du léger dissensus qu’ils suscitent 🙂
Concernant ils se sont tourné autour :
Mon raisonnement rejoint celui de Marcel et de Bruno (merci pour l’astuce Bruno ; est-elle infaillible ?)
Felzz, en ce qui me concerne je distingue la forme se tourner vers de la forme se tourner autour dans la mesure où la première implique que l’on tourne effectivement soi-même vers quelque chose -> il se sont tournés vers moi = ils ont tourné leur propre personne vers moi, tandis que dans l’autre énoncé, chacun tourne autour de l’autre mais ne se tourne pas soi-même vers l’autre.
Ils se sont tournés l’un vers l’autre serait possible (chacun tourne lui-même vers l’autre).
Cathy, je ne suis pas sûr de comprendre ; dans le premier énoncé (durant les deux années qu’il a passé(es) ) vous pensez que les deux analyses/accords sont possibles ?
Oui, je pense que les deux lectures sont possibles.
Durant les deux années qu’ils ont passé : durant combien de temps ? deux années
Durant les deux années qu’ils ont passées : durant quelles années ? les années difficiles/de vaches maigres / qu’ils ont passées
Mais : les deux années que j’ai passées à travailler : là, pas d’ambiguïté.
Je ne peux que citer :
Avis de l’expert – Bruno Dewaele, champion du monde d’orthographe, professeur agrégé de lettres modernes
Est-il langue plus subtile que celle qui vous oblige à écrire « les cent mètres qu’il a couru ont suffi à le mettre hors d’haleine », mais « les cent mètres qu’il a courus tout au long de l’été lui ont permis d’arriver en pleine forme aux Jeux olympiques » ? Dans la première phrase, en effet, il s’agit de la distance et « cent mètres » est un complément circonstanciel qui n’influe pas sur l’accord du participe. Dans la seconde, il est question de la course et il s’agit bien d’un COD : de ce fait, le participe passé s’accorde avec lui ! What else ?
>>>il me semble bien qu’on est dans le cas que j’ai souligné.
Remarque : étant donné qu’on hésite tant, pourquoi continuer à faire la distinction ? On voit bien qu’il y a des cas limites.
Tara, dans l’exemple donné par Bruno Dewaele, courir est intransitif dans le premier cas : Il a couru [sur une distance de cent mètres ; cette distance a suffi à le mettre hors d’haleine], et transitif dans le second cas : Il a couru un / des marathons, un / des cent mètres.
Dans les phrases de milos, passer ne peut être que transitif : on passe du temps (3 ans, plusieurs années, une journée, etc.) à faire quelque chose / quelque part.
Les questions en quoi/combien sont piégeuses, et ne fonctionnent pas à tous les coups :
– J’ai acheté trois croissants à la boulangerie du coin.
– Tu as acheté combien de croissants ?
Question en combien, alors que trois croissants est incontestablement un COD.
Oui, je vous entends. Merci d’avoir pris la peine de me répondre et de développer votre réponse. En effet vous avez raison.
Reste que les distinctions me paraissent parfois floues et même artificielles. De plus, le verbe « passer » est très polysémique, ce qui trouble les choses, en tous cas pour moi.
Polysémie : passer qqc (et notamment du temps) se trouve dans la 1ère entrée sur les 3 du verbe « passer » 2e section – I – B – 1 – A (!)
Le sens donné à « passer » dans le cas qui nous intéresse ressemble à s’y méprendre à celui du verbe « vivre » qui lui, peut être intransitif. D’où ms incertitudes.
Je vous en prie.
Vous dites : Le sens donné à « passer » dans le cas qui nous intéresse ressemble à s’y méprendre à celui du verbe « vivre » qui lui, peut être intransitif.
Vous avez raison, sémantiquement les deux phrases sont très proches, pour ne pas dire synonymes :
Durant les deux années qu’il a passées en France, il ne s’est pas fait d’amis.
≃ Durant les deux années qu’il a vécu en France, il ne s’est pas fait d’amis.
Mais si vous prenez les verbes vivre et passer hors contexte, vous voyez bien que contrairement à passer, vivre contient la notion de durée : vivre, c’est être en vie, et la vie est un phénomène qui s’inscrit par définition dans une certaine durée. Pour que le verbe passer acquiert cette notion de durée, il faut lui adjoindre un complément de temps/durée, qui est COD puisque construit directement.
Il a vécu en France et il ne s’est pas fait d’amis.
Il a passé en France, et il ne s’est pas fait d’amis.
