RE: Distinguo

Bonjour,

Je me demande si la tournure de phrase est bonne :

« Pour faire le distinguo, si on peut écrire … si oui, alors … »

Est-ce correct d’utiliser une tournure de phrase avec « si » juste après le mot « distinguo »? Ou est-il préférable de tourner la phrase autrement ?

Par exemple : « Pour faire le distinguo, on vérifie si on peut écrire … si oui, alors … ».

Merci !

Trobador Érudit Demandé le 6 septembre 2021 dans Question de langue
7 Réponses


Parce qu’il  faut quand même savoir ce que valent les différents dictionnaires consultables en papier ou en numérique, j’ai pris la peine de faire une petite recherche. Je me contenterai de deux extraits sérieux, écrits par des experts, des chercheurs en linguistique qui savent de quoi ils parlent. Pour les autres dictionnaires, chacun pourra faire une recherche en utilisant (notamment) le terme « métalexicographie ».
C’est moi qui ai mis en gras.

– Créé en décembre 1960, implanté à Nancy г, dirigé par M. Paul Imbs et placé sous le contrôle d’un Comité de direction 2 dont les avis portent sur les orientations scientifiques les plus générales, le Centre de recherche pour un Trésor de la langue française (T.L.F.) est conçu à la fois comme un laboratoire de documentation lexicologique complétant Г Inventaire général de la langue française (I.G.L.F.) 3 et le Centre d’études du vocabulaire français , et comme un organisme de recherche dont la mission essentielle est de préparer et de rédiger un dictionnaire historique de la langue française.
L’élaboration d’un dictionnaire — que l’on prévoit volumineux — exige une documentation abondante, soigneusement classée et d’une conception rigoureuse : celle du T.L.F. a le mérite incontesté de l’étendue et de la diversité. D’ordre à la fois bibliographique et lexicologique, elle doit servir non seulement aux rédacteurs du T.L.F., mais aussi à tous les chercheurs (Le trésor de la langue française et la méthode lexicographique – R. Martin)

– Le Grand Robert de la langue française)[…], cette merveille lexicographique qui n’a sa contrepartie dans aucune langue, pur produit de l’amour que portent les Français à leur idiome, résultat de l’alliance dans une personne, Paul Robert, du savoir-faire de l’économiste et de la passion pour le vocabulaire, ce dictionnaire riche en mots, en collocations et en locutions, illustré d’innombrables citations, le dictionnaire qui non seulement définit, mais aussi renvoie de la définition aux mots, créant un réseau paradigmatique d’une incomparable richesse, ce Grand Robert ( Beaucoup de splendeurs, peu de misères : bilan sur les dictionnaires Le Robert -Franz Josef Hausmann)

Quant au dictionnaire de l’Académie, son rôle est extrêmement nécessaire puisqu’il vise à harmoniser les pratiques lexicales et à freiner ce qui serait une évolution trop rapide.  Voici un article du Point :

Qui édicte le bon usage ?

On se retrouve donc dans une situation paradoxale : la langue française ne s’est pas figée une fois pour toutes en 1835, contrairement à son usage de référence. Et l’école tout comme les certifications du type projet Voltaire ont besoin d’une certaine stabilité de la grille d’évaluation. Mais pourquoi ne pas considérer, pour reprendre les exemples du baromètre Voltaire, que à l’attention/à l’intention (considérée comme l’alternance la moins bien maîtrisée), avoir à faire à et bien sûr ne sont pas des fautes mais représentent au contraire des évolutions de la langue française ?
Et qui décide du choix des formes correctes ?  La chaîne des intervenants a été parfaitement décrite par Alain Berrendonner en 1982 dans son ouvrage sur le discours normatif : « Si l’on demande au maître de français comment il justifie son pouvoir normatif, il dira peut-être qu’il ne fait qu’enseigner ce qu’il y a dans le manuel. L’auteur du manuel, quant à lui, s’abritera derrière les instructions officielles, auxquelles il se conforme. Les inspecteurs responsables de ces instructions, si on arrive à les trouver, se retrancheront derrière les arrêts de l’Académie française, qui, elle, nous renverra au Bon Usage, au sentiment universel, à tout le monde. Mais tout le monde tient ses normes de son maître de français, bien sûr. Ainsi, la circularité des transferts-cautions est évidente : chacun est doté d’un certain pouvoir grammatical par le voisin, et c’est ainsi que le pouvoir s’exerce sur chacun.

En résumé, il y a donc la langue, d’un côté, et la norme et l’orthographe, de l’autre. La langue a sa vie propre, évolue au gré des inspirations du moment des locuteurs qui la parlent ou qui l’écrivent. Elle ne se laisse pas dicter la forme qu’elle est censée revêtir et obéit à sa logique propre. C’est l’instrument démocratique par excellence et nous avons tout intérêt à ce que la norme colle au plus près à l’évolution de la langue. C’est donc tout le contraire de l’outil de sélection truffé de pièges redoutables qu’est devenue la norme. Et avec l’arrivée d’une certification, il y a un risque de freiner encore plus l’évolution de la norme. La langue française appartient à tous les francophones et il faut que chacun s’empare de la question de l’évolution de la forme de référence et de ses finalités.*Christophe Benzitoun est enseignant-chercheur en sciences du langage, université de Lorraine.

Tara Grand maître Répondu le 8 septembre 2021
Votre réponse
Question orthographe est un service proposé par Woonoz, l'éditeur du Projet Voltaire et du Certificat Voltaire.