singulier ou pluriel?
sans vainqueur(s), ni vaincu (s)?
La question à se poser est : s’il y en avait, y en aurait-il un seul ou plusieurs ? Cela dépend donc du contexte.
Un duel sera sans vainqueur ni vaincu (un seul de chaque), mais tous les autres cas de figure sont possible : sans vainqueur ni vaincus (s’il y en avait, il y aurait un seul gagnant et plusieurs perdants) ; sans vainqueurs ni vaincus (plusieurs de chaque) ; sans vainqueurs ni vaincu (plusieurs vainqueurs et un seul vaincu).
Voir par exemple cet article.
Comme vous le constaterez dans de très nombreux cas (plus de 95 %, à l’exception de noms en -al et –ail) on ne sait jamais oralement si les compléments sans article d’un nom sont pensés au singulier ou au pluriel.
La raison en est qu’en français la notion de singulier-pluriel est plus portée par l’article que par le substantif. Si la langue ne précise pas cet article, c’est que cela n’a pas grande importance et que c’est le singulier qui prévaut. C’est ce qu’on nomme le singulier « par défaut ». Inutile de se poser des questions métaphysiques sur ce que l’on pourrait imaginer. C’est souvent stérile et fait perdre beaucoup de temps pour rien.
Pour tous ces cas, la méthode la plus simple est donc de n’accorder le complément que lorsque le pluriel est impératif, soit seulement dans deux cas typiques :
– Il n’y a pas de singulier (une mort sans obsèques, avec funérailles nationales) ou le pluriel a un autre sens que le singulier : un voyage sans frais superflus.
– Le pluriel s’impose par la logique même : un colosse aux pieds d’argile, un avion sans ailes.
Dans tous les autres cas le singulier suffit, inutile de perdre son temps à « pinailler » : un combat sans vainqueur ni vaincu ; des combats sans issue (vs à l’issue incertaine ). Si le pluriel est souhaité, on le marque visiblement : des combats avec des vainqueurs et des vaincus .
Comparez les deux méthodes sur des centaines de cas (ce site regorge de questions de ce type) et vous choisirez la plus efficace.
Chambaron,
Vous apportez systématiquement cette réponse aux questions de ce genre. Néanmoins, je n’ai jamais trouvé de source faisant référence à ce « singulier par défaut ». Au contraire, plusieurs sources fiables vont dans le sens que j’ai indiqué dans ma réponse : Académie française, Le Robert, BDL et même le projet Voltaire. Pourriez-vous indiquer une source qui corrobore vos propos svp ?
Pour certains sujets, le raisonnement prime sur les réponses disparates, équivoques et souvent moutonnières des sources diverses. On dirait que certains s’ingénient à compliquer ce qui est assez simple. Quand une règle ne règle rien ce n’est pas une règle et il faut des ouvrages de centaines de pages et des heures de pédagogie pour la grammaire du quotidien. J’appelle cela une aberration.
Comment se fait-il qu’il y ait tant d’interrogations sur les sites de langue pour un banal singulier-pluriel ? Les gens ne sont pas stupides et si le pluriel est nécessaire ils ne posent en général pas la question. Demander « qu’aurait-on mis si…? » ne fait que déplacer le problème car les deux sont souvent envisageables. Lisez les échanges sur le site du Projet Voltaire, c’est édifiant. Les gens plient finalement devant une prétendue autorité mais repartent frustrés et ils reviendront pour une question similaire.
Quant au « singulier par défaut », il équivaut au « masculin par défaut ». Nul besoin de références pour savoir que les mots de base sont sans genre et sans nombre. Ce que nous nommons féminin et pluriel sont des flexions du mot brut, des accidents occasionnels selon les circonstances. Lorsque le latin a laissé la place au français, on a abandonné toutes les déclinaisons (5 types avec chacun 6 cas sur 3 genres) pour les remplacer par des déterminants comme les articles que l’on entend. S’ils disparaissent, c’est le cas de base qui revient. S’il faut marquer, on marque ostensiblement.
Au total, ma position est donc de rationaliser une bonne fois autour d’un principe simple et compréhensible par tous, un équivalent du « le masculin prévaut sur le féminin » (en fait le non marqué prévaut sur le marqué) qui n’est pas contesté.
Bien entendu, il s’agit là de linguistique et les grammairiens n’aiment pas les linguistes. En quatre siècles, aucun n’a siégé à l’Académie française et les prises de bec sont fréquentes. On peut toujours continuer à faire compliqué mais je n’ai pas l’impression que cela enchante quiconque hormis les spécialistes qui en vivent. Les approximations et les emberlificotages finissent par engendrer lassitude puis rejet. Heureusement que l’intelligence artificielle est patiente ! Il semble aussi qu’elle n’ait aucun état d’âme, C’est sans doute la raison de son succès foudroyant pour rédiger impeccablement rapports, mémoires et autres écrits…
Je vous remercie pour cette réponse détaillée.
Quoi que vous en pensiez, il s’agit là d’une prise de position personnelle. Je ne conteste pas son bien-fondé. Mais sur ce forum où des débutants posent régulièrement des questions, il me semble important que ces prises de position personnelles soient clairement identifiées comme telles, afin qu’elles ne soient pas confondues avec des règles, aussi imparfaites soient-elles. Il ne faudrait pas que des personnes novices considèrent le pluriel fautif dans cette situation.
Remarques modérées que j’apprécie. J’utilise rarement le terme fautif mais on est en droit de proposer des modes de réflexion lorsque les références habituelles ne sont pas claires, voire contradictoires. Les compilations tièdes ne sont pas ma tasse de thé. En l’occurrence, rien dans ma réponse n’était en contradiction directe avec personne mais le demandeur dispose d’un cadre stable et permanent qui évite les prises de tête à répétition. On n’en serait pas là si les « autorités linguistiques » avaient mieux travaillé et ce ne sont pas les enseignants qui me donneront tort.
