RE: Séparation, par la virgule, des Sujet et Prédicat

Répondu

Bonjour,

Je pensais que la virgule ne pouvait jamais séparer les éléments essentiels d’une proposition qui se trouvent dans son ordre « naturel » (sujet + prédicat + complément d’objet/de lieu etc.). Cependant, Proust semble le faire dans l’extrait ci-dessous :

« Je leur donnais, en les concevant ainsi comme deux entités, cette cohésion, cette unité qui n’appartiennent qu’aux créations de notre esprit ; la moindre parcelle de chacun d’eux me semblait précieuse et manifester leur excellence particulière, tandis qu’à côté d’eux, avant qu’on fût arrivé sur le sol sacré de l’un ou de l’autre, les chemins purement matériels au milieu desquels ils étaient posés comme l’idéal de la vue de plaine et l’idéal du paysage de rivière, ne valaient pas plus la peine d’être regardés que par le spectateur épris d’art dramatique les petites rues qui avoisinent un théâtre. » (Du côté de chez Swann, Proust)

« Les chemins ….. » semble être le sujet de « ne valaient pas … ». Comprenez-vous, s’il vous plaît, cet usage ? S’agit-il d’une licence littéraire/poétique ?

Merci par avance.

Cordialement

DSSA Membre actif Demandé le 22 juin 2021 dans Général
3 Réponses
Meilleure réponse

Votre remarque est fort judicieuse et intéressante.
Il faut savoir que les éditeurs ont souvent touché à la ponctuation et même à la mise en page du texte de Proust.
Néanmoins, s’il ne s’agit pas d’une erreur (ce que je ne pense pas parce que cette ponctuation fait sens). Dire qu’il s’agit d’une licence poétique ne ferait que repousser la question :

– cette virgule permet une respiration après un très long groupe sujet, la ponctuation fait rythme.
– on a finalement une mise entre virgules du groupe sujet qui reproduit la mise à l’écart du réel dans la rêverie du narrateur,
Cette mise entre virgules est à rapprocher du rôle des parenthèses, si nombreuses chez Proust.

Voyez celle-ci :

[…]les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l’ombre, s’écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans des remous d’or la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges : (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger). En attendant peut-être parmi la foule arrêtée et confondue dans la nuit, y avait-il quelque écrivain, quelque amateur d’ichtyologie humaine, qui, regardant les mâchoires […]

qui très nettement reproduit la forme d’un aquarium (dont les parois de verre séparent deux mondes.

Tara Grand maître Répondu le 23 juin 2021
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