RE: peur

Bonjour,

Pourquoi le mot peur dans les exemples ci-dessous est invariable ? Est-ce un adverbe ?

Ces enfants avaient peur de la nuit parce que leurs parents leur avaient raconté des histoires de vampires.
Elles ont peur des souris.
Nous avons peur de notre professeur d’anglais.

PhilippeBerck Maître Demandé le 3 mars 2019 dans Général
3 Réponses

Sous son aspect anodin, votre question me semble cacher un intéressant problème de linguistique. Ma réponse est un peu longue, mais j’y consigne le travail de recherche que je viens de faire.

En effet, l’absence d’article devant le nom dans un certain nombre de tournures de ce type ne semble pas « naturelle » et les formes modernes ne la reprennent pas : avoir peur a de rares équivalents avec article, ou populaires comme avoir la trouille ou avoir la pétoche.

Il en va de même pour avoir confiance. chaud, cours, faim, froid, honte, mal, nom, pied, pitié, raison, soif, sommeil, tort  (et j’en oublie sans doute).

Je n’ai pas trouvé de réponse académique toute faite, mais j’ai une hypothèse qui est que toutes ces formes anciennes (souvent Xe au XIIe siècle) transcrivent ce que l’on appelle en langue latine des verbes déponents (ou semi-déponents). Le français n’ayant pas repris ce type de forme, il a utilisé ce que l’on appelle un verbe copule (avoir) avec un nom dans une locution (un syntagme) fixe et sans déterminant.
Avoir peur se dit en latin (avec des nuances) : paveo, timeo, vereor .  Ces verbes, à cheval entre les forme active (je balise ) et passive (je suis effrayé), n’ont que des traductions transitives (craindre,  appréhender, redouter)  qui ne rendent pas vraiment l’idée d’un état (avec être).

L’analyse d’autres verbes confirme cette hypothèse :
– avoir mal : patior (passion, patience)
– avoir faim : esurio  (sans descendance moderne)
– avoir soif : sitio (sitiophobie)
– avoir froid : algeo (algide) ou frigeo (réfrigérer)
– avoir confiance : fido 
Il semble en aller de même pour plusieurs autres.

Sans prétendre à la rigueur scientifique, cette explication est plausible sur un plan linguistique.

Chambaron Grand maître Répondu le 3 mars 2019

Sauriez-vous intégrer à votre démonstration le fait qu’on dise : j’ai très peur, avec un adverbe au lieu d’un adjectif, et que même quand on met un adjectif on ne l’accorde pas toujours au féminin : j’ai grand peur ? Quand les deux formes sont utilisées : j’ai eu très mal, je n’ai pas eu grand mal, est-ce simplement l’adverbe qui remplace progressivement l’adjectif à mesure qu’on oublie qu’on utilise un substantif ou peut-on chercher une autre explication ?

le 3 mars 2019.

Remarque intéressante. Vous avez sans doute raison de dire que le substantif perd un peu son caractère une fois « piégé » dans la locution.
Cependant, en fait, l’adverbe ne modifie pas le nom seul mais l’ensemble de la locution qui est un verbe à l’origine. J’ai très peur signifie beaucoup j’ai peur, mais l’usage n’a pas retenu cette solution syntaxique.

le 3 mars 2019.
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