Il s’est ensuivi / Il s’en est suivi
Pourquoi entend-on et lit-on de plus en plus souvent « Il s’en est suivi« , « Les émeutes qui s’en sont suivi » , notamment de la part de nos chères têtes pensantes ?
En effet, le verbe s’ensuivre est un verbe impersonnel, et ne se conjugue qu’à la troisième personne du singulier.
Quelle drôle d’idée de le scinder en deux pour le conjuguer ?… Imagineriez-vous de dire « Ils s’en sont volé » pour « Ils se sont envolés » ou « Elles s’en sont fui » au lieu de « Elles se sont enfuies » ?
L’Académie Française est formelle, on doit écrire « Il s’ensuivit » et non pas « Il s’en suivit », et « Il s’est ensuivi » et non pas « Il s’en est suivi ».
L’emploi (plus rare) du verbe « s’en ensuivre » est également accepté : « Les événements qui s’en sont ensuivi » (écrit « ensuivis » sur le site de l’Académie, lequel est erroné (question supplémentaire) ?).
Pourtant, quelle n’est pas ma stupéfaction de constater que de nombreux sites d’orthographe et de conjugaison, et même le Larousse (!!!) affirment que le verbe s’ensuivre se conjugue à la troisième personne du singulier et du pluriel, et que la forme correcte, au passé composé, est « Il s’en est suivi » !
Je suis particulièrement intéressée par l’avis d’un expert en la matière !
Question intéressante. Je suis loin d’être un expert et je me reporte donc à Hanse – Blanpain (éd. de Boeck) où il est précisé que le tour ‘il s’en suit », qui n’est pas orthodoxe, se rencontre chez de très bons auteurs et notamment Vigny. D’après Grevisse, ce tour est critiquable, mais il connaît un succès durable. Pour résumer, si j’ai bien compris, c’est incorrect, mais c’est devenu l’usage.
Hercule,
Les usages manifestement incorrects, même pratiqués par d’excellents auteurs mal corrigés, ne peuvent bénéficier à mon sens de la tolérance accordée à certaines dérives mineures, et que l’Académie finit par accepter longtemps après. Le genre des mots en est un exemple, qui fluctue au cours des siècles sans logique apparente… On doit par tous les moyens tenter de conserver la cohérence de la langue menacée par la multitude d’emplois divers résultant de situations particulières.
Dans le cas d’espèce, séparer le en- reviendrait à lui rendre sa vocation de pronom (c’est acceptable), mais transformerait suivre en verbe pronominal (ce qui ne l’est pas, car deux choses se suivent mais une seule ne se suit pas elle-même…)
Merci Chambaron d’utiliser comme vous le faites les commentaires pour donner un point de vue sur une réponse plutôt que de chercher à le faire en publiant une nouvelle réponse. Vous respectez ainsi la lecture des autres utilisateurs et notre charte d’utilisation 😉
Le projet Voltaire…n’admet que la forme correcte, les auteurs ayant des libertés légitimes que le quidam ne peut pas se permettre ! L’Académie est également assez stricte : je cite
« Le verbe S’ensuivre signifie « découler, résulter ». On ne doit pas écrire s’en suivre en trois mots ».
On dit : Il s’ensuivit de grands troubles ou de grands troubles s’ensuivirent ; Le développement qui s’est ensuivi
On ne dit pas
Il s’en suivit de grands troubles ou de grands troubles s’en suivirent : Le développement qui s’en est suivi
Question délicate, mais qui mérite d’être éclairée eu égard à la fréquence d’emploi tant par les médias que par les particuliers.
Vous donnez déjà l’essentiel des éléments dans votre question. Je pense néanmoins que le second verbe, s’en ensuivre, n’est en fait que s’ensuivre auquel est joint un complément sous forme pronominale : le « en » (= de cela) représente un groupe de mots situé ailleurs dans le texte.
On peut ajouter que Bescherelle, not’mère, ne connaît effectivement que la 3e personne du singulier, mais présente aussi sans commentaires les participes passés accordés (féminin et pluriel), ainsi qu’un impératif passé croquignolesque (soit ensuivi !).
Le Monde, référence incontournable, utilise systématiquement et correctement s’ensuivre, mais ils lui arrive d’utiliser aussi la 3e personne du pluriel.
Grevisse insiste sur le fait que la soudure du en- ne doit pas être brisée, mais constate que de nombreux auteurs ont fauté dans leurs textes (dont Émile Littré lui-même qui le condamnait clairement !)
Le Littré, justement, reconnaît la 3e personne du pluriel.
Projet Voltaire a une position, dans le module Excellence, mais je n’arrive pas à la récupérer dans l’immédiat (les explications ne sont disponibles qu’en instantané sur la question à l’écran).
Au total, mon avis est le suivant :
1- Ne jamais tolérer la séparation du en-, même si la faute est fréquente.
2- Accepter l’usage de la 3e personne du pluriel et de l’accord des participes en genre et nombre, à peine de se priver inutilement de nombreuses tournures pourtant logiques, et de devoir recourir à des formulations moins heureuses…
3- Ne pas oublier de respecter les modes de conjugaison si un verbe suit : « il s’ensuit que j’y vais » (forme affirmative = indicatif), mais « il ne s’ensuit pas que je m’en aille » ou « s’ensuit-il que j’y aille ? » (formes négative et interrogative = subjonctif)
Références :
– http://www.bescherelle.com/conjugueur.php?term=s%27ensuivre
– http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1218375&xtmc=s_ensuivre&xtcr=31
– http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/s’ensuivre
Je n’ai point trouvé de régle sur le blog de Projet Voltaire mais j’ai trouvé cela sur le blog de M. Bruno Dewaele, si cela peut apporter un éclaircissement :
La règle est étudiée au module Excellence. Merci pour l’explication de Bruno Dewaele, c’est un régal.
Bien sûr, l’emploi de « il s’en est suivi » est à proscrire. Que dire après Bruno Dewaele… ? Que le verbe « s’ensuivre » est un verbe impersonnel, l’utilisation de la 3ème personne du pluriel n’est donc pas possible, malgré la réponse de Chambaron (qui veut éviter des lourdeurs, mais elles sont évitables, la langue française est riche) et la citation que fait Bruno Dewaele de Chateaubriand : «des duels s’ensuivirent».
De la cause que donne l’illustre écrivain, il résulta des duels donc « il s’ensuivit des duels ».
Je me sens obligé de moduler ma réponse précédente qui reste quand même, à mon sens, défendable. L’Académie française précise dans son dictionnaire que le verbe s’ensuivre n’est « usité qu’à la troisième personne du singulier et du pluriel », donc l’emploi de la 3ème personne du pluriel est correct selon elle. Voilà qui donne raison à Chambaron.
Merci de cette superbe contrition, étonnamment émouvante en ce lieu qui se cherche encore.
Mais ce n’est pas moi qui ai raison : c’est cette foutue langue, verte, ocre, mordorée, qui nous permet de « dire » ce qui sans elle n’aurait jamais existé. Par delà les règles austères, dans l’antre oublié de Villers-Cotterêts, des ballades de Villon aux pamphlets de Ferré, cette langue vibre autour du même squelette : qu’importent les écailles pourvu que l’on ait l’âme.
Pardonnez-moi cette brève digression poétique. Je m’égarai. Et, dirait Rabelais, revenons donc à nos moutons. Il s’ensuit, si j’ai bien suivi, que les suites de cet article ne devaient pas dépasser l’épaisseur d’un court commentaire à une intervention modeste. Ainsi soit-il !
Dont acte, bonsoir !
Bonjour,
Il est certain que « il s’en est ensuivi » n’est pas plus laid que « il s’en est envolé » (je parle d’esthétique, pas de la grammaire et donc pas de la valeur de « en » dans l’un ou l’autre de ces exemple), malgré tout, l’usage erroné mais répandu faisant que « il s’en est ensuivi » provoque une certaine gêne, je préfère trouver une autre façon de dire, ce que fort heureusement permet la langue française. Et puis ça fait travailler les méninges de chercher d’autres façons de dire. Pour éviter le « il s’en est ensuivi », quand on pense qu’il va gêner (attention, je ne dis pas : pour ne jamais l’employer !) les possibilités sont assez nombreuses.
C’est un peu la même chose avec le subjonctif après « après que » : on sait très bien qu’il faut dire « après qu’il est venu » et non pas « après qu’il soit venu », mais là encore, la force de l’usage (‘erroné) fait qu’il y a une gêne auditive, et donc à chaque fois que c’est possible je privilégie « après + substantif » (après sa venue),et autres multiples possibilités que là encore la langue permet. Et je réserve le « après que » et son subjonctif (qui ne me choque aucunement) à mes échanges avec des personnes qui savent que l’emploi en est juste.
Ceci pour dire que parfois, on peut tout à fait connaître une règle et aimer l’appliquer, mais trouver mieux, pour telle ou telle raison, de parfois… la contourner (en toute légalité, ou oserai-je le jeu de mot « en toute lingualité »…), ce qui est aussi un excellent et amusant exercice de gymnastique linguistique.
Bien cordialement,