imparfait du subjonctif

L’imparfait du subjonctif…

Bonjour,

Ma question ne porte pas sur ce temps ni même sur la concordance des temps en soi, mais sur la fréquence de leur utilisation dans la littérature d’aujourd’hui. Ce que je demande ici ce sont vos avis, vos « ressentis », pas une règle de grammaire (que je connais).

Dans un texte où la narration se fait notamment au passé simple et à l’imparfait, même si d’aucuns le tolèrent, voire l’acceptent d’emblée, je trouve  pourtant peu logique, étrange et malvenu d’employer des présents du subjonctif.

J’ai en mémoire des expériences datant de près de quarante ans où, après « sermon »,  un éditeur de « romans de gare » nous obligeait à employer des imparfaits du subjonctif…
De plus, je fais une utilisation presque quotidienne de langues étrangères (italien, espagnol)  où ce temps, tout au moins dans les livres de grammaire et dans le « bien-parler », est demeuré de rigueur. Je crains que cela ait forcément une grande influence sur mon français de 2018…

Voici un exemple volontairement simple et court : « Elle ouvrit la porte et me fit entrer sans que je m’essuie les pieds« …  Ce mélange de passé révolu et de présent me choque les yeux, les oreilles et le cerveau…
Cela est d’autant plus gênant que, ailleurs dans le texte, l’auteur a glissé quelques courtes 3e personnes du singulier, telles que eût, pût, fût…

Il est évidemment hors de question d’écrire « que je m’essuyasse », même si c’est juste…

Dois-je vraiment laisser au présent ou est-il préférable que j’écrive un moins gênant « sans que je me fusse essuyé les pieds » ? Évidemment, je pourrais contourner la difficulté et  écrire « Elle ouvrit la porte et me fit entrer alors que je ne m’étais pas essuyé les pieds », cela résoudrait le problème, mais n’apporterait pas la réponse à ma question.

Merci de bien vouloir me donner vos avis « actualisés » à la sauce 2018…

Azucena Grand maître Demandé le 23 janvier 2018 dans Question de langue

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3 réponse(s)
 

Votre question est intéressante mais nécessite un autre espace pour un débat.

Je ne peux que vous conseiller la lecture attentive de cet article, finement rédigé par un correcteur. L’ensemble de son site est digne d’intérêt, mais il est hélas difficile d’y retrouver un sujet précis.
Vous constaterez que l’auteur recoupe votre analyse et préconise bien l’emploi de l’imparfait du subjonctif tout en constatant la désaffection des auteurs modernes à son égard, pour des raisons plus culturelles que strictement grammaticales.

Chambaron Grand maître Répondu le 24 janvier 2018

Bonjour Azucena !

Je crois bon tout d’abord utile de rappeler votre demande (c’est moi qui ai graissé.) :
« Ma question ne porte pas sur ce temps ni même sur la concordance des temps en soi, mais sur la fréquence de leur utilisation dans la littérature d’aujourd’hui. Ce que je demande ici ce sont vos avis, vos « ressentis », pas une règle de grammaire (que je connais). »

Compte tenu des indications données à cet égard par le Bon usage (cf. § 894, 898…), je vous livre mon avis, qui est bien pessimiste :

1. Pour le Bon usage, il ne faut pas exagérer le déclin du subj. imparfait et PQF :

« Si l’on observe l’usage d’aujourd’hui , on doit rejeter comme inexactes deux opinions opposées :  l’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif sont morts » 

D’ailleurs, nombre d’écrivains continuent d’employer ces deux temps :

« Beaucoup d’écrivains (et même d’auteurs) restent attachés à ces deux temps, qui sont comme une marque de la langue littéraire.
Je tâchais tant bien que mal de les identifier sans qu’ils s’en aperçussent (Céline) »   Suivent un  grand nombre d’ex. d’emploi des deux temps considérés.

De plus, il convient de relativiser le déclin de l’imp. et du PQP du subj. :

« Si l’indicatif concurrence le subjonctif dans certains cas, ce n’est pas un fait récent (voir par ex. §§ 11501157) , etil en est d’autres où l’on observe le mouvement contraire : dans les propositions commençant par après que (§ 1137, a) ,selon que etsuivant que (§ 1158, d) , à la condition que , etc. (§ 1158, b) , tout … que (§ 1151) , de ce que(§ 1126, d, 2°) , dans les propositions dépendant de s’attendre que (§ 1127, b, 3°) , dans certaines propositions conjonctives sujets (§ 1126, e) . »

2 Toutefois, l’emploi du subj. imparfait et PQF, même dans la littérature, est rare, notamment du fait de l’emploi du présent de ce mode :

« […] peu d’auteurs contemporains respectent systématiquement les règles de la concordance, même lorsqu’ils ne font pas parler des personnages ; ils remplacent l’imparfait par le présent (parfois le passé : § 899, d, 1° ) et le plus-que-parfait par le passé. Quelques ex. parmi une infinité d’autres :
J’allais […] dire qu’on apporte les sirops (ProustRech., t. I, pp. 14 et 956 ; etc.

« Sauf cas particuliers (comme peut-être les deux qui viennent d’être mentionnés), l’idée selon laquelle le subjonctif imparfait ou plus-que-parfait serait contraire à l’euphonie est subjective : c’est seulement la rareté de ces formes qui les rend surprenantes, et fascinassions n’est pas moins harmonieux que fascination . — C’est aussi leur rareté qui les rend difficiles, et non leur difficulté qui les rend rares.

3. Alors que avenir pour ces temps ?

Pour André Gide (et je partage sa crainte), il est sombre :

Car le subjonctif, si élégant qu’il soit, qu’il puisse être, est appelé, je le crains, à disparaître de notre langue, comme il a déjà disparu de la langue anglaise – plus expéditive et prête à prendre les devants, mais dont le français tend à se rapprocher de plus en plus.

Bon après-midi ! 

Prince (archive) Débutant Répondu le 30 octobre 2018

Votre question est en effet très intéressante. Chambaron a raison, ce site a vocation non à débattre mais à formuler questions et réponses sur des problèmes d’orthographe, de syntaxe.
Et donc, de ce point de vue, utiliser le présent du subjonctif quand c’est son imparfait qui s’impose est simplement fautif et il convient de le savoir et de le faire savoir.

Mais…. A-t-on le droit d’utiliser délibérément une forme fautive ?  Convient-il de « ruser » pour éviter de contrarier ses lecteurs ? Même en étant convaincu qu’il ne faut « rien lâcher », comment faire en transcrivant un dialogue entendu dans le métro, en écrivant dans un grand quotidien populaire, en réalisant une plaquette de vulgarisation scientifique – toutes situations qui ont d’autres règles que la littérature proprement dite ? Quant au ménage à trois formé par la langue, ses « gardiens du temple » et ceux qui la parlent et la font évoluer, c’est encore une autre histoire.

jbambaggi Grand maître Répondu le 24 janvier 2018

À décharge, ce sujet ne concerne que les rédacteurs de textes littéraires et pas les 99,9 % des écrits qui se publient quotidiennement. La règle existe, certes, mais a un champ d’application extrêmement réduit. C’est aux praticiens (correcteurs, journalistes éventuellement) de la mettre en oeuvre, pas à l’ensemble de la population qui a bien d’autres « chats à fouetter » en matière linguistique…

le 24 janvier 2018.

Je suis tout à fait d’accord. Tout dépend donc de la nature du texte écrit. Dans le même ordre d’idées, et pour s’éviter des tonnes de courrier, la rédaction de nombreux journaux contourne le problème de l’indicatif qui suit « après que », soit en utilisant le passé antérieur de l’indicatif à la troisième personne du singulier, qui ne diffère du subjonctif que par l’absence d’un circonflexe, soit en utilisant une forme à l’infinitif. Ecrire, dans la quasi-totalité des cas, c’est ruser entre ce qui est correct du point de vue de la grammaire et ce qui est acceptable par ceux auxquels on s’adresse.

le 24 janvier 2018.

Bien vu…

le 24 janvier 2018.

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